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Le premier essai nucléaire français, Gerboise bleue, a été effectué le 13 février 1960, sous la présidence de Charles de Gaulle, bien que le programme ait été démarré dès 1956 avec Guy Mollet et Pierre Mendès France. Suivront Gerboise blanche, puis rouge, puis verte. Puis 13 autres essais, souterrains cette fois-ci. En tout, la France procèdera à 17 essais nucléaires dans le Sahara jusqu’en 1966.

Le site choisi, In Ecker se trouve au sud de Reggane et à environ 150 km au nord de Tamanrasset. Les tirs sont réalisés en galeries, chacune étant creusée horizontalement dans un massif granitique du Hoggar, le Tan Afella. De novembre 1961 à février 1966, treize tirs en galerie sont effectués dont quatre n’ont pas été totalement contenus ou confinés (Béryl, Améthyste, Rubis, Jade).

Le 1er mai 1962, lors du deuxième essai souterrain, un nuage radioactif s’est échappé de la galerie de tir à In Ecker, au Sahara. Il avait pour nom de code «Béryl» et pour parrains d’éminents représentants de l’Etat français en la personne de Pierre Messmer, ministre de la Défense, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche scientifique. La publicité de ce tir expérimental n’eut pas l’écho retentissant de celui du premier tir aérien de Reganne, deux ans plus tôt, salué par le cocorico enthousiaste du président de la République. A cela au moins une bonne raison, le tir Béryl s’était transformé en catastrophe nucléaire.

La montagne, sous laquelle avait été placée la bombe dans son labyrinthe de galeries en profondeur, s’était ouverte sous l’effet de l’explosion et un nuage très radioactif s’en était échappé enveloppant sous sa chape de particules irradiantes les centaines de militaires et civils présents sur les lieux face à la montagne tragique du Tan-Affela. Tous sans exception à des degrés divers furent touchés par les fuites de produits radioactifs. Les changements brutaux du régime des vents autour de ce massif montagneux ont fait en sorte qu’aucune direction géographique ne fût épargnée même si dans l’heure qui a suivi le tir, le nuage le plus dangereux a pris la direction plein sud de la base-vie des installations militaires, atteignant ensuite les centres de culture des populations locales jusqu’à Tamanrasset et au-delà. Tout cela sans compter les groupes isolés de Touaregs nomadisant dans ces territoires et à leur tour touché par les retombées du nuage radioactif.

La montagne de l'Atakor, où a été effectué l'essai nucléaire français, le 1er mai 1962, dans le Sahara algérien. En effet, la montagne, sous laquelle avait été placée la bombe dans son labyrinthe de galeries en profondeur, s’était ouverte sous l’effet de l’explosion et un nuage très radioactif s’en était échappé enveloppant sous sa chape de particules irradiantes les centaines de militaires et civils présents sur les lieux face à la montagne tragique du Tan-Affela.

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D’autres accidents eurent lieu: l’accident Améthyste (30 mars 1963). Lors de cette expérience, il y a eu sortie d’une faible quantité de scories de roches fondues. Un panache contenant des aérosols et des produits gazeux s’est dirigé vers l’Est- Sud-Est, et a touché l’oasis d’Idelès, située à 100 km où vivaient 280 habitants. Les accidents Rubis et Jade, lors de l’expérience Rubis, le 20 octobre 1963, une sortie de gaz rares radioactifs et d’iodes s’est produite dans l’heure suivant la réalisation de l’essai, avec formation d’un panache. La contamination a été détectée jusqu’à Tamanrasset.

Selon les données de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, 24 000 civils et militaires, insuffisamment protégés, ont été directement exposés. Les populations sédentaires et nomades de la vallée du Touat seront également contaminées par ces essais. En effet, une carte de l’armée française déclassifiée en 2013 et publiée par Le Parisien montre que les retombées radioactives de “Gerboise bleue” ont été beaucoup plus importantes que celles admises à l’époque.

Il aura fallu attendre cinquante ans pour que l’Etat français reconnaisse qu’il y a bien eu des contaminations radioactives sur les personnels et bien au-delà des champs de tirs. Même chose sur les populations civiles, à l’époque où la France testait son arsenal nucléaire en Algérie.

Aujourd’hui, le grand public commence à découvrir l’étendue exacte des retombées nucléaires dans la région, à partir d’une simple carte, classée «secret défense». De vastes zones de contamination, allant bien au-delà du Sahara, observées jusqu’à deux semaines après le premier tir aérien de février 1960.

Selon le président de l’association Taourirt, Elouaar Mahmoud, la teneur de cette loi «scélérate et controversée» explique clairement «l’irresponsabilité et la mauvaise foi des autorités françaises» quant à l’indemnisation des personnes souffrant de maladie radio-induite. La loi Morin, promulguée le 5 janvier 2010, porte sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

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Il est vrai que l’on était en pleine guerre ( révolution algérienne) et les morts dus aux essais n’ont pas été immédiates. Quand l’hécatombe a commencé avec les différentes maladies et les malformations, 1968 date de départ, la France avait quitté le Sahara.

Le commissariat à l’énergie atomique (CEA) a été créé en 1945, juste après les premières explosions atomiques utilisées par les États-Unis pour précipiter la reddition du Japon. L’objectif était de poursuivre les développements scientifiques et techniques afin d’utiliser l’énergie atomique pour ses applications médicales, énergétiques et militaires. Le général de Gaulle, à l’origine de cette création, souhaitait que la France dispose de sa propre arme nucléaire afin d’assurer son indépendance. En 1960, le CEA faisait exploser dans le Sahara une première bombe atomique, permettant à la France de devenir la quatrième puissance nucléaire (après les États-Unis, l’URSS et le Royaume Uni).

Sur le site de Reggane (Algérie), quatre essais atmosphériques (la bombe explose à l’air libre) furent réalisés entre 1960 et avril 1961. Dans le but de limiter la pollution radioactive, les essais suivants furent souterrains : la bombe est alors placée dans un tunnel qui est rebouché avant de procéder à la détonation. Cette méthode permet de confiner la plus grosse partie de la radioactivité dans le sous-sol, même si des fuites significatives sont parfois constatées.

Aujourd'hui, alors que les langues se délient, les experts reconnaissent que les normes de sécurité n’ont pas été respectées. C’est à Arak (Tamanrasset) que l’eau a été fortement contaminée…et l’air bien sûr, par de l’iode 131, du césium 137 ont été inhalés par les populations locales et les équipes militaires.

La France effectuera au total 57 expérimentations et essais nucléaires entre 1960 et 1966 en Algérie. Malgré l’indépendance de l’Algérie en 1962, une clause secrète des Accords d’Evian autorisera une présence française dans le désert algérien jusqu’en 1967. Outre les quatre explosions atmosphériques à Reggane, 13 explosions souterraines et 5 expérimentations auront lieu à In Ekker.

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En 2010, la loi Morin ouvrait la possibilité d’indemnisations pour les victimes présentes sur les lieux à l’époque des essais. celles-ci devaient justifier être atteintes d’une des 21 maladies radio-induites listées dans le décret 2014-1049. Selon le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (CIVEN), 1 310 demandes avaient été déposées au 25 mai 2018 (130 indemnisations). Le nombre est faible au regard des 150 000 travailleurs sur zone, dont beaucoup sont déjà décédés, et à la sous-estimation de l’étendue des retombées radioactives.

Les Algériens reprochent enfin à la France de ne jamais avoir décontaminé les zones touchées par les essais. Avant leur départ en 1966, les militaires français avaient clôturé l’accès aux sites d’In Ecker, mais les autres sites, comme Reggane, n’ont jamais été sécurisés.

Le tir du 13 février 1960 à Reggane a fait entrer la France dans le club très fermé des puissances nucléaires. Ce tir est surtout emblématique de l’aveuglement de tous les États qui ont un jour accédé à l’arme nucléaire. A l’origine de chaque bombe nucléaire, des États-Unis à la Corée du Nord se trouve une même croyance : celle que l’arme nucléaire donnera à l’État la possédant la sécurité absolue, lui permettant de mener une compétition féroce contre un adversaire potentiel.

Reggane est aussi la parfaite illustration de l’aveuglement des États et des hommes politiques de l’époque sur les conséquences écologiques et sanitaires de l’acquisition de l’arme nucléaire. Partout, des essais ont été menés au détriment des populations, polluant les sols, éradiquant la vie. Les accidents aux États-Unis se dénombrent par centaines. Les bombes soviétiques ont ravagé des milliers d’hectares en Sibérie. Et, alors que toutes les autres armes de destruction massive ont été prohibées, que la moitié des pays du monde a appelé à l’éradication de l’arme nucléaire à travers le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), les États dotés de l’arme nucléaire s’obstinent à ne pas assumer leurs responsabilités envers cette folie destructrice.

Des personnalités algériennes et françaises viennent de créer le Comité de soutien vérité et justice à l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) et à l’association Moruroa e tatou, ONG de droit français qui défendent les droits des personnes souffrant des effets des essais nucléaires français au Sahara algérien et en Polynésie.

Comme il l’avait fait pour les essais nucléaires réalisés en Polynésie, le ministère de la Défense vient de rendre publique un dossier de présentation des essais nucléaires et de leur suivi au Sahara. La France a mené dix-sept essais nucléaires dans le Sahara algérien entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966.

Une première série de tirs a eu lieu à une cinquantaine de kilomètres au sud de Reggane, oasis située à 700 kilomètres de Colomb-Béchar qui comptait alors quelques centaines d’habitants (près de 35.000 aujourd’hui). Quatre tirs atmosphériques ont été réalisés. Gerboise bleue, le 13 février 1960 était une bombe de 70 kilotonnes (kt) disposée sur un pylône.

La deuxième série de tirs, treize du 7 novembre 1961 au 16 février 1966, a été effectuée à un autre endroit, dans le massif du Hoggar, à proximité d’In Ekker. Ils n’étaient plus atmosphériques: les engins étaient placés au fond de galeries en forme de colimaçon de manière à ce que l’onde de choc générée par l’explosion obture la galerie et piège les produits radioactifs sous terre.

L’accident le plus sérieux s’est produit le 1er mai 1962 lors de l’essai Béryl (moins de 30 kt). La galerie s’est ouverte et un important nuage radioactif s’est échappé. De plus, un changement de direction du vent l’a amené à passer au-dessus du poste de commandement. Une quinzaine de personnes ont ainsi été assez sévèrement exposées. Parmi elles, deux ministres, Pierre Messmer et Gaston Palewski. Ce dernier, qui décédera d’une leucémie, pensait que sa maladie était due à cette irradiation. De plus, 9 militaires ont séjourné en zone contaminée. Après décontamination, ils ont été transportés à l’hôpital Percy de Clamart et ont fait l’objet d’un suivi médical.

Il est un point dont l’armée n’est pas très fière aujourd’hui. Lors des premiers essais aériens, des exercices impliquant une centaine de militaires ont été réalisés en milieu contaminé. Des hélicoptères guidant des blindés et des fantassins, munis d’équipements de protection, ont manoeuvré en zone radioactive. Même s’il n’y a pas eu mise en danger de ces soldats au vu des doses de radioactivité rencontrées, de telles manoeuvres seraient aujourd’hui, loin de l’esprit « guerre froide » des années 1960, totalement exclues.

La France a par ailleurs été accusée d’avoir utilisé des cadavres lors de ces essais pour tester l’effet de l’explosion. Ce que le ministère de la Défense réfute catégoriquement, affirmant que ce sont des mannequins revêtus, ou non, des tenues de protection qui ont été utilisés.

Que reste-t-il aujourd’hui de la radioactivité libérée par ces essais? Il subsiste bien, dans le désert, quelques zones radioactives qui pourraient poser des problèmes sanitaires. Un rapport établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2005 relève 4 zones contaminées, autour des essais Gerboise blanche et bleue, de manière faible et localisée, et au sortir des tunnels des essais Béryl et Améthyste dans le massif Tan Afella. C’est là que la radioactivité résiduelle est la plus forte.

Avant leur départ en 1966, les Français avaient construit une vaste clôture pour empêcher l’accès aux lieux des essais souterrains. Au fil des années, cette clôture s’était dégradée.

L’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) n’est pas satisfaite de ce rapport et reproche au ministère de la Défense d’entonner «à nouveau le refrain de la bombe propre». «Alors qu’il serait de la responsabilité du gouvernement français, en accord avec le gouvernement algérien, de mettre en place une surveillance de la radioactivité des sites, comme celle installée à Moruroa et à Fangataufa, de nettoyer les zones contaminées comme les Britanniques l’ont réalisé en Australie, le ministère de la Défense s’autocongratule sur l’absence d’incidence environnementale de ses essais», déplore l’Aven.

tags: #accident #tir #atomique #Beryl #conséquences

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