Le médiéviste Alain PARBEAU partage une vie de recherches et de connaissances sur le début de l’arme à feu. Certaines dates sont imprécises et signalées « Vers …… ». Alain a participé à un petit film sur l’origine des armes à feu, et il a utilisé le décor du château de Saint Alban sur Limagnole. Quand la poudre commence à parler !
Au VIIIème siècle après Jésus christ, invention de la poudre noire par les chinois (et peut-être aussi les Indiens). Il s’agit d’un mélange de Salpêtre (nitrate de potassium), soufre, et charbon de bois. Le salpêtre joue le rôle de comburant, apportant de l’oxygène et activant la vitesse de combustion du charbon de bois et du soufre. Ce mélange, lorsqu’il est de qualité et comprimé dans un canon, brûle à la vitesse d’environ 300 à 600 mètres par seconde (suivant sa granulométrie), ce qui constitue une explosion de type « déflagration » (vitesse d’inflammation inférieure au km/seconde).
Dès 1150, des armées étrangères (Moyen-Orient) intègrent les systèmes à poudre noire dans leurs armements. Elles prennent la forme d’un canon à main, propulsant une flèche. Cette arme (le Madfaa) est l'ancêtre des armes portatives occidentales (arrivée vers la fin des années 1200).
Vers 1280 redécouverte de la poudre en Europe et création de pots de fer à « traire garrot . Ce type de canon primitif, propulse une grosse flèche appelée « Garrot . Il cherche par ce fait à concurrencer l’espringale, sorte de grosse arbalète sur roues. C’est d’ailleurs en France que le système d’arme à poudre noire connaîtra son baptême du feu en 1324 avec l’utilisation de la bombarde (prédécesseur du canon).
En Août 1324, apparait une des premières utilisations en France d’une bombarde pour l’attaque de la ville de la Réole (Gironde). Celle-ci est montée sur un fût en bois, et posée à même le sol. Son pointage rudimentaire, se fait à l’aide de cales de bois glissées sous le fût. Tir à la Bombardelle Doc. Bombardelle à culasse mobile : calibre 15 cm, boulet de 3 à 4 kg en pierre puis en fonte de fer, lancé à 200 mètres. La balistique de ce type d’arme est faible, mais son effet psychologique est important. En effet le bruit rappelle le tonnerre de source divine, et l’odeur de soufre, le diable !
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En 1356, la dernière tour d'assaut roulante fut utilisée en France, rendue obsolète face à l'artillerie que les défenseurs ne manquaient pas de lui opposer. Cependant, les engins balistiques classiques (trébuchets, mangonneaux) furent utilisés conjointement à la nouvelle artillerie jusqu'au milieu du XVIème siècle.
Vers 1370, l’hacquebute (primitive) : Littéralement « canon à croc » du germanique « hakenbüchse , destinée à tirer en crochetant un mur ou une palissade avec son croc de fer situé en dessous de l’arme pour que le mur encaisse le recul à la place du tireur. Elle comporte un long fût de bois (ou parfois de fer), à l’avant duquel est fixé un canon de fer de courte dimension (20 à 25 cm). Son calibre fait généralement de 18 à 28 mm. Une balle ronde en plomb, de 18 mm de diamètre part à la vitesse de 130 mètres par seconde, avec une charge de 4 grammes (7 grammes au moyen âge) de poudre noire. Allumage au boutefeu à mèche ou par un ringard chauffé au rouge. (Une planche de pin de 3 cm d’épaisseur est traversée à 15 mètres).
Tir avec une hacquebute primitive appuyée sur une fourche de portage appelée « Fourchine ou fourquine ». Il s’agit du tir (à blanc) avec une reproduction d’hacquebute primitive (vers 1380), copie réalisée par l’auteur sur le modèle d’une authentique trouvée lors de fouilles au château de Calmont d’Olt à Espalion en Aveyron. On voit bien l’allumage avec un boutefeu à mèche, et le départ du coup avec la sortie des gaz.
Vers 1380, Elle deviendra une arme plus efficace lorsqu’on lui adjoindra une culasse mobile (boite à feu) permettant un chargement plus rapide, et la charge à la place du boulet d’une centaine de balles de plomb, la « plommée , en guise de projectiles.
A partir de cette époque les balles rondes en plomb pour armes portatives à canon lisse seront enveloppées dans un petit carré de tissu graissé appelé « Canepin » destiné à les caler. On verra également rapidement vers 1450 apparaitre les « gargousses , ancêtres de la cartouche, doses de poudre préparées à l’avance dans un tissu ou du parchemin et les « apôtres » dont le rôle est identique mais en bois vers 1480. (Les gargousses de poudre resteront en service pour les canons jusqu’au milieu du 19ème siècle.
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L’allumage se fait à l’aide d’un « boutefeu , baguette à laquelle est fixée une mèche allumée, ou d’un « ringard , tige de fer dont l’extrémité courbée est chauffée au rouge par un brasero. C’est une sorte de « Trait à poudre » à canon rallongé (40 à 50 cm, d’où la désignation par sa plus grande longueur de canon faisant penser à une petite couleuvre), monté sur un fût de bois que l’on utilise, coincé sous l’aisselle. Certaines possèdent un croc en faisant une hacquebute à canon rallongé. L’allumage se fait au boutefeu à mèche.
Ribaudequin ou Orgue (Château de Castelnau en Dordogne. Cette arme consiste en l’alignement côte à côte de plusieurs petits canons, de petit calibre comparables chacun à une couleuvrine à main, et montés sur un affût mobile. La mise à feu est faite par une trainée de poudre disposée dans une gorge qui amène le feu à la lumière de chaque canon. Le tir de l’ensemble des canons est quasiment instantané.
Le « Pétard », décrit depuis le 13ème siècle dans le « Liber ignium » de Marcus Graecus. Le 15 Août 1443, Louis XI encore dauphin va avec ses troupes libérer la ville de Dieppe tenue et assiégée par les anglais. Il aurait utilisé des pétards, ancêtre de la dynamite pour faire sauter des portes. Cette « bombe , remplie de poudre noire (souvent de 5 à 50 kg), se fixe discrètement en appui contre une porte, une palissade en bois, ou sous une muraille minée par une galerie souterraine étayée. Un soldat met le feu à la mèche courte. En explosant, le pétard pulvérise l’obstacle (porte, palissade ou étais), permettant de s’introduire dans l’enceinte convoitée.
Vers 1460 jusqu’à 1660, l’arquebuse, mot découlant d’hacquebute : C’est une arme à feu, à fût de bois, véritable ancêtre des carabines, mousquets et fusils, que l’on tient sous l’aisselle ou que l’on commence à épauler. La mise à feu est faite par un « serpentin » en fer fixé sur le côté du fût et tenant une mèche. Vers 1510-15 la platine à « rouet » (peut-être inventée par Léonard de Vinci, ou Johan Kuhfuss) permet un allumage sans mèche, sur le principe d’une roue rainurée (le rouet) entrainée par un ressort, et qui frotte sur une pyrite de fer mordue (tenue) par un « chien » produisant ainsi des étincelles, qui allument la poudre.. Ce mécanisme fiable mais couteux et fragile sera principalement réservé aux arquebuses de chasse, et aux pistolets. L’arquebuse restera le plus souvent à allumage à mèche pour les usages militaires. Son calibre fait environ de 14 à 16 mm, pour une longueur de canon de 60 à 90 centimètres. Il existe aussi des arquebuses à crosse très courbée faites pour prendre appui sur la poitrine du tireur. Arme visible au Château de Castelnau en Dordogne.
Vers 1460 - 1500 une cartouche métallique (adaptée ici à une couleuvrine à main) comportant poudre et balle, sur l’idée des boites à feu « culasses mobiles » de canon de type « veuglaire , pour couleuvrine à main et Arquebuse à chargement par la culasse fut inventée (Germanie). Elle n’eut pas un franc succès, car coûteuse, délicate à fabriquer et présentant sans doute des fuites de gaz au niveau de la culasse, donc des risques de brûlure.
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En 1520, l’arquebuse à canon rayé (rainuré) hélicoïdalement : Il semble que le germanique Auguste Kotter, remarquant que les « viretons d’arbalète » (traits aux ailerons inclinés qui partaient en tournant sur eux-mêmes) avaient une plus grande précision que les « traits classiques » comme le « carreau . Il inventa le « rayage (rainurage) hélicoïdal » de l’intérieur des canons d’arquebuses. Cela apporta une précision nettement plus efficace de l’arme par stabilisation gyroscopique de la balle dans l’espace, et une augmentation de puissance en supprimant les fuites de gaz propulseurs des armes à canon lisse dont la balle était plus petite que l’âme du canon. L’ancêtre de la carabine était né.
Le nom « carabine » provient d’un corps de gardes à cheval du roi de France Henri III qui étaient équipés d’une arquebuse à canon rayé, et d’un habit satiné qui les faisaient ressembler à un « Escarabin » (Le scarabée fouisseur de cadavre) mais aussi à cause de leur tir précis qui transformait souvent leur cible en cadavre (pour « scarabée ). Ils furent donc nommés « carabins » et par analogie leur arme carabine. (Louis XIII quarante ans plus tard, remplacera leur carabine par un mousquet à chargement plus rapide grâce au canon lisse, ce qui les fera nommer tout naturellement « mousquetaires »).
L’arquebuse étant assez courte, se prêtait mal au tir de guerre sur plusieurs rangs, l’embouchure du canon se retrouvant au niveau de l’oreille du rang précédant. Il fut donc décidé de rallonger l’arquebuse et d’en augmenter le calibre, donc le poids du projectile et la puissance destructrice. Le mousquet était né.
Le nom « mousquet » provient de l’italien « moschetto , issu du latin « musca , la mouche, à cause de la balle (qui sifflait et qui était invisible en vol comme une mouche aux oreilles des soldats. Le mousquet peut être interprété comme le « lanceur de mouche ). L’expression « prendre la mouche , qui exprime la colère, viendrait du fait de recevoir des mouches (balles) ce qui n’est guère plaisant. Pour des raisons de vitesse et de facilité de rechargement, le canon resta lisse, et la balle inférieure d’un à deux mm environ au calibre de ce dernier. Cette balle était enveloppée d’un « canepin , pièce de tissu graissé au suif, pour la caler dans le canon. Le nom canepin sera déformé en « calepin » à partir du 17è siècle.
Vers 1520 Apparition d’une forme très réduite de l’arquebuse à rouet, le pistolet. Le pistolet, arme tenue à la main, est rendu possible grâce à la platine à rouet, qui permet de le porter dans des fontes fixées à l’avant de la selle du cheval, et prêt à faire feu. Cela entrainera la célèbre manœuvre dite « Caracole » des « Reîtres germaniques, soldats mercenaires. Elle consiste à envoyer un rang de cavaliers armés de pistolets à 15 mètres des piquiers ennemis qui leurs barrent le passage, et à décharger leurs armes sur eux. Les cavaliers repartent en arrière recharger leurs pistolets, et un nouveau rang de cavaliers se présente et effectue la même manœuvre.
Le système primitif est d’origine hollandaise vers 1560. Puis vint la platine dite à « Miquelet » inventée vers 1600 en Espagne, dont le mécanisme est extérieur. Initiée par Louvois, ministre d’état, et sur le conseil du maréchal de Vauban, Louis XIV, généralisera par ordonnance la platine à silex à la française (déjà partiellement en service dans l’armée depuis 1660 sur des mousquets allégés dits à fusil) , sur les mousquets en allégeant leur poids en 1703. Les piquiers seront aussi supprimés et la baïonnette à douille généralisée sur les « mousquets à silex » (la baïonnette à douille autour du canon et permettant le tir, a remplacé la baïonnette-bouchon introduite dans le canon, sur l’initiative de Vauban en 1689).
Un « mousquet à fusil » plus court destiné à la cavalerie, mais utilisant généralement la même cartouche au 2/3 de sa charge de poudre que le « fusil » (le reste de poudre de la cartouche est jeté), sera aussi inventé et prendra le nom de « mousqueton . Il sera généralement attaché par un anneau à la selle des cavaliers. Le système simple qui le tient à la selle, prendra ultérieurement aussi le nom de l’arme « mousqueton .
1728-40 Généralisation en France de la cartouche de guerre en papier, comportant 10 à 12 grammes de poudre noire (suivant la qualité de la poudre) et une balle de 16,3 mm en général. La balle est plus petite d’environ 1,2 mm que le calibre de 17,5 mm, pour qu’elle rentre facilement lors du rechargement, même si le canon est un peu encrassé par le tir précédent. Il n’y a plus de calepin de tissu graissé avec la cartouche, le papier de celle-ci en faisant office, tassé avec elle lors du rechargement. 1763 Modification définitive de la crosse à l’origine en pied de vache (crosse courbée) du fusil réglementaire français, en la transformant en crosse droite. 1766 Allègement important du poids et renforcement du chien. 1777, puis an IX, et enfin le dernier modèle de fusil de guerre à platine à silex, le 1822….qui sera modifié en platine à percussion vers 1830, puis son canon rayé vers 1848. Il prendra alors l’appellation de « fusil 1822 T bis » ( « T » pour transformé et bis, 2 fois).
Portée d’environ 600 mètres (320 toises), ce qui surpasse en distance les plus puissantes machines de guerre à contrepoids de l’époque comme le trébuchet, qui n’excèdent pas 250 mètres. Ce « canon » permet de tirer soit des boulets de fonte de fer, soit de la plommée (mitraille).
Les premiers projectiles du XIV ème siècle étaient des flèches incendiaires qui restèrent en usage jusqu'à la fin du XVI ème siècle. puis du boulet de fer (la plommée) plus coûteux mais plus performant.
Au milieu du XVème siècle les bombardes géantes apparurent, d'une longueur dépassant parfois les 5 mètres, d'un poids de 2 à 7.5 tonnes, d'un calibre pouvant aller jusqu'à 66 cm et tirant des boulets pouvant peser jusqu'à 360 Kg. La poliorcétique, (l'art de conduire un siège) allait évoluer.
| Arme | Calibre | Poids du boulet | Portée |
|---|---|---|---|
| Bombardelle à culasse mobile | 15 cm | 3 à 4 kg | 200 mètres |
Dès le XIXe siècle, l’artillerie à poudre médiévale suscite l’intérêt d’historiens militaires, souvent officiers dans les armées nationales de leurs pays respectifs : Louis-Napoléon Bonaparte et Ildephonse Favé en France ; Bernhard Rathgen en Allemagne ; Paul Henrard, Henri Guillaume, et Charles Brusten en Belgique ; Oliver F.G. Hogg en Angleterre - ce dernier écrivant encore dans cette tradition en 1963 (!) -, pour n’en mentionner que quelques-uns. Au-delà d’une simple histoire-bataille, leurs travaux s’intéressent déjà aux techniques et à la mise en œuvre de l’arme. Ils se caractérisent néanmoins par un certain nationalisme (revendications d’inventions technologiques dont, évidemment, la poudre à canon) et par un positivisme, descriptif plutôt qu’analytique, inhérents à la production historiographique d’époque.
Par une étude fondatrice relative à l’organisation de l’artillerie royale française à la veille des guerres d’Italie, Philippe Contamine redonne un nouveau souffle à ce sujet dès 1964. L’auteur met en évidence l’intérêt d’approches plus totalisantes, s’intéressant en particulier à l’institutionnalisation de l’arme. Il faut toutefois attendre la dernière décennie du XXe siècle pour de nouvelles études, annonciatrices de tendances actuelles, consacrées, d’une part, aux caractéristiques socio-professionnelles des canonniers (P. Benoît, 1995 ; R. Leng, 1996) et, d’autre part, en particulier dans le monde anglo-saxon, aux implications socio-politiques du développement de l’arme (Cl. Rogers, 1995).
Combinant à la fois étude des techniques (les armes à feu), des institutions (l’artillerie) et des hommes (les artisans-canonniers), sans oublier l’impact socio-politique des évolutions parallèles (« révolution militaire ») se dessinant en ces trois domaines au bas moyen âge, ce n’est qu’au cours de la dernière décennie qu’un nouvel engouement a donné lieu à des synthèses renouvelées fondées sur le dépouillement exhaustif de sources souvent inédites, tant en France (E. de Crouy-Chanel, 2010, 2020 ; A. Leduc, 2008) et dans les anciens Pays(-Bas) bourguignons (M. Depreter, 2011, 2014), qu’en Angleterre (D. Spencer, 2019), en Espagne (F. Cobos Guerra, 2004) ou, tout récemment, en Italie (F.
Malgré les nombreux travaux des dernières années, le champ reste prometteur. Si le XVe siècle a retenu l’attention des chercheurs contemporains, un constat s’impose : malgré la fascination des auteurs du XIXe siècle pour les « premières mentions », les décennies initiales de l’artillerie à poudre en Occident restent méconnues. Celles-ci gagneraient à prendre en compte les développements en milieu urbain. L’histoire de l’artillerie communale reste largement à écrire, de même que celle de l’artillerie seigneuriale pour laquelle les sources, il est vrai, sont plus rares. Quelques monographies, datant souvent du XIXe siècle et souffrant des limites évoquées plus haut, s’intéressent certes à l’artillerie de telle ou telle ville particulière. Une étude systématique sur base des comptabilités urbaines devrait néanmoins permettre de comprendre comment l’artillerie, d’une arme originellement urbaine sinon communale, à tout le moins dans les anciens Pays-Bas et en Empire, put devenir une arme dynastique, voire étatique.
Des questions essentielles relatives au développement initial de l’arme, à la spécialisation progressive de ses artisans, fondeurs ou forgerons, à leur implantation, à leurs conditions socio-économiques, à leurs liens avec les métiers urbains, à l’intégration de l’artillerie dans la fortification urbaine, etc., pourront ainsi être élucidées. Sans doute de nouvelles études de cas devront-elles aboutir à des synthèses régionales, puis suprarégionales. Une telle approche gagnerait à prendre en compte l’évolution du marché de l’artillerie, local, régional et suprarégional (« international » diront certains) et à reconstruire les réseaux sociaux et économiques de production et de consommation mettant en relation les artisans entre eux (échanges de savoirs et de savoir-faire) et avec leurs clients (cf.
Les vestiges archéologiques ont attiré l’attention sur l’adaptation de la fortification à l’artillerie à poudre (apparition d’archères-canonnières et de canonnières, tours d’artillerie, murailles remparées, boulevards et proto-bastions). Paradoxalement, l’intégration de l’arme à feu à ces fortifications reste, quant à elle, moins connue, les pièces ayant souvent disparu de leur emplacement original : des types d’armes à feu mobilisées pour la défense (à l’instar de la couleuvrine à main étudiée par E. de Crouy-Chanel, 2011) à l’apparition d’artillerie de place spécialisée, le travail reste largement à faire.
De même, la mise en œuvre de l’artillerie dans le cadre de sièges et de batailles reste largement inexplorée d’un point de vue non seulement tactique mais aussi psychologique. Au-delà d’une histoire traditionnelle des techniques, l’intégration de nouvelles méthodes, notamment en archéologie expérimentale, semble essentielle pour mieux comprendre la pratique au-delà de la théorie : en particulier les modalités de fabrication et l’efficacité de la poudre et de l’arme à feu devraient ainsi être réévaluées, dépassant des sources narratives ou des jugements spéculatifs contemporains quant à l’impact de l’artillerie. Les avancées réalisées dans le domaine des études des armures, notamment, augurent de l’utilité de l’adoption de ces méthodes pour nos connaissances de l’artillerie.
Par ailleurs, si les bouches à feu elles-mêmes sont aujourd’hui relativement bien connues du point de vue théorique, l’évolution de leurs modes d’affûtage et de transport reste, d’un point de vue technique, peu étudiée. Or, ces techniques furent essentielles à la mobilisation de l’arme. Nommés collectivement ou individuellement, les canons n’ont guère retenu l’attention d’un point de vue onomastique (Contamine, 2002). Cette carence reflète le manque d’intérêt suscité par une histoire symbolique et psychologique de l’arme à feu, au-delà des stéréotypes.
Dans le cadre d’une histoire politique, le rôle de l’artillerie dans la construction étatique tardo-médiévale et moderne a récemment fait l’objet d’une réévaluation (Depreter, 2014, 2023 ; Depreter/Masson, 2017). Ce premier essai d’appréciation et d’histoire comparative dans un cadre franco-bourguignon mériterait d’être élargi à l’échelle européenne, sinon globale (cf.
La comptabilité, qu’elle soit royale, princière ou urbaine, est particulièrement utile à l’étude de l’artillerie, tant sous l’angle des techniques (terminologie, définitions occasionnelles) que sous l’angle de l’organisation, en ce compris les aspects politico-économiques (production, marché de l’armement, rémunération de personnel, permanent ou non, etc.). La prosopographie et l’analyse de réseaux permettent une approche socio-professionnelle. Les sources littéraires, trop longtemps utilisées seules et au détriment de la comptabilité ou de l’iconographie - on y viendra -, n’en ont pas moins des mérites. Chroniques et mémoires révèlent des nombres, parfois exagérés certes, liés au prestige et à l’efficacité attribués à l’armement, mais peuvent aussi révéler les objectifs stratégiques et les modalités tactiques de la mise en place de l’artillerie. C’est en particulier le cas pour les mémoires de combattants, tel Jean de Haynin, ou pour certains chroniqueurs tel Jean Molinet, bien informés, parfois de première main, par leurs liens avec des chefs de guerre côtoyés à la cour.
Intéressant l’histoire socio-professionnelle des canonniers comme l’histoire des techniques, les traités d’art de canonnerie se diffusent à partir du début du XVe siècle, en particulier - mais non exclusivement - dans l’espace germanique (Leng, 2002). Ils révèlent la pratique d’artilleur dans le cadre d’un métier en devenir qui cherche à se définir, à se distinguer par son savoir-faire et à monnayer celui-ci. L’histoire des représentations de l’artillerie n’a guère retenu l’attention, on l’a dit.
À quelques rares exceptions près, tels les énormes canons que sont la Mons Meg conservée à Édimbourg ou la Dulle Griet à Gand, et au-delà des répertoires du fameux butin bourguignon pris par les Suisses sur l’armée du duc Charles de Bourgogne (1476-77), les pièces d’artillerie conservées dans les institutions muséales n’ont que trop rarement été étudiées autrement que pour elles-mêmes, souvent de manière isolée dans le cadre d’études de pointe ou de notices de catalogue.
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