Avant d’oser monter sa « plus belle conquête », l’homme s’en servit comme animal de trait. Et c’est attelé que le cheval, des siècles durant, a rendu à son maître les plus nombreux services. Il est donc naturel de le voir très souvent représenté dans les brancards ou au timon d’une voiture.
Apparue dès le troisième millénaire avant J.C., la voiture reste rudimentaire jusqu’à la fin du Moyen Age et n’est connue durant cette longue période que sous la forme de chars, charrettes et chariots, le plus souvent utilitaires. Son usage pour le transport des personnes ne se développe véritablement qu’à partir du XVIe siècle.
Si elle est étroitement liée aux progrès techniques, au développement du réseau routier, à la recherche d’un plus grand confort, l’utilisation croissante des voitures résulte avant tout de comportements sociaux. La voiture s’impose très vite comme le moyen le plus sûr de paraître et d’être remarqué.
Elle est « le but où veut atteindre chaque homme dans le chemin de la fortune » constate Sébastien Mercier dans ses Tableaux de Paris. Rouler carrosse, posséder un brillant équipage, est preuve de richesse, de réussite, d’appartenance aux strates supérieures de la société.
Vitrine dominant la foule des piétons anonymes, sorte de trône ou de scène mobiles, la voiture, par sa magnificence, par la beauté et le nombre des chevaux qui la tirent, des domestiques qui l’escortent, illustre la puissance du prince ou l’opulence du particulier qui la possède.
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Indispensable et concourant à la plupart des activités humaines, elle est présente dans d’innombrables tableaux, gravures et dessins qui la montrent sillonnant les routes et les chemins en d’interminables voyages, encombrant les rues et les places des villes, pénétrant dans les cours des palais et des châteaux, stationnant aux abords des salles de spectacle et des lieux à la mode, promenant les élégantes dans les allées des jardins et des parcs, conduisant les chasseurs en forêt, portant les charges les plus diverses, ou cahotant sur les champs de bataille.
Or, mis à part un petit nombre d’esquisses et d’études réalisées notamment par Léonard de Vinci (1452-1519), Bastiano da Sangallo (1481-1551), Fausto Verantii (1551-117), Heinrich Schickhardt (1558-1635), Willem Buytewech (1591-1624), Jacques Callot (1592-1635), Jan van de Velde (1593-1641), Rembrandt (1606-1669), Johan Philip Lemke (1631-1711) où elle apparaît seule et qui témoignent de l’intérêt suscité au XVIe siècle et au début du XVIIe par cette étrange machine nouvelle, elle est toujours figurée avec l’attelage qui lui permet de se mouvoir.
Autant ces représentations d’attelages nous renseignent sur la typologie et la forme des voitures, sur leur apparence, leur décor, la manière dont elles sont attelées, autant les chevaux y sont confondus dans un total anonymat et un traitement uniforme.
Pour bien aller, un attelage doit marcher d’un même pas, sans « tirer à hue et à dia » et former un tout homogène. L’appareillage des chevaux qui le composent exige de chacun même taille, même conformation, même force, même amplitude des allures, même régularité des cadences. Cet impératif était naturellement connu de tous durant les siècles où la locomotion dépendait quasi entièrement de la traction hippomobile. Les artistes ne l’ignoraient pas.
Aussi, ont-ils traité l’attelage comme une entité dans laquelle doit se fondre chaque partie et dont la beauté ne réside pas seulement dans la perfection de tel ou tel élément, mais dans la cohérence de l’ensemble. De là, s’est très tôt établie une manière, devenue poncif, consistant à représenter les chevaux d’un même attelage de façon identique et répétitive. Attelé, le cheval perd tout caractère individuel.
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Il cesse d’être un sujet traité pour lui-même, et n’est plus qu’une des composantes d’un ensemble harmonieux : l’équipage. Et quelle que soit l’époque, pour que ce dernier « fasse bon effet quand on l’embrasse tout entier d’un coup d’œil, il faut que les chevaux, la voiture, les hommes forment un tout sans défauts » (Crafty : Paris au Bois, 1890).
Seule dérogation parfois admise à cette règle de l’uniformité : le mélange des robes, en vogue à certaines périodes ou pour certains attelages. Cette pratique a souvent séduit les peintres à qui elle permettait des effets chromatiques autrement chatoyants que la plate monotonie des attelages d’une seule couleur.
Le rôle de premier plan que les voitures et les attelages occupent dans la représentation sociale, comme symboles de pouvoir, de fortune, de distinction, ainsi que dans les activités quotidiennes ou les évènements particuliers, explique leur présence à partir du XVIIe siècle dans de très nombreuses œuvres.
Mais le plus souvent, ils n’y occupent qu’une place secondaire et n’y sont introduits qu’à titre anecdotique pour animer les places ou les rues d’une cité, pour donner l’échelle d’un édifice, mettre du mouvement dans un paysage.
La peinture de l’époque classique rend fidèlement compte de l’évolution typologique de la carrosserie. Les voitures y apparaissent au fur et à mesure de leur invention avec des caractéristiques formelles précises permettant de les identifier sans erreur. Aux pesants coches et carrosses du XVIIe siècle, succèdent au XVIIIe les chaises de poste rapides, les berlines confortables et sûres, les cabriolets et phaétons légers.
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En revanche, elle nous renseigne peu sur les chevaux. Peints, dessinés ou gravés, les chevaux de carrosse sont des animaux sans identité. Impossible de reconnaître une race, d’identifier une origine. Tous ont la même conformation : forte corpulence, sous laquelle les membres semblent souvent graciles, têtes busquées, crinières et queues très fournies et à tous crins. Calmes et tranquilles, ces chevaux à sang froid, attelés aux carrosses du Grand Siècle ou aux berlines du Siècle des Lumières, ont tous un air bonasse et rassurant.
Sont ainsi confondus sous une même apparence les chevaux des « Grands Attelages à dix » réservés au roi pour les cérémonies, les Noirs d’Espagne, les Brandebourg bais, les suédois Gris d’Oldenbourg, les Tigrés de Poméranie, les « Feuille morte » d’un poil très rare, les Hollandais, les Frisons, les Grandes et Petites Pies, les Zélande, les Grands et les Petits Danois « les plus beaux carrossiers » selon Garsault, les Petits Normands « ceux qui tiennent le mieux le pavé », même les petits chevaux noirs - des Napolitains ?
Adam-François Van der Meulen (1632-1690) est le peintre qui a le plus souvent mis au centre même de ses tableaux les somptueux carrosses en bois doré, appartenant à Louis XIV et à son entourage, copiés dans l’Europe entière tant ils sont magnifiques, et qui les a montrés dans tout l’éclat de leur richesse décorative et avec toute la splendeur de leurs attelages à la française : les quatre ou les six premiers chevaux menés en grandes guides par un cocher, les sixièmes ou huitièmes par un postillon. On dénombre les chevaux depuis la main du cocher : les premiers sont les plus proches de la voiture ; les plus éloignés, dits les derniers, sont en tête de l’attelage. Ses chevaux sont toujours de même modèle, corpulents avec de petites têtes, crinières et queues à tous crins. Chaque attelage est sous même poil : blancs, gris, bais, pies.
Le XVIIIe siècle n’apporte pas de changement notoire dans la vision que les artistes donnent du cheval attelé. Le carrossier des Lumières est tout aussi banalisé que celui du Grand Siècle. Gourmé comme son prédécesseur par l’éducation que lui ont inculquée de savants écuyers, il tire sagement de somptueuses voitures.
« La place Navona sous l’eau » (Hanovre, Niedersächsische Landesmuseum), toile peinte par Giovanni Paolo Pannini en 1756, offre la vision la plus merveilleuse d’une réunion d’attelages au XVIIIe siècle. Autour de la place artificiellement inondée, deux rangs de voitures, en majorité des berlines, quelques calèches, un ou deux coupés, tournent en sens inverse, comme sur un immense miroir. Toutes sont attelées à deux chevaux, noirs pour plus de la moitié, blancs pour une vingtaine d’autres. Dans l’angle inférieur droit, deux alezans splendides arborent d’abondantes crinières blondes.
Toutes ces œuvres sont riches d’informations précieuses. Des perspectives de Saint-Pétersbourg et de Moscou montrent des équipages dont les chevaux de volée sont attelés loin devant les timoniers avec des traits interminables : exagération due à la fantaisie des peintres ? La représentation latérale d’un équipage, seule susceptible de le montrer dans son total développement avec une lisibilité parfaite de chacune de ses composantes, au contraire des vues frontales ou de trois-quarts, réductrices, est toujours la plus courante au XVIIIe siècle.
Parmi de nombreux autres, un tableau anonyme représentant le roi « George III se rendant à l’ouverture du Parlement avec le Golden State Coach le 25 novembre 1762 » (Londres, Royal Collection) illustre cette capacité à donner la meilleure et la plus complète vision d’un équipage.
Livré aux Ecuries royales la veille de l’ouverture du Parlement, le tout nouveau carrosse en bois doré et son riche décor sculpté sont fidèlement représentés : guirlandes de feuillages à la ceinture, palmiers scandant les divisions verticales, mufles de lions aux angles de la caisse, trophées d’armes et cimiers empanachés aux quatre coins de l’impériale, tritons athlétiques et gerbes de roseaux sur l’avant-train, autant de détails dont on peut vérifier la scrupuleuse exactitude en visitant les Royal Mews, les écuries royales, à Londres où la voiture est conservée.
Le « Golden State Coach very superb » est tiré par huit chevaux blancs garnis de somptueux harnais à bricoles en maroquin rouge et boucles de bronze doré, des cocardes de soie bleu ciel piquées dans la crinière et sur la croupe, menés à la française par un postillon et un cocher assis sur le siège à housse qu’Edouard VII fera supprimer en 1901. La représentation des chevaux, identiques, reste conventionnelle malgré l’artificiel « cabré fléchi » de deux d’entre eux, le second et le quatrième dans le rang de droite de l’attelage. Supposé donner vie à la composition, le mouvement de défense qui agite les deux équidés ne trouble en rien la marche majestueuse du carrosse.
A la fin du XVIIIe siècle, quelques œuvres rompent brusquement avec la manière traditionnelle qui présidait à la représentation des attelages. Parmi elles, deux sont très significatives, « Le phaéton du prince de Galles »(Londres, Royal Collection), peint en 1793 par George Stubbs et « Une situation désagréable » de Jacques-Laurent Agasse (Collection privée).
Dans la première, George Stubbs (1724-1806), le peintre “très-anglais” du cheval, renouvelle le genre du portrait équin en vogue depuis l’apparition du pur-sang en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle. Dans « Le phaéton du prince de Galles » (Londres, Royal Collection)la posture des chevaux, campés, est la seule concession au genre.
Le colley noir et blanc bondissant par jeu à la tête d’un des deux carrossiers, le cocher, bicorne en tête, tenant l’autre par la bride, le jeune prince, futur George IV, de dos, en gilet et bras de chemise, introduisent dans cette œuvre une spontanéité inhabituelle, véritablement moderne.
Ici, le prince a choisi d’apparaître non en personnage officiel dans une voiture solennelle de cérémonie ou de gala, mais en sportif et en homme de cheval accompli, au moment où il s’apprête à partir en promenade aux guides de la voiture la plus fashionable du temps, un Highflyer phaeton, auxquels vont être mis deux rapides chevaux de sang, bais foncés, harnachés à la dernière mode, avec des colliers anglais, invention récente, et des brides à œillères carrées et frontaux à grosses cocardes écarlates assortis au train du véhicule. Dépouillés et réduits aux seuls éléments utiles, ces harnais fins laissent voir les chevaux dans toute leur beauté.
En conclusion, l'histoire de l'attelage en arbalète chez Hermès témoigne d'une longue tradition d'excellence et d'innovation, où le savoir-faire artisanal se marie harmonieusement avec les tendances contemporaines. Cette alliance entre héritage et modernité fait du carré Hermès un symbole intemporel de luxe et de raffinement.
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