Petit, robuste, produit massivement et relativement facile à trouver encore de nos jours, le sabre-briquet est une pièce emblématique de l'armement du fantassin français de la fin du XVIIIe et du 1er empire. Ce type de sabre court a connu la Monarchie, la République ou encore l'ère napoléonienne. Il fut de toutes les campagnes aux quatre coins de l'Europe et au-delà, il suivit partout le drapeau tricolore et inspira nombre de nations vaincues.
Dans un premier temps on nomme quatre grenadiers par compagnie, choisis parmi les meilleurs soldats de l'unité. Dès 1670 sont créées des compagnies de Grenadiers, composées de volontaires ou d'hommes tirés des compagnies de Mousquetaires. Ces hommes entrainés au lancer de grenades développent rapidement un esprit de corps élitiste. Leur fonction spécifique leur donne rapidement droit à un équipement caractéristique comme le fait d'avoir une bretelle à leur fusil (pour le mettre dans le dos lors du lancer de grenade), qui a un aspect pratique, et le port du sabre, qui a un rôle honorifique.
Mais à vouloir trop paraitre, le sabre de Grenadiers devient largement contre-productif en situation de combat. Vers 1750, le sabre devient aussi long que celui des cavaliers, ce qui certes fait impression, mais est aussi et surtout très encombrant. Certains majors les firent d'ailleurs raccourcir d'autorité dans leur unité...
La réforme vint de Stainville, Duc de Choiseul, qui en 1761 réunit le département de la Guerre et celui des Affaires étrangères. Cet homme est connu pour quelques-unes de ses maladresses, notamment sa négligence de l'infanterie légère et son choix de ne laisser qu'aux officiers nobles les armes de l'Artillerie et du Génie. Au sein des unités il fait revoir les règlements (notamment pour améliorer la discipline), change les uniformes et prévoit une grande refonte de l'armement.
Avec la réforme Choiseul, le nouveau sabre court va de fait équiper les Grenadiers, mais aussi les fourriers, les sergents, les caporaux, les tambours, les musiciens et les soldats charpentiers. L'allure de ce sabre est totalement nouvelle, on peut juste, éventuellement, lui trouver quelques similitudes avec la silhouette des sabres de Hussards. La monture en laiton est composée de deux pièces qui s'encastrent grâce aux demi-oreillons de la croisière. où les demi-oreillons restent figurés mais n'ont plus de fonction autre que décorative. La lame est à plein dos (c'est-à-dire sans gorge) et ne mesure que 59,5cm. Sur le dos de la lame apparait le nom de la manufacture.
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L'origine de ce sobriquet reste floue, il s'agit semble-t-il d'un terme à l'origine péjoratif utilisé par les cavaliers à l'encontre des fantassins. En effet, au XVIIIe le terme de briquet désignerait une petite lame, un couteau, un canif... Le terme serait à rapprocher de celui de braquet qui désignait lui aussi une sorte de petite épée, de poignard. Le lien direct avec le briquet utilisé pour allumer le feu est tout aussi possible. Une ou plusieurs de ces références étymologiques peuvent être justes, ce qu'il en ressort c'est que ce surnom visait à moquer la petite taille du sabre d'infanterie en comparaison des sabres de cavalerie. L'expression est déjà utilisée au XVIIe puisqu'on la retrouve dans un marché d'arme de 1752 pour des sabres courts.
Pendant la Révolution, l'armée française continue bien entendu d'utiliser les sabres 1767, voir même des modèles antérieurs ou étrangers quand la guerre éclate en 1792 et que le manque d'armes se fait cruellement sentir. Mais, à partir de 1790, le briquet 1767 évolue vers un modèle plus robuste et plus simple à fabriquer.
En effet, fini les ci-devant poignées en trois pièces, le briquet révolutionnaire généralise la poignée monobloc coulée en une seule pièce et sans demi-oreillons décorratifs ! Ainsi faisant, la poignée ne risque plus de se disloquer en cas de choc très violent. Pour les Grenadiers de la nouvelle Monarchie, les gravures restent les mêmes. Mais après la fuite de Varennes en 1791, le monogramme royal disparait.
Face à la multiplication des ateliers d'armements, au nombre de fournisseurs privés, au besoin urgent d'armes en tout genre, les sabres révolutionnaires peuvent comporter de nombreuses petites variantes et ne comportent pas toujours de gravures, ni même de poinçons. Les types de lames sont aussi très variés, on trouve même des sabres-briquets montés avec des lames de sabres de cavalerie.
Il existe également des sabres-briquets aussi esthétiques qu'atypiques que les amateurs regroupent sous le terme générique de « sabres de compagnies d'élite ». La silhouette générale est bien inspirée du modèle réglementaire, la taille est souvent la même et l'on retrouve la forme de la garde avec son angle droit caractéristique. Les thèmes du pommeau sont généralement zoomorphes, avec une prédominance des têtes de Lion et d'Aigle. Mais certains portent d'autres décors, par exemple un casque ou un bonnet phrygien sur la calotte et une grenade enflammée ou un cor de chasse sur la poignée.
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Enfin, la Garde du Directoire a son propre modèle de Briquet, dit modèle de l'An VIII. Il reprend l'allure générales des briquets révolutionnaires avec une garde à angle droit mais l'extrémité de cette garde, le quillon, est recourbée vers la lame et fini faceté et surmonté d'une petite "couronne ovalaire". Enfin, pour ce corps prestigieux, la poignée n'est pas en laiton mais en recouverte de basane et filigranée d'un gros fil de laiton torsadé.
Avec Napoléon Bonaparte « la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée. Elle est finie ». Beaucoup d'armes sont ainsi changées ou du moins modifiées en l'an IX. Les sabres-briquets ne font pas exception et le changement va commencer par les armes de luxe pour se diffuser ensuite dans toute l'armée. Dans un premier temps N. Boutet, véritable artiste et entrepreneur de la Manufacture de Versaille, va dessiner un sabre d'Honneur destiné aux fantassins ayant mérité de la Patrie ! Les armes d'Honneur seront par la suite remplacé par une autre récompense: la Légion d'Honneur.
En attendant, ce sabre d'Honneur grand luxe adopte une poignée en argent avec une forme toute nouvelle: arrondie et avec un quillon plus ou moins "en trompette", sorte d'évolution du quillon du modèle An VIII. C'est à partir de ce modèle qu'est réalisé le Briquet de la Vieille Garde (Consulaire puis Impériale) où le laiton a remplacé l'argent mais où l'on a gardé la fusée en basane. La version économique de ce sabre, avec une poignée mobobloc entièrement moulée en laiton (36 cannelures), devient le modèle An IX classique.
D'un point de vue pratique, la garde arrondie offre théoriquement une meilleure protection puisque la lame de l'ennemi est censée ripper sur cette surface courbe et non frapper de toute sa force sur une surface plate comme cela pouvait être le cas avec les modèles précédents. Sa lame, courbe, fait alors 65cm. En l'an XI le briquet napoléonien prend sa forme finale avec une simplification de la poignée (28 cannelures au lieu de 36 sur la fusée) et un quillon en forme de simple goutte d'eau qui remplace celui en forme de bouton pyramidal de l'an IX. Il devient également un peu plus lourd, 1,350Kg contre 1,200Kg pour le modèle an IX.
Durant l'Empire la chape sera à nouveau modifiée avec un pontet un peu plus haut. On remarque donc que sous le Consulat et l'Empire un soldat de la ligne peut avoir eu quatre modèles différents de sabres-briquets : les 1767 classiques qui restèrent de fait en service pendant la Révolution, sa variante révolutionnaire de 1790 (plus éventuellement les variantes « fantaisies »), l'an IX et l'an XI. De fait, même les deux dernières grandes réformes n'uniformisèrent pas l'armée française.
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En 1807, Napoléon supprime le sabre-briquet dans les compagnies de voltigeurs de l'infanterie de ligne et dans les basses compagnies de l'infanterie étrangère. Dès lors, le sabre-briquet ne devait plus être porté théoriquement que par les Grenadiers, les tambours et les gradés (caporaux et sergents). En 1806, deux nouveaux décrets viennent mettre fin au port de ce briquet auquel l'Empereur ne semble pas tellement tenir. On le voit, Napoléon fait primer l'efficacité sur le paraitre en préférant des outils utiles au bivouac plutôt qu'un sabre de prestige utilisé comme outil.
Mais dans les faits, cette mesure ne sera jamais mise en pratique dans les compagnies d'élite, et en 1811 Napoléon lui-même revient sur son idée en justifiant que de toute façon ces outils seraient trop lourds et encombrants pour ses soldats. La Garde quant à elle a eu le privilège d'être équipée de sabres-briquets spécifiques. Sous le Consulat, la Garde Consulaire est équipée d'un modèle avec une poignée plus raffinée dont l'allure anguleuse rappelle le 1767, mais dont le quillon est inspiré de l'an IX. La fusée du modèle destiné aux sous-officiers en bois quadrillée, tandis que celle destinée aux simples soldats est recouverte de basane et d'un filigrane en cuivre jaune.
On retrouve cette distinction avec le second modèle qui suit la proclamation de l'Empire, le briquet de la Garde Impériale prenant les allures d'un an IX, mais plus raffiné. Les briquets de la Garde ont connu de nombreuses variantes dans le nombre de spires de la poignée.
Enfin, et pour finir sur le Premier Empire, il ne faut pas exclure quelques briquets hybrides bricolés par les crânes et autres duellistes de l'Infanterie qui montent des lames plus longues pour leur sabres. « Tant qu'il est en garnison, le tambour-prévôt porte le briquet d'ordonnance, il le faut ; s'il le perdait, on le forcerait d'en acheter un autre au magasin du régiment. Mais du moment qu'on entre en campagne, il rejette bien loin cette lame vulgaire pour mettre à la place un carrelet qu'il a grand soin de monter en quarte. C'est à ce signe qu'on reconnait tous les malins d'un régiment ; ils ont tous la poignée du sabre d'ordonnance, mais une épée longue d'une aune vient à chaque pas frapper leur talon droit. Certes, ce n'est point commode en marchant ; il faut cependant souffrir quelque chose pour se donner un air féroce. On se fait craindre, on le pense du moins, et ce plaisir est grand chez ces messieurs.
Après le désastre de Waterloo, les Bourbons refont leur entrée à Paris pour la Seconde Restauration. De 1815 à 1848, la Monarchie va réformer l'armement du fantassin. La Monarchie de Juillet sonne le glas des sabres-briquets dans l'armée de ligne. En 1831, la lame courbe des sabres-briquets cède la place aux lames droites des glaives. Les glaives ne sont pas une nouveauté dans l'armée française, depuis l'Ancien Régime on trouve des glaives dans l'Artillerie et la Marine, la Garde Constitutionnelle de Louis XVI en avait également un très beau modèle, les sapeurs de la Révolution et de l'Empire en portaient également de superbes modèles zoomorphes à tête de Coq ou d'Aigle.
Nonobstant, le sabre-briquet n'a pas encore tout à fait disparu du paysage ! En effet, dans les villes subsistent des Gardes Nationales qui s'équipent selon les moyens de la municipalité. Dans ces unités, les sabres-briquets vont encore perdurer longtemps, avant d'être eu aussi peu à peu remplacés par des glaives, à l'imitation de l'armée de ligne. Généralement les briquets de la Garde National n'ont pas de poinçons d'unités et la chape de leur fourreau est parfois à bouton. Afin d'alléger le fardeau du bourgeois prenant occasionnellement l'uniforme, il fut produit (par des fourbisseurs privés) des sabres-briquets allégés avec souvent une poignée plus petite et une lame à pans creux. À noter que les glaives seront eux aussi réduits en volume pour les pompiers et la Garde Nationale.
Les Gardes Nationaux ont aussi parfois portés des briquets fantaisie agrémentant la poignée inspirée de l'An XI de nombreuses fioritures (étoiles à cinq branches, fleurs, devises, calotte figurative en forme de casque ou de tête de coq...). Avec l'avènement du Second Empire, les références aux heures glorieuses de la Grande Armée et de Napoléon Ier se font récurrentes. Napoléon III reconstitue ainsi une Garde Impériale, pour laquelle il va réintroduire l'usage du sabre-briquet. En 1854, cette Seconde Garde Impériale est donc dotée d'un modèle inspiré du 1816, à poignée laiton.
La dragonne est un cordon en galon qui entoure la poignée du sabre-briquet. Elle répond à un code couleur qui indique à quel type de soldat elle appartient. Les dragonnes rouges sont spécifiques des Grenadiers, les dragonnes vertes caractérisent quant à elles les Voltigeurs alors que dans les autres unités on porte la dragonne blanche. N'en doutons pas, malgré sa petite taille et son surnom humoristique, le Briquet est une arme.
Toutefois, comme le soulignait déjà le Comte de Brienne en 1765, un tel petit sabre sert avant tout d'outil de bivouac pour les soldats, notamment pour tailler des piquets, ou des branches afin de faire du feu ou un abri de fortune. Mais le sabre-briquet à surtout eut une fonction honorifique. Équipant les unités d'élite et les gradés (caporaux ou sous-officiers), il est une distinction. Les soldats portant la giberne d'un côté et le sabre-briquet de l'autre ont de facto sur la poitrine une buffleterie croisée qui permet de les reconnaitre de loin.
Jusqu'à la défaite de 1870 et l'avènement de la IIIe République, l'armée française connait une période relativement glorieuse. Des victoires de Louis XIV à celle des armées révolutionnaires jusqu'à la domination napoléonienne font que l'armée française bénéficie d'une certaine aura. Par conséquent, les nations étrangères cherchent à l'imiter, notamment au niveau de l'armement. Ainsi, notre sabre-briquet national fut-il abondamment copié par tous nos voisins tout au long du XIXe siècle.
Ainsi, à titre d'exemple, quand dans la seconde moitié du XIXe la France avait définitivement abandonné le briquet pour le glaive, l'armée russe continuait à utiliser un sabre court directement inspiré (pour ne pas dire copié ou plagié) des modèles napoléoniens. Ancien théâtre des guerres napoléoniennes, l'Espagne a aussi adopté son modèle 1818, copie de l'An XI français. Autre exemple: l'année même ou l'armée de ligne française abandonné le sabre briquet naissait à sa frontière septentrionale un nouvel Etat: le Royaume de Belgique.
Le marquage était "G.I. Frs" d'un côté et "E.N°.129." de l'autre côté, ce qui avait donné comme interprétation: "Garde Impériale, Fusiliers, 5e compagnie, arme n° 129". J'ai trouvé aujourd'hui, dans une caisse pleine de briquets, un sabre qui a bien souffert mais avec le même système de matriculation, pour une autre compagnie ! D'un côté toujours "G.I. Frs" et de l'autre "B.N°.165" ce qui pourrait donner "Garde Impériale, Fusiliers, 2e compagnie, arme n° 165". On remarquera que ces deux sabres sortent de la Manufacture de Versailles et peut-être à la même époque puisqu'ils portent tous les deux le poinçon de Cazamajou, réviseur de 1803 à août 1806 puis de janvier 1809 à septembre 1811. Mon sabre comporte deux autres poinçons pour l'instant illisibles.
Un régiment de Fusiliers fut créé en septembre 1806. En décembre ce régiment devient 1er Fusiliers de la Garde et les Vélites deviennent 2e Fusiliers de la Garde. En 1809 le 1er Fusiliers prend officiellement le nom de Fusiliers Chasseurs et le 2e Fusiliers le nom de Fusiliers Grenadiers. On peut envisager que les Fusiliers-Grenadiers de la Garde, anciens Vélites des Grenadiers de la Garde, aient perpétué dans leur unité le principe de l’immatriculation des armes. Il peut aussi s'agir de marquage effectué entre septembre et décembre 1806 quand il n'y avait qu'un régiment de Fusiliers, là encore encore la pratique des Grenadiers de la Vieille Garde aurait pu passer par les cadres qui viennent des Vélites (des Chasseurs et des Grenadiers).
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