Afin de comprendre l’origine des pathologies de l’épaule du lanceur, il faut se pencher sur le geste et les conséquences de sa répétition. Le sport le plus caractéristique, et qui a grandement aidé dans la compréhension des pathologies, est le pitcher (lanceur au baseball).
Le geste du lanceur normal, pour simplifier, consiste à porter l’humérus en Abduction (dans le plan de l’omoplate, et non en arrière du tronc) et rotation externe afin de générer une force de lancer. Pour le pitcher et d’autre lanceur, afin d’augmenter cette force, le bras se déplace de plus en plus, avec l’entrainement, en hyperotation externe. L’adaptation physiologique de l’épaule permet dans un premier temps une amélioration des performances de celle ci.
A l’armé du bras, (en abduction, rotation externe), il existe un contact physiologique entre trochiter (extrémité proximale de l’humérus, zone d’insertion de la coiffe des rotateurs) et la glène postérosupérieure. La répétition de ce contact peut parfois engendrer des lésions du labrum et de la face profonde de la coiffe : c’est le Conflit postérosupérieur (Conflit PS).
L’épaule du lanceur s’est adaptée : La rétraction progressive de la capsule postéroinférieure déplace le centre de rotation de la tête humérale (en haut et en arrière), la rotation externe augmente (amélioration des performances de lancer), et ce mécanisme retarde le Conflit PS. Le prix à payer est la distension des parties molles en avant notamment du ligament glenohuméral inferieur (et du labrum antérieur/lésion de bankart) pouvant être à l’origine d’une microinstabilité antérieure (cf infra).
Même si le contact entre trochiter et glène est retardé par les mécanismes que nous avons vu, il se fait quand même, d’autant plus que le lanceur va chercher loin en arrière pour gagner de la puissance (le tronc s‘avance, le bras est en arrière du plan de l’omoplate). Les lésions du labrum (en haut et en arrière de la glène) se retrouvent dans le conflit PS, elles sont associées parfois à des lésions de la face profonde du sus épineux ou du sous épineux (lésion en miroir).
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On retrouve des douleurs à l’armé du bras, parfois en arrière, avec des signes d’irritation de la coiffe supérieure, en poussant la tête en arrière (en position d’armé), l’examinateur soulage la douleur en éloignant les 2 zones entrant en conflit (test de recentrage mais il n’y a pas d’appréhension comme dans l’instabilité antérieure).
On appelle SLAP les lésions de la partie supérieure du labrum, au niveau de l’insertion de la longue portion du biceps. L’hyperrotation externe associée au déplacement du centre de rotation vers l’arrière induit des forces de traction sur le pied du biceps, à l’origine des ces lésions. Au début, le lanceur ressent une sensation de contracture de l’épaule avec des difficultés au relâchement. Typiquement il peut ressentir une sensation de bras mort, mais d’autres présentations cliniques existent : douleurs de l’épaule atypique, symptômes irradiant dans le biceps.
Nous l’avons vu plus haut, l’hyperrotation externe nécessaire au lancer puissant entraine une distension des parties molles en avant, en particuliers sur le ligament glenohuméral inférieur, ligament de la stabilité antérieure. On retrouve des avulsions du labrum antérieur, une laxité du LGHI trop importante, induisant une « microinstabilité » comme les luxations récidivantes antérieures.
Quelle est l’épaule à risque, celle qui bascule d’une adaptation physiologique au pathologique ? L’épaule à risque peut être analysée sur le geste de l’armé et sur des constatations cliniques. A l’armé du bras, lorsqu’il se retrouve en arrière du plan de l’omoplate, souvent par avancée du tronc, l’articulation se retrouve en dehors d’une zone de sécurité (en particuliers par diminution de l’abduction au lancer), et le risque de conflit postéro supérieur est réel.
D’autre part la modification des rotations est le critère à analyser. L’adaptation physiologique du lanceur crée un gain de rotation externe RE2 (en position d’armé du bras). La conséquence est la perte équivalente de rotation interne dans la même position (RI2). Tant que cette perte est égale au gain de RE2, l’épaule est équilibrée, mais si la perte de RI2 est supérieure, alors cela traduit la rétraction de la capsule posteroinférieure et un déplacement du centre de rotation avec les conséquences vues plus haut (conflit PS, SLAP, laxité antérieure…). Notez la rotation externe de l'épaule droite.
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L’articulation glénohumerale ne peut fonctionner sans la scapula et son articulation scapulothoracique. Elle constitue un point d’ancrage essentiel sur le grill costal, son bon positionnement permet un fonctionnement harmonieux de la glénohumérale. Il est donc logique qu’en cas de pathologie à ce niveau, celle-ci entraine des conséquences sur l’épaule (la glénohumérale et l’espace sous acromial).
On appelle dyskinésie une anomalie de fonctionnement des muscles entourant la scapula (omoplate) entrainant un mauvais positionnement de celle-ci, pouvant entrainer des douleurs d’origine variées. Cher le sportif de lancer, la fatigabilité musculaire par répétition du geste (surmenage) est à l’origine d’un dysfonctionnement de la scapula, entrainant son mauvais positionnement sur le grill costal : c’est la SICK scapula.
La scapula est alors trop latérale. L’examen clinique retrouve une proéminence de sa pointe inferieure avec une douleur de l’angle superomédial et de l’apophyse coracoïde. De face, l’épaule est plus basse que l’autre coté. Cette malpositon est le lit du conflit sous acromial classique car l’acromion est trop latéral, il ne s'efface pas suffisamment à l’armé du bras (conflit secondaire).
Indépendamment des pathologies propres au lanceur, l’atteinte de la coiffe est logique par surmenage en fonction du geste réalisé. On retrouve toutes les lésions possibles : tendinopathie, lésion partielle ou totale. L’atteinte de la coiffe peut également être la conséquence d’un conflit postérosuperieur (face profonde sus épineux/sous épineux). Le conflit sous acromial secondaire par une Sick scapula explique aussi certaines tendinopathies (mauvaise position de l’acromion).
Enfin rappelons le rôle essentiel de stabilisateur dynamique de la coiffe qui en position d’armé du bras, s’efforce à maintenir un centrage de la tête humérale correct, mais également lors de la phase d‘accélération et de passage du bras en limitant la translation antérieure de l‘humérus.
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A retenir : les lésions de l’épaule du lanceur sont variées, parfois non spécifique par surmenage, et parfois spécifique par les conséquences de la rétraction capsulaire postéro inferieure. L’examen clinique permet de guider le thérapeute, aidé de l’imagerie médicale.
L’épaule a un environnement neurologique riche et susceptible d’être atteint. Ces lésions peuvent être des accidents aigus : chute ou contact. De nombreuses lésions sont possibles (plexus brachial). Les plus classiques seront répertoriées dans le chapitre du sport en question. En revanche, l’épaule du lanceur, par surmenage expose à des lésions chroniques plus spécifiques.
Par la répétition du geste, certains nerfs, du fait de leur caractéristique anatomique sont plus exposés :
Les traitements sont le plus souvent médicaux. Ils concernent dans un premier temps la cause, il est également préventif. Phase 3 : éviter la récidive par le renforcement musculaire : renforcement des rotateurs externes souvent moins forts que les rotateurs internes (4 rotateurs internes contre 2 externes, « le match est déjà perdu d’avance ») : Le bilan isocinétique est utile.
En cas d’échec du traitement médical : Arthroscopie pour ablation du spicule osseux glénoïdien, débridement de la lésion du labrum situé entre 9h et 11h/midi, et prise en charge de la lésion de la coiffe selon la gravité : du simple avivement à la suture . Peu d’immobilisation post opératoire, mais reprise des sports avec armé du bras après un délai d’au moins 3 mois post op. 2 traitements possibles sous arthroscopie : soit la réinsertion par ancre soit la ténotomie /ténodèse dans la gouttière. La tendance actuelle est le deuxième choix, mais la réinsertion se discute chez un jeune patient.
Les lésions sont variées : tendinopathie de surmenage (traitement médical), par conflit (recherche d’une sick scapula), lésion partielle face profonde par conflit PS (traitement du conflit PS cf supra) et lésions de coiffe complète : réinsertion arthoscopique. L’hyperotation externe acquise induit une distension des parties molles antérieures (distension capsulaire, lésion de bankart) entrainant une microinstabilité antérieure.
Le traitement chirurgical se discute en cas d’échec du traitement médical (délai non consensuel : 3 ou 6 mois). En cas de forme ancienne, le pronostic de récupération musculaire est réservé mais la douleur est améliorée.