Publié le lundi 24 mars 2025 à 7:39, un mois après les faits et le tir du gendarme, l'avocat du blessé dénonce une enquête qui manque de profondeur et d'impartialité.
Romaric Chateau, avocat d'un homme blessé par un tir de gendarme, fin février à Bourg-lès-Valence, a déposé une demande auprès du procureur de Valence. Il dénonce une enquête incomplète et veut que celle-ci soit confiée à la police, pour plus d'impartialité.
"On n'a pas peur de la vérité, on ne lâchera pas". À travers les mots de l'avocat, Me Romaric Chateau, on perçoit le sentiment d'injustice qui habite ses clients.
L'affaire est complexe, nous vous l'avons résumée ci-dessous.
Mercredi 19 février, un gendarme en opération de surveillance était repéré à l'arrière de sa voiture par deux hommes, qui disent l'avoir pris pour un cambrioleur (le militaire n'était pas en tenue et ne s'est pas annoncé). Ils ont brisé la vitre de la voiture avec une pierre en le menaçant, le gendarme a tiré, touchant gravement un des deux hommes (à un millimètre du cœur).
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Les deux hommes, cousins, ont été interpellés la nuit même car ils s'étaient rendus à l'hôpital pour faire soigner la blessure. Ils ont ensuite été mis en examen pour "tentative de meurtre". Ils ont été placés en détention provisoire (un autre homme est lui sous contrôle judiciaire).
Le gendarme n'ayant été blessé que par des éclats de verre (0 jour d'ITT), la question principale du dossier est la suivante : le gendarme était-il en état de légitime défense ?
Les enquêteurs doivent déterminer si le gendarme était en situation de légitime défense ou pas.
"On demande que cette enquête soit réalisée par la police", explique Romaric Chateau. "Si demain vous aviez un problème avec un gendarme, vous aimeriez que ce litige soit enquêté par la police, pas par un gendarme ? La police ! Ca évite les conflits d'intérêt".
L'avocat drômois a déposé une demande auprès du procureur et du juge d'instruction : que les deux enquêtes (contre ses clients et contre le gendarme) n'en deviennent qu'une seule et qu'elle soit dirigée par la police.
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"Mon client a une quarantaine d'années, il a des enfants, un emploi, un casier judiciaire vierge, il se retrouve en prison avec une balle dans le corps, ce n'est pas possible."
Deux choses inquiètent Me Romaric Chateau. D'abord, le fait que les deux enquêtes soient séparées (il n'a pas accès à celle sur le gendarme pour le moment) : "les faits ont lieu sur le même lieu, avec les mêmes protagonistes. Si mon client a agressé le gendarme, il y a légitime défense, sinon le militaire est l'auteur d'une tentative de meurtre, c'est un seul dossier", justifie l'avocat.
Autre crainte, le déroulement des investigations : "on se retrouve devant le juge d'instruction avec des actes d'enquête qui manquent", actes qui pourraient prouver, selon Romaric Chateau l'innocence de ses clients.
"Mon client a été laissé par terre après avoir pris une balle. Il a appelé les pompiers, son cousin a appelé la police. Avec ces enregistrements, on pourrait savoir ce qu'ils disent à la police immédiatement après les faits, mais ils ne sont pas dans la procédure".
Manquent aussi selon lui : des demandes de vidéosurveillance, les messages sur les téléphones de ses clients, le certificat médical du blessé. "On ne sait même pas combien de fois le gendarme a tiré, à quelle distance : c'est important en termes de légitime défense".
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Selon le parquet, des éléments prouvent que le blessé et/ou son cousin étaient armés.
Selon Me Chateau, aucun impact de balle, aucune douille n'a été relevée sur les lieux, à Bourg-lès-Valence, près de la bretelle d'autoroute.
Un "échange de coups de feu", c'est ainsi que sont officiellement décrits les faits qui se seraient déroulés dans la nuit du mercredi 19 au jeudi 20 février 2025, à Bourg-lès-Valence, entre la gendarmerie et trois individus.
Le surlendemain, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, en visite à Valence, allait même plus loin, en évoquant le gendarme qui a visé et touché l'un des trois hommes : "Il est en situation de légitime défense" a-t-il affirmé. Une version contestée par Me Romaric Chateau, avocat valentinois.
Ce soir-là, des gendarmes de la Drôme effectuaient, sur la commune de Bourg-lès-Valence, une surveillance en civil dans deux voitures banalisées. Le Procureur de la République de Valence a indiqué que, peu après minuit, les gendarmes avaient repéré un véhicule suspect. Ils ont eu un "contact oral" avec les occupants de la voiture qui auraient proféré des menaces de mort.
Dans son communiqué du 22 février, Laurent de Caigny précise : "Un des agresseurs était alors venu vers eux tendant son bras dans leur direction. Puis, ils avaient entendu un coup de feu tiré dans leur direction (...)".
À un gendarme caché dans une autre voiture "un des individus lui répondait « je vais te buter » ou « je vais te tuer », en le menaçant avec une arme pointée en sa direction. Un suspect aurait donc fait feu, sans faire de blessé, et le gendarme aurait riposté, touchant un homme qui s'est présenté par la suite à l'hôpital de Valence, blessé par balle à l'épaule.
Cette personne a été interpellée, ainsi que trois autres qui semblaient l'attendre sur le parking de l'hôpital. Depuis, une information judiciaire a été ouverte, confiée à un juge d'instruction qui a prononcé trois mises en examen. Deux hommes, âgés de 30 et 40 ans, poursuivis pour tentatives d'homicide volontaire, ont été placés en détention provisoire. Un troisième, âgé de 29 ans, a été mis en examen pour participation à une association de malfaiteurs et placé sous contrôle judiciaire.
Le juge d'instruction n'a toutefois pas retenu comme circonstance aggravante la tentative d'homicide volontaire "sur personne dépositaire de l'autorité publique". "Bien sûr que non !", s'exclame Me Chateau. "Les gendarmes n'étaient pas identifiables et ne se sont pas identifiés auprès de mes clients !".
"Ils n'ont rien à se reprocher", poursuit le défenseur. "L'homme de 40 ans est un père de famille, un chef d'entreprise au casier judiciaire vierge. S'il se trouve là, ce soir-là, c'est qu'il redoute un vol dans son commerce. Il a été alerté par une voisine d'un manège de véhicules à proximité et vient s'assurer qu'il n’y a pas de problème". Le second homme, son cousin, est âgé de 30 ans.
Romaric Chateau martèle que ses clients n'étaient pas armés : "Non seulement on n'a pas retrouvé d'arme, mais pas de douille, pas d'impact de balle, le gendarme n'a aucun jour d'ITT, le seul blessé, c'est mon client !".
"Ce que nous demandons, c'est une enquête impartiale : la gendarmerie doit être dessaisie au profit de la police. Et le juge d'instruction doit être chargé des deux pans de l'affaire : c'est déjà le cas pour la tentative de meurtre sur le gendarme, mais il doit aussi instruire les violences avec arme envers mon client !... Pour faire la lumière sur les événements, nous attendons de nombreux actes d'enquête : l'exploitation de la vidéosurveillance, des échanges téléphoniques qui témoignent de la bonne foi de mes clients, etc... C'est pour cela que l'avocat se donne quelques jours pour rédiger une plainte pour tentative de meurtre sur son client.
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