Cet article se focalise sur les flux illicites d’armes légères et de petit calibre (ALPC), un des aspects les plus significatifs du problème de la violence armée. Il est destiné à celles et ceux qui sont inscrits au colloque DGRIS/IRSEM du 19 mai 2021 sur la prévention et la lutte contre les flux illicites d’armes classiques.
Au terme de ce document, « armes légères et de petit calibre » signifient toute arme meurtrière portative qui tire ou projette, ou qui est conçue pour tirer ou projeter, ou qui peut être facilement transformée pour tirer ou projeter un coup de feu, une cartouche ou un projectile au moyen d’un mécanisme explosif. Les « armes légères » sont, généralement parlant, des armes utilisées par une seule personne.
La prolifération incontrôlée des ALPC constitue un des facteurs prépondérants de la violence armée à l’échelle mondiale. Ainsi, d’après les chiffres du Small Arms Survey et de l’université d’Uppsala, sur les 600 000 morts violentes que connait la population mondiale chaque année, environ 37% - soit 223 000 morts - sont liés à l’usage d’ALPC (dont environ 10 000 dans des attaques terroristes). Le taux d’homicide par armes à feu est en augmentation depuis le début des années 2000, avec une hausse de près de 20% en vingt ans, pour s’établir autour de 3 pour 100 000 à l’échelle mondiale.
Si les ALPC ne modifient pas, par leur présence, le taux de tentatives de suicide, elles contribuent hélas fortement au « taux de succès ». De même, s’agissant des accidents domestiques, les statistiques nord-américaines confirment que les pistolets de petit calibre sont fortement impliqués, notamment parce qu’ils sont acquis pour des motifs d’autodéfense et conservés chargés. Leur taille les rend en outre susceptibles d’utilisation accidentelle par les enfants.
Le chiffre fait froid dans le dos : 4 752 enfants sont morts en 2021 aux Etats-Unis à la suite d'une blessure par arme à feu. C’est une augmentation de près de 42 % par rapport à 2018, et cela fait de 2021 la deuxième année consécutive où les armes à feu sont la principale cause de décès chez les enfants et les adolescents de moins de 19 ans aux États-Unis ; devant les accidents de la route, les overdoses de drogue et le cancer.
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Dans le détail, près de deux tiers de ces 4 752 morts par arme à feu étaient des homicides, et près de 30 % des suicides. Les victimes avaient entre 15 et 19 ans pour la plupart. Plus de huit sur dix étaient des garçons.
Il n’y a pas de corrélation statistique entre « possession d’armes à feu » et « taux d’homicide » : certains pays connaissent des taux d’homicide par arme à feu bien plus élevés que d’autres, avec des taux de possession d’armes très variables. Ainsi, les Etats-Unis (5,4 homicides pour 100 000 habitants par an) et la Lituanie (5,3 pour 100 000 habitants) ont des taux d’homicides très proches, alors que leurs taux d’armes par habitant respectifs sont de 88,8 pour 100 habitants et 9,2 pour 100 habitants respectivement, soit un taux 9,6 fois plus élevé aux Etats-Unis. En revanche, les Etats-Unis ont un taux d’homicide par armes à feu très élevé.
Il ressort de ces statistiques que la possession d’armes n’est problématique que lorsque celles-ci ne sont pas soumises à un processus rigoureux de traçage et d’enregistrement, associé à un système de permis. Par ailleurs, le trafic d’armes apparait largement comme une conséquence de la criminalité organisée, notamment autour du narcotrafic.
Pays | Homicides par 100 000 habitants | Armes par 100 habitants |
---|---|---|
États-Unis | 5,4 | 88,8 |
Lituanie | 5,3 | 9,2 |
Les raisons qui fondent l’efficacité des ALPC sont également à la source des difficultés dans la lutte contre les flux illicites. La complexité des préoccupations liées aux armes à feu, à leurs usages licites comme à la répression de leurs usages illicites, se reflète dans la grande complexité du cadre juridique existant, aux niveaux nationaux et internationaux.
La Commission européenne notait dans sa récente communication sur le sujet qu’à l’échelle de l’Union Européenne les cadres juridiques nationaux et les définitions continuent trop souvent de diverger et les Etats membres sont encore loin d’avoir tous pleinement transposé la directive sur les armes à feu.
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La protection des flux légaux et les limitations du détournement passent notamment par un meilleur marquage et traçage des ALPC, ainsi que par un partage facilité des fichiers et registres. Le marquage et la traçabilité, qui sont un des éléments essentiels de l’Objectif du Développement Durable n°16 des Nations Unies, n’est aujourd’hui possible que dans environ 13% des cas de saisies d’ALPC, comme le notait le rapport du Secrétaire Général au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Sur le terrain, Interpol souligne l’augmentation constante de la circulation d’armes « artisanales, fantômes ou aux numéros de série oblitérés », ce qui complique encore l’action des forces de l’ordre.
La lutte contre les flux illicites d’ALPC constitue une question de sécurité globale prioritaire et transverse qui doit mobiliser la communauté internationale et tous les acteurs de la société civile.
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