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Aussi téléphoné, bâclé, manichéen, et creux qu’il fut, Star Trek 2009 s’était malgré tout achevé par une promesse trekkienne, celle d’un renouement avec l’exploration telle qu’énoncée par le mantra de la série originale.

Un Reboot Décevant

Malheureusement, celui-ci aura réussi le tour de force d’être encore moins trekkien que son prédécesseur, si cela est possible. La solution de facilité tiendrait à vous renvoyer vers ma critique de Star Trek 2009 : ce qui avait été écrit sur le premier volet s’applique tout autant au second, si ce n’est davantage.

Car Star Trek Into Darkness reprend les mêmes (personnages, recettes, codes, câbles, astuces, idéologies…) et recommence… mais en "plus tout" : davantage de spectacle qui déchire, davantage d’émotions standardisées en kit, davantage de twists-à-usage-unique, davantage de pompages & de rip-offs décomplexés, davantage de pré-mâché & de prêt-à-penser, davantage de forme tentant de se faire passer pour du fond, davantage de négation et de mépris de l’identité trekkienne.

Du coup, l’expérience de visionnage confine à l’orgasme… lequel se solde fatalement ensuite par un douloureux contrecoup dépressif… sitôt que le spectateur reprend possession de son organe… cérébral. Jamais un film n’aura mieux illustré la formule de Brigitte Roüan : post coïtum animal triste.

La Prime Directive et ses Incohérences

Le moment en apparence le plus trekkien - ou plus exactement le moins anti-trekkien - du film, supposé constituer une séance d’initiation à la "Directive première pour les nuls"… ne survit pas à un examen approfondi.

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Durant tout le teaser, Spock se gargarisera obsessionnellement de Prime Directive jusqu’à vouloir sacrifier sa vie pour elle, cornant une nouvelle fois son célèbre apophtegme : « la vie du plus grand nombre… » (à force d’être surexploitées par le reboot, les formules les plus mythiques s’exposent à devenir des truismes).

Mais si cette magnifique abnégation envers la Non-Interference Directive sonne davantage 24ème siècle (Star Trek The Next Generation) que 23ème (Star Trek The Original Series), elle est ici assortie de tartufferie dans la mesure où toute intervention dans le développement, mais aussi à l’encontre de l’extinction naturelle d’une civilisation pré-distorsion (par exemple en détonant un cold fusion device pour figer la lave d’un apocalyptique supervolcan) représente en soi un viol de ladite Directive de non-interférence.

Le Pire Manquement

Le pire manquement pour tout officier de Starfleet est de laisser une empreinte - consciente ou inconsciente - de son passage sur les civilisations moins développées, et donc d’influer - même involontairement et inconsciemment - sur leur destinée (principe de néguentropie). D’où le dispositif de la Prime Directive (et de ses 47 sous-directives de contextualisation).

Malgré tout, le 23ème siècle de Star Trek The Original Series accordait aux capitaines de Starfleet une certaine latitude d’interprétation du Starfleet General Order 1 (à l’exemple de ST TOS 03x03 The Paradise Syndrome). Son viol tient donc ici surtout à l’incohérence de la méthode d’intervention employée par Spock : que les auteurs ne nous fassent pas croire que dans la société hyper-high-tech de Star Trek, il n’était pas possible de téléporter et/ou d’activer à distance (ou à retardement) le cold fusion device sans venir faire de l’équilibrisme suspendu à un filin au-dessus d’un cratère en éruption.

Rarement le prétexte sensationnaliste n’aura été aussi artificiel… Parallèlement, faut-il que Baby-Kirk soit un gamin immature pour aller voler aux autochtones un parchemin sacré… et finalement le leur abandonner avant de sauter dans le vide !

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Quel était le sens de ce forfait, si ce n’est se payer une partie de "fun old school" (mode pré-1940) au détriment des indigènes ? S’il était question de sauver un artéfact d’une civilisation sur le point de disparaître, bien des solutions discrètes étaient possibles, à commencer par la téléportation.

Et si - comme le suggère Baby-Kirk lui-même - l’objectif était d’éloigner les indigènes du supervolcan (en courant dans la direction opposée), cette tactique n’avait aucun sens puisque l’éruption était supposée être une catastrophe planétaire globale (et non juste locale), donc quelques kilomètres d’éloignement n’augmentaient en rien les chances de survie des Nibirans.

En fait, la véritable raison d’être de cette scène introductive était de citer (bien maladroitement) les courses-poursuites par lesquelles s’ouvrent les Indiana Jones de Steven Spielberg (en particulier Raiders Of The Lost Ark), voire les récents James Bond.

De plus Kirk, qui est supposé être un diplômé - surdoué - de Starfleet, ne sait-il pas que toute immersion au sein d’une civilisation pré-distorsion postule une transformation cosmétique voire morphologique afin de se fondre dans le paysage et passer inaperçu ? Cette pratique de bon sens était d’ailleurs déjà en usage un siècle plus tôt, du temps de Jonathan Archer, avant même que ne soit édictée la Prime Directive.

Et que dire de l’USS Enterprise que l’on transforme en insubmersible, alors que jamais rien dans la franchise n’avait suggéré de telles possibilité… à fortiori sachant qu’au 23ème siècle, les starships ne s’aventuraient même pas dans les fluides gazeux des atmosphères ! La timide protestation de Scotty ne rend pas l’initiative plus crédible.

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Bien entendu, rien n’interdit formellement aux vaisseaux de Starfleet d’avoir cette aptitude, aussi bien dans la nouvelle timeline (puisque supposée différente) que dans l’univers originel (ce qui n’est pas mis en scène n’est pas forcément impossible pour autant).

L'Invraisemblance et le Rasoir d'Ockham

Mais c’est de l’irrespect du rasoir d’Ockham que vient l’invraisemblance : le soutien logistique et technique du vaisseau-mère n’aurait pas été moindre depuis l’orbite ou la haute atmosphère, mais il aurait évité de se donner gratuitement en spectacle (son & lumière s’il vous plait) auprès des indigènes en émergeant des eaux (et qu’il ait d’ailleurs réussi à s’y immerger en premier lieu sans se faire remarquer est déjà fort peu vraisemblable).

Enfin, il aura suffi d’un seul passage en rase-motte dans un moment de grande confusion (sous les projections volcaniques) pour que les natifs de Nibiru - supposés primitifs (Pike dira d’eux qu’ils ont à peine inventé la roue) - réussissent à reproduire à la perfection le vaisseau de face et de profil, tels des dessinateurs industriels chevronnés.

Recomposition de la Terre Trekkienne

La balade londonienne en automobile (à aéroglisseur ?) de Thomas & Rima Harewood poursuit le mouvement amorcé par le volet précédent de 2009, lequel consiste à entièrement recomposer le visage de la Terre trekkienne du futur (où les véhicules motorisés terrestres étaient totalement absents et où les villes n’avaient rien de commun avec la Metropolis de Superman).

Décidément, le reboot de JJ Abrams s’assied sur les spécificités trekkiennes pour flatter l’imaginaire collectif le plus trivial.

Le Commander John Harrison et la Section 31

Le mystérieux commander John Harrison (Benedict Cumberbatch) offrira au couple Harewood une solution miracle pour sauver la vie de leur fille Lucille, dont la mort était annoncée par le corps médical. Mais la très perverse contrepartie imposée sera rien de moins que le suicide en kamikaze de Thomas, condamné à faire exploser (au moyen d’un réactif à l’eau contenu dans sa chevalière) son environnement de travail, officiellement le Kelvin Memorial Archive (une bibliothèque publique), en réalité la couverture d’une antenne de la Section 31 de Starfleet (comme le film le révèlera ensuite) !

Manifestement, les scénaristes sont allés chercher cette fois un peu plus loin leurs référents trekkiens, à savoir dans la quatrième saison de Star Trek Enterprise et/ou dans les deux dernières saisons de Star Trek Deep Space 9 (probablement en l’honneur du vingtième anniversaire de la série). Malheureusement, cette initiative ne constitue pas en soi une garantie de pertinence... dès lors que le concept est mal digéré par les auteurs.

La Section 31 : Une Infrastructure Autonome

La Section 31 est une infrastructure autonome et officieuse de Starfleet, spécialisée dans le renseignement, la R&D, les black’ops, et visant à protéger l’UFP (et la Terre) contre toutes les menaces internes et externes, présentes et futures (i.e. l’équivalent UFP du Tal Shiar romulien ou de l’Obsidian Order cardassien).

Son personnel est trié sur le volet, et il parait peu vraisemblable que l’un de ses membres, Thomas Harewood, ait pu présenter une telle vulnérabilité personnelle à un moyen de pression externe. Surtout lorsque sa position lui permettait d’obtenir des informations sur son maître chanteur, Harrison, supposé en outre être l’un de ses collègues ou ex-collègues (comme le film le révèlera par la suite). Un individu capable de faire passer ses intérêts personnels ou familiaux avant ses engagements professionnels ne fait pas un agent crédible de la Section 31.

Kirk : Don Juan ou Casanova ?

Il faut bien le méconnaître - ou se laisser éconduire par la légende urbaine - pour faire de Kirk un Casanova, un queutard invétéré. Le héros de la série originale était au pire un Don Juan, périodiquement courtisé par la gent féminine, et lui résistant difficilement. Mais il ne prenait quasiment jamais l’initiative, sauf par nécessité professionnelle (i.e. stratégique).

Bien entendu, Star Trek Into Darkness, c’est la jeunesse du héros, c’est aussi et surtout une autre trame temporelle où tout est manifestement permis. Malgré tout, difficile de reconnaître quoi que ce soit du personnage de Kirk dans ce portrait de cavaleur impénitent et même de partouzeur que le reboot tente de nous vendre à chaque opus.

Dans Star Trek 2009, la démagogie impliquait qu’il copule avec une orionne (étrangement cadette de Starfleet). Cette fois, ce sera simultanément avec deux aliens aux queues félines (des crypto-Caitians évoquant celles entraperçues dans le pilote de la série prequelle).

Les Uniformes de Starfleet : Un Anachronisme ?

La plongée dans le quartier général de Starfleet à San Francisco a de quoi laisser perplexe. Les officiers au sol (en unité ?) revêtent des uniformes gris à épaulette gradée (vanité pourtant gommée dans la franchise), assortis de casquettes militaires (jamais portées durant quarante ans de Star Trek). Et pour ne rien arranger, ces dernières sont décalquées sur celles de l’Armée rouge soviétique durant la Guerre froide ! Rien à voir donc avec les sympathiques couvre-chefs souples bleus (façon NASA ou baseball) utilisés parfois par le Starfleet pré-Fédération du 22ème siècle (dans la série prequelle Enterprise) et dont la connotation était bien différente. La nouvelle timeline a vraiment bon dos !

Serait-ce une façon d’allégoriser le caractère prétendument démodé des uniformes de la franchise ? Mission réussie dans ce cas, à tel point d’ailleurs que c’est bien la toute première fois dans Star Trek que les tenues sont clairement orientées vers le passé (tandis que celles de la série originale demeurent toujours orientés vers l’avenir, malgré leur mauvaise réputation de "pyjamas").

La "Démilitarisation" de Starfleet

Pour mémoire, même si les vaisseaux du Trekverse étaient conçus sur le modèle maritime de la Navy (bâtiments autarciques à commandement autonome, passerelle, salle des machine, absence ou quasi-absence d’astronefs d’interception à faible autonomie...), le créateur de Star Trek (Gene Roddenberry) s’était efforcé de "démilitariser" la forme de Starfleet.

Il y avait bien sûr une formation, des compétences de pointe, une hiérarchie, une discipline... Mais la plupart des attributs de réification, de coercition, et de prestige avaient été gommés ou amenuisés (le caractère martial des uniformes, le port des décorations, l’ostentation des grades, les casquettes/képis rigides, les rituels initiatiques, etc...).

La Sanction de Kirk

Convoqué par Pike, Baby-Kirk s’imagine déjà qu’il fera partie des rares à être sélectionnés pour le nouveau programme d’exploration de cinq ans. C’est de haut qu’il tombera en apprenant qu’il a été démis par Starfleet de ses fonctions de capitaine de l’Enterprise pour viol d’une douzaine de règlements (dont la Prime Directive) sur Nibiru (qui n’était supposé être qu’une mission de surveillance et non d’intervention).

Ce passage très écrit aurait pu être inspiré, incisif, impertinent, tant Pike assène à Kirk ses quatre vérités, sur son immaturité, son irresponsabilité envers ses actions, son irrespect du fauteuil de capitaine, son mépris des règles (réservées aux autres), sa présomption d’invulnérabilité ("play God")... bref sur son immaturité ("vous n’êtes pas prêt") ! Une immaturité caractérisée lui valant d’être renvoyé sur les bancs de Starfleet Academy par décision de l’Amiral Marcus, chef d’état-major.

En apparence, les auteurs semblent donc avoir écouté les doléances des trekkers envers la fin du précédent opus... Malheureusement, une fois de plus, l’envolée potentielle est plombée par son écriture grossièrement utilitariste (cf. paragraphe suivant), ainsi que par son incohérence contextuelle.

Incohérence Contextuelle

La sanction qui s’abat sur Kirk résulte d’un rapport circonstancié que Spock a envoyé à Starfleet au motif qu’il voulait endosser seul la responsabilité du viol de la Prime Directive, initiative que Kirk perçoit à juste titre comme un coup de poignard dans le dos de son subordonné & "ami" vulcain, auquel il venait d’ailleurs juste de sauver la vie.

Comment Spock, qui a pourtant été instructeur à l’académie (dans Star Trek 2009), pouvait-il ignorer à ce point que son rapport relevait de la pure délation, car en toute circonstance, seul le capitaine est tenu responsable des manquements envers les directives en vigueur, a fortiori si celui-ci tente ensuite de dissimuler ses propres agissements.

Après des événements aussi polarisants que ceux de Nibiru (où Spock a échappé de très peu à la mort), comment se fait-il que les deux officiers supérieurs n’aient pas accordé leur violon quant aux rapports de mission (d’autant plus que l’un et l’autre connaissaient leurs inclinations divergentes) ? Et au-delà de ça, comment se fait-il simplement que Baby-Kirk ait falsifié aussi grossièrement son rapport, puis tenté de mentir aussi effrontément et grossièrement en présence de Pike ?

Si le Kirk originel prenait parfois quelques libertés envers la Prime Directive (latitude discrétionnaire des capitaines au 23ème siècle que reprend d’ailleurs à son compte Spock lorsqu’il tente de se justifier auprès de Pike), jamais Kirk ne manquait d’assumer ses initiatives, et de les justifier dans ses rapports. La jeunesse de Baby ne saurait être une excuse pour un tel écart de conduite, indigne du plus indigne des cadets, inintelligent avant même d’être irrégulier.

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