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Le bruit des balles résonne, ce samedi matin, à travers les crêtes du Cap Corse. Ici, pas de partie de chasse, ni d'entraînement militaire. C'est un autre passe-temps qui occupe la vingtaine d'individus armés : des exercices de tir. Malgré la brume qui s'empare du col de Teghime, sur les hauteurs de Bastia (Haute-Corse), tous les pas de tir sont occupés.

Dans ce club, plus de six cents adhérents pratiquent régulièrement le tir sportif. « C'est une discipline qui favorise la concentration et se vit comme une quête de perfection », considère Dominique, un familier des lieux, médecin de profession, qui fréquente le club depuis 2011. Ce sexagénaire effectue jusqu'à trois entraînements par semaine. À rebours des préjugés qui entourent encore la discipline, il côtoie ici des avocats, fonctionnaires de la préfectorale ou chefs d'entreprise en vue. Loin de la caricature du maniaque fanatique de calibres.

L'attrait croissant pour le tir sportif en Corse

Il faut dire qu'en Corse, le tir sportif séduit de plus en plus. Avec plus de six mille adhérents - soit deux fois plus qu'en 2010 -, cette pratique truste 12 % des licences délivrées chaque année sur l'île, selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep). La discipline se place juste après le football, et compte cinq fois plus de pratiquants que la moyenne nationale.

Dans la région la plus « armée » de France, qui compte quelque 20 000 détenteurs actifs et un arsenal de 48 357 armes pour 350 000 habitants selon le dernier recensement du SIA, le système d'information sur les armes, l'attrait culturel explique sans doute en partie cette tendance. Mais les gestionnaires de clubs portent un autre regard sur cet engouement, qui témoignerait aussi, à en croire leurs observations, d'un réflexe sécuritaire.

Le tournant de l'attentat du Bataclan

« L'attentat du Bataclan, en 2015, a été un moment de bascule, en France de façon générale, mais sans doute davantage encore en Corse, observe René Biechelin, président du Bastia Teghime Tir Club, qui veille sur les pas de tir les plus prisés du département. Il y a eu un sursaut. Tous les jours, on avait de nouveaux inscrits, et la tendance ne s'est jamais plus démentie. Si bien que, depuis, on a quasiment doublé le nombre de nos adhérents. »

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René Biechelin est le président du Bastia Teghime Tir Club depuis 2005. Il se souvient parfaitement du moment où tout a basculé : "Après l'attentat du Bataclan, fin 2015, j'ai vu quelque chose que j'avais jamais vu. Tous les jours, on avait de nouveaux inscrits, je n'en revenais pas. Et ce n'est pas tout. Parmi ces nouveaux inscrits, on avait un nombre étonnant de femmes.

Au Nebbiu Tir Club, qu'il a fondé voilà sept ans, Félicien Luciani constate lui aussi un essor fulgurant de cette pratique. S'il entrevoit également un réflexe sécuritaire, les raisons de cet engouement sont aussi à rechercher, à ses yeux, dans le développement des réseaux sociaux qui auraient largement contribué à populariser la pratique du tir sportif depuis les États-Unis. Notamment chez les femmes. Le public féminin représente d'ailleurs aujourd'hui près de 20 % de ses adhérents.

« Nous recevons un public féminin croissant et désireux de maîtriser les armes, remarque Félicien Luciani. La plupart ont même la volonté de faire de la performance. C'est un phénomène que l'on ne voyait pas auparavant, et cela témoigne que c'est bien un sport à part entière. »

Encadrement et conditions d'accès

Les gestionnaires des clubs de tir étaient jusqu'alors bien plus habitués aux passionnés d'armes. Voire parfois aux « tireurs fantômes ». Tout cela n'en est pas moins rigoureusement encadré. Avec des conditions strictes : réaliser au moins trois séances annuelles contrôlées de pratique de tir, utiliser ces armes uniquement dans un stand, posséder à domicile un coffre-fort ou une armoire permettant d'assurer la sécurisation des armes et de leurs munitions, détenir un casier judiciaire vierge, etc.

« Il est évident que, pour certains, la licence est un moyen d'avoir un calibre à la maison, confie un habitué des stands de tir. Mais il faut remplir beaucoup de critères. Pour avoir une arme, il est peut-être plus facile aujourd'hui de se tourner vers le trafic. Pour les vrais passionnés, la conserver leur demande de se conformer à de fortes contraintes, car la loi ne permet pas de faire n'importe quoi et réprimande à la moindre incartade.

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Quand on demande à René Biechelin quel est le profil de ses licenciés, on constate vite qu'on est loin de la caricature du maniaque fanatique de calibres : "On a beaucoup d'architectes, des avocats, des professionnels de santé... On a trois anesthésistes ! Les gens qui viennent ont souvent une profession assez stressante, et c'est un moyen de souffler, de décrocher du quotidien, de se focaliser sur tout autre chose.

Quant à savoir si la pratique du tir sportif demande des prédispositions particulières, René hausse les épaules. "Pas du tout. Bien sûr, il vaut mieux ne pas trembler, alors plus on est jeune, mieux c'est", s'amuse le président du club de tir. "Mais tout le monde peut y arriver.

D'abord, durant six mois, il convient de familiariser avec le tir en utilisant des armes à air comprimé. À l'armurerie U Cacciatore, à Bastia, on conseille régulièrement les nouveaux pratiquants, qui s'apprêtent à acheter leur première arme de poing. "Mais la plupart ont largement eu le temps de se faire une idée au stand de tir, où plusieurs armes sont à disposition. Ils les ont essayées, et ont pu déterminer le genre d'arme qui leur convient.

Le tir sportif en chiffres

Le tir sportif séduit plus que la natation, le tennis ou l'équitation. 12 % des licences délivrées chaque année sur l'île concernent le tir sportif. En tout, plus de 6.000 personnes sont inscrites dans un club de tir. Sur la première place du podium, en Corse comme ailleurs en France, c'est le football qui s'impose.

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