La cour d'assises des Bouches-du-Rhône à Aix a été amenée à juger un nouvel épisode de la sanglante vendetta qui oppose les familles Tir et Remadnia depuis près de dix ans. En Algérie, ces deux grandes tribus que sont les Tir et les Remadnia partageraient une aïeule commune. À Marseille, ils s'exterminent les uns après les autres pour le contrôle du très juteux plan stups de la cité Font-Vert (14e).
C'est l'histoire de deux tribus chaouis venues s'installer en France il y a des décennies. Deux familles dont les villages algériens sont distants de quelques kilomètres seulement - au point que plusieurs seraient en fait du même sang - et qui ont fait de la cité Font-Vert (14e) leur berceau, mais aussi le linceul de nombre de leurs descendants nourris au cannabis, aux liasses de billets et animés d'un irrépressible besoin de vendetta.
Pourtant, rares sont les affaires élucidées au cœur de cette guerre, dont plusieurs batailles mortelles sont encore à l'instruction. "Cette guerre, c'est de l'ancien monde pour nous, glisse-t-on à la PJ. Pour autant, l'assassinat de Farid Tir, il y a un mois aux Pennes-Mirabeau, est sans doute encore à lier à cela. Peut-être a-t-il été tué juste parce qu'il portait ce nom..."
Composées essentiellement de gens très bien, impliqués en politique pour certains, dans la vie associative et commerciale pour d'autres à l'image de l'un des aïeuls des Tir, un épicier prénommé Mahboubi qui a donné son nom à une rue près de la cité de La Busserine (14e). Deux clans dont la came a sali, depuis un peu moins d'une décennie, les patronymes, mais dont la majorité des membres répètent pourtant à l'envi que jamais ils ne renieront leur nom.
Cette fois, sur le banc des victimes, les Remadnia, dont l'un des leurs, Zakary, 24 ans, a été criblé de balles le 18 juillet 2014 sur un rond-point de Sainte-Marthe (14e). Dans le box, Hichem Tir, 34 ans, et son neveu, Eddy, 29 ans, accusés d'avoir commandité le crime, dont l'exécution aurait été confiée à Sofiane Agueni, "lieutenant" de leur associé en affaires, Medhi Berrebouh, abattu trois mois plus tôt. À leurs côtés, quatre autres "petites mains" du clan "Tir-Berrebouh", qui auraient participé de près ou de plus loin au "meurtre en bande organisée".
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Selon le juge, le plan aurait été fomenté par le jeune Eddy Tir, depuis sa cellule de la prison de Luynes, où il purge une peine de vingt ans pour l'assassinat d'un adolescent à La Castellane. Par l'intermédiaire de sa mère, Eddy lui aurait même remis une sorte de "trombinoscope" avec le nom et la photo de ceux qu'il fallait éliminer, sur lequel figurait notamment Zakary Remadnia. Le 18 juillet suivant, vers 20 h, "l'étudiant" était renversé de son T-Max par une Golf noire, rue Jean-Queillau, au coeur du territoire convoité.
Alors qu'il prenait la fuite en courant, il était rattrapé par les deux occupants cagoulés de la voiture, armés d'une arme de poing et d'une kalachnikov. Vingt-trois balles, dont quatre au niveau de la tête, atteignaient la jeune victime, exécutée en plein jour au milieu de la circulation dense d'une soirée d'été. Le geste criminel étant aussi sauvage qu'imprécis, quatre balles se logeaient dans la voiture d'une automobiliste et une autre traversait la chambre d'une habitation voisine...
Tout le scénario, les enquêteurs le tenaient, ou l'avaient déduit, d'une série d'écoutes téléphoniques. Dès la mort de Medhi Berrebouh, quelques-uns de ses proches, dont Eddy Tir en prison et Sofiane Agueni, avaient été écoutés. En garde à vue, s'ils n'ont guère pu nier les conversations écoutées, les protagonistes leur ont donné une signification différente. Finalement, même si Zakary Remadnia, vert de jalousie depuis que les Tir géraient le rappeur "Jul", et même s'il était soupçonné d'être impliqué dans l'élimination d'un ou deux frères, il était "un cousin avec qui on avait grandi" et avec lequel on entretenait de "bonnes relations". Les jurés ont jusqu'au 11 octobre pour croire, ou pas, à cette tragique fable familiale.
Son grand-père, Saïd Tir, s'il faisait dans le commerce comme son illustre oncle Mahboubi, épicier respecté de La Busserine, avait plutôt choisi, lui, d'exercer dans l'ombre des réseaux de cannabis. "Quand je serai mort, toute la famille sera prise pour cible", aurait-il prévenu Eddy, qui a vu trois de ses oncles tomber sous les balles et a lui-même réchappé à une tentative d'assassinat quelques mois après la mise à mort de Saïd. La prophétie du grand-père se réalisant année après année, des exécutions "préventives" auraient été planifiées. L'assassinat de Medhi Berrebouh, le 14 avril 2014 à Plombières, était presque venu donner le top départ de la mort annoncée de "Zak" Remadnia, soupçonné d'être l'un des tueurs.
En parallèle, les enterrements se succèdent aussi dans le clan Remadnia : en juillet 2014, "Zak", 23 ans, soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat de Karim Tir mais aussi dans celui de Medhi Berrebouh sur Plombières, tombe sous les balles à Sainte-Marthe. Deux ans plus tôt, c'est son cousin Ilyas, dit "Jojo", qui avait été abattu. Après quatorze ans de prison, son grand frère Mehdi, surnommé "l'Ours de Font-Vert" et décrit comme le leader du clan, est lui aussi tué à Allauch en février 2017.
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Voici une liste non exhaustive des membres des clans Tir et Remadnia victimes de cette guerre :
Pendant un certain temps pourtant, les équipes Tir, associés aux Berrebouh et Remadnia, ont semblé avoir trouvé un terrain d'entente, une sorte de gentlemen's agreement. "Chacun des clans se gavait, Font-Vert, c'était un supermarché de la drogue : les Tir dans la tour C et les Remadnia dans la tour K", continue notre source. Jusqu'en 2010. Karim Seghier, proche des Remadnia, est tué "sur fond, selon des renseignements, de carottage mais aussi d'une séquestration qu'il aurait faite sur un Tir". "Et là c'est parti en vrille", assure un haut gradé de la PJ.
"Entre les membres de ces familles, ceux de la famille Berrebouh qui était affiliée aux Tir, et les affidés des Remadnia, notamment ceux qui ont depuis formé ce que l'on appelle l'équipe de Marignane, cette guérilla a engendré une vingtaine de règlements de comptes", assure un fin connaisseur.
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