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Le secteur de l'armurerie en France est confronté à des défis majeurs, illustrés par des liquidations judiciaires et des ventes aux enchères qui suscitent des inquiétudes quant à l'avenir des entreprises et des emplois.

Vente aux enchères suite à la liquidation de l’armurerie Romain

Suite à la liquidation judiciaire de l’armurerie Romain, une vente aux enchères était organisée dans les locaux de ce commerce installé rue des Charrons à Forbach. Dans les lots proposés, des fusils, des revolvers, des couteaux et diverses munitions. Parmi la vingtaine d’acheteurs présents, on trouve essentiellement des chasseurs ou des membres de clubs de tirs. Quelques professionnels aussi ou simplement des amateurs de bonnes affaires. Car tout devait disparaître, jusqu’aux vitrines ou même la caisse enregistreuse. Et il ne s’agit pas d’une vente au détail. Tout ou presque part par carton. Comme le stock de bombes lacrymogènes, de matraques, de nunchakus ou de shurikens.

Achats à déclarer

Mais pas question de vendre ses armes au premier venu. « Il faut être titulaire d’un permis de chasse ou d’une licence de tir . E n cours de validité ! », explique l’un des acheteurs présents. Trésorier d’un club de tir, il semble particulièrement rodé à l’exercice. Il a repéré ses lots et s’est fixé un budget. En fin connaisseur, cet homme venu du secteur de Saverne remportera nombre de lots et dépensera environ 1 000 €. Mais « il ne faut pas oublier les frais légaux », précise-t-il. A savoir 35 % pour la vente d’hier, à ajouter à la somme adjugée. « Généralement, le taux est de 14,3 %. » D’autres avaient semble-t-il oublié ce "détail". Mais le trésorier est satisfait de sa journée, la valeur réelle des lots dont il a fait l’acquisition étant quatre fois supérieure au montant dépensé.

Julie, de Petite-Rosselle, a quant à elle été missionnée par son mari pour acquérir du matériel de soft air ou de paint ball. Elle est l’une des rares femmes participant à la vente et elle remportera une enchère dont elle peut être fière : quatre fusils adjugés à 145 €. « C’est quasiment le prix d’un seul exemplaire. »

De leur côté, trois chasseurs venus du secteur de Morhange ont jeté leur dévolu sur un lot de munitions, de différents calibres. « Nous revendrons celles que nous ne pouvons pas utiliser. » Ils se sont également laissés tenter par quelques autres accessoires, comme un revolver.

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Consigné dans un registre

Une fois les enchères remportées, il faut passer à la caisse. Et s’agissant des armes, les acquéreurs doivent donc maintenant justifier d’une licence ou d’un permis, et fournir une pièce d’identité. Leurs noms et le type de matériel acheté sont consignés dans un registre, qui doit normalement être transmis à la préfecture. « Normalement, c’est au vendeur de faire ces formalités. Mais on ne sait jamais… » L’homme prendra donc ses dispositions, car la réglementation est stricte en France. En effet, l’acquisition et la détention d’armes de la catégorie B, C ou D est soumise à la procédure d’enregistrement, soit à la procédure de déclaration auprès de la préfecture.

Sont exclues de ces procédures les armes utilisant du gaz ou de l’air comprimé et celles utilisant des munitions à blanc.

Le cas Verney-Carron : Entre redressement judiciaire et espoir de reprise

Le groupe belge FN Browning a déposé le 3 mars une offre ferme de prise de contrôle majoritaire de la manufacture française d’armes Verney-Carron, en redressement judiciaire depuis le 12 février. Elle doit permettre une reprise de la production qui est actuellement très ralentie de l’entreprise par la mise en activité partielle depuis décembre de la plupart des 68 salariés.

La reprise prévue de 67 % du capital de Verney-Carron Développement par FN Browning devrait s’accompagner de cinq millions d’euros d’investissement de ce dernier dans la PME stéphanoise dont le manque de trésorerie freine la réalisation de certaines commandes. Le 12 février le tribunal de commerce a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de Verney-Carron, assortie d’une période d’observation de six mois pendant laquelle les dettes de la société sont gelées, avec un rappel de l’affaire le 9 avril.

Hugo Brugière confie que "depuis hier le sujet avance dans le bon sens" et se déclare "très touché de la mobilisation d’élus qui s’est mise en place au niveau local et national autour du sauvetage de Verney-Carron", citant en particulier le maire de Saint-Étienne. Les parlementaires ligériens, le Département et la Métropole stéphanoise s’apprêtaient de leur côté en cette fin de semaine à adresser un courrier au ministre de l’Économie, qui refuse quant à lui de s’exprimer sur le sujet.

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La section syndicale CGT de Verney-Carron exprime dans un communiqué des "craintes au sujet de l’avenir de l’entreprise et de ses emplois" et juge "incompréhensible pour les salariés que l’État français laisse disparaître une entreprise reconnue pour son savoir-faire, surtout à la suite des annonces d’Emmanuel Macron".

Hugo Brugière, président de Cybergun déclare: "La situation est très grave. Nous sollicitons une aide de l’État, non pas sous forme de subvention ou de contrat, mais d’un prêt de 4,5 millions à la maison-mère de Verney-Carron qui y a investi 12 millions d'euros depuis 2022", .

Il juge "étrange que l’on n’ait pas réussi à mobiliser les pouvoirs publics là-dessus au niveau national, après un refus initial du ministère de l’Économie et des Finances d’accorder un prêt du Fonds pour le développement économique et social (FDES)", qui fait courir un "risque de liquidation".

"Un investisseur industriel est prêt à venir à nos côtés, via une augmentation de capital, pour assurer un avenir au site, mais il y a la nécessité de terminer la phase de restructuration avant son arrivée", souligne-t-il. Jeudi après-midi, il a obtenu un rendez-vous à Bercy.

Vente aux enchères Manufrance de 1993 : Un événement historique

Juillet 1993 : une gigantesque vente aux enchères est organisée à Saint-Étienne pour liquider environ 2000 fusils de chasse. Des armes qui ont fait couler beaucoup d'encre puisqu'elles constituaient une partie du stock ayant disparu lors de la liquidation de la société coopérative Manufrance en 1985.

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Près de 600 acheteurs étaient réunis pour la première journée de vente, le jeudi 8 juillet 1993, dans L'Espace Fauriel, ancienne manufacture d'armes et de cycles de Saint-Etienne. Toutes sont venues assister à une grande vente aux enchères organisée pour liquider le stock de la société coopérative ouvrière Manufrance, liquidée huit années auparavant. Jeudi 8 juillet 1993. Mais au-delà de la simple transaction, cette vente aux enchères est historique : elle solde la fin d'un interminable feuilleton judiciaire.

Lors de cette liquidation de 1985, un stock d'environ 6000 fusils disparaît de l'entreprise. Un peu plus de 4000 d'entre eux seront retrouvés en 1991 et 17 personnes seront renvoyées devant la justice pour complicité de vol, abus de biens sociaux et recel.

Lourdement condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Saint-Étienne en juillet 1992, la plupart seront finalement relaxés ou amnistiés par la cour d'appel de Lyon en juin 1993. Les fusils vendus aux enchères avaient été retrouvés en 1991, six ans après avoir disparu du stock lors de la liquidation judiciaire de la société coopérative ouvrière. C'est dans ce contexte qu'intervient la vente aux enchères de juillet 1993.

La justice étant passée, il convient d'essayer d'éponger les dettes de la SCOPD Manufrance et, pour cela, de mettre en vente le stock des 4174 fusils de chasse retrouvés en 1991.

« Cette vente serait l'une des plus importantes de l'histoire de l'armurerie en France », prévient La Tribune - Le Progrès dans son édition du lundi 21 juin 1993. Destinée à renflouer le passif abyssal de la société coopérative (environ 260 millions de francs), la vente aux enchères des fusils Manufrance a - elle aussi ! - été au cœur d'une bataille judiciaire.

L'investisseur ayant repris la marque Manufrance en 1988 a effectivement intenté un recours contre cette vente. Dans La Tribune - Le Progrès du lundi 21 juin 1993, il expliquait que « la SCOPD Manufrance ne dispose plus d'autorisation d'exploitation de la marque. Avec cette vente aux enchères, il y aurait tromperie envers les consommateurs et une atteinte à l'image de marque de Manufrance puisqu'il a été dit que les fusils sont en mauvais état ».

Sans compter sur les craintes de déstabilisation du marché national de la vente d'arme, avec près de 4000 pièces arrivant sur le marché en dehors du circuit professionnel. Si la justice a entendu ces arguments, elle ne les a pas suivis, autorisant la vente à se tenir. 650 fusils vendus le premier jour pour 1,2 million de francs

« La plupart des fusils portent les célèbres marques Robust, Perfex, Falcor, Rapid et Simplex qui ont fait de Saint-Étienne la capitale de l'arme », écrit notre reporter Alain Colombet dans La Tribune - Le Progrès du samedi 26 juin 1993. « Certaines armes sont même considérées comme des pièces de collection comme les carabines de grande chasse Rival, les fusils idéal calibre 16 modèle origine de 1887, ou des carabines Buffalo mitraille ».

Et l'engouement des acheteurs est à la hauteur de l'évènement. « Pour les premières enchères, les offres tombaient en rafales. Un Falcor a aussi trouvé preneur à 3000 francs. Les Perfex, eux, qui démarraient le plus souvent aux environs de 500 francs, étaient enlevés à des prix allant de 1200 à 2000 francs ».

La clientèle pour ces acquisitions était assez hétéroclite et venue de la France entière. Des chasseurs, des armuriers, des particuliers venus flairer une éventuelle bonne affaire, des nostalgiques de l'image de la Vieille dame (NDLR le surnom de Manufrance), mais aussi des spéculateurs venus « pour le label Manufrance qui, sait-on jamais, pourrait valoir de l'or dans quelques décennies ».

Au terme de la première journée de vente, 650 pièces avaient été cédées pour un produit total de 1,2 million de francs, « largement au-dessus des estimations avancées par les commissaires-priseurs ». Le record de la journée revient à un Browning avec une enchère à 13000 francs remportée par un armurier parisien. Il sera certainement l'un des seuls professionnels à repartir satisfait de cette vente...

« Les fusils se vendent beaucoup plus cher que je ne le pensais et c'est de la folie », relève un autre professionnel venu de la région parisienne et qui témoignait dans La Tribune - Le Progrès du vendredi 9 juillet 1993, mettant cet emballement sur le compte de la nostalgie. « Compte-tenu du prix où ils partent et de leur état aléatoire, pour un professionnel, c'est invendable ».

Qu'importe. Pour les particuliers, la vente est une aubaine. Et « Manufrance fait toujours recette ».

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