Cet article explore l'histoire du stand de tir de Sarajevo et son importance pendant le siège de la ville. Il aborde aussi des réflexions sur la guerre et la condition humaine.
Kris Kyle sur le stand de tir du ranch Barefoot, au sud de Dallas, en avril 2012. Chris Kyle a inspiré le film de Clint Eastwood interprété par Bradley Cooper. Chris Kyle nous avait donné rendez-vous sur la prairie du ranch Barefoot, à deux heures au sud de Dallas. C’était en avril 2012. Ce Texan d’âme et de cœur, passionné de chasse, commença sa vie dans le coin comme professionnel du rodéo.
Il aimait venir se ressourcer dans cet endroit qui accueille souvent des vétérans et des blessés de guerre. En effet, partout sur la propriété on trouve des fusils et des cibles criblées d’impacts. Des bois de cerf et des animaux empaillés couvrent les murs des granges devant lesquelles sont garés des pick-up aux roues énormes maculés par la poussière rouge des pistes qui sillonnent l’immense domaine. Depuis qu’il a quitté le service actif chez les Navy Seals , les commandos d’élite de la marine américaine, c’est là que Chris se rend quand il a besoin de s’aérer la tête.
Il est 10 heures du matin. Pour nous rendre sur le pas de tir, Chris nous invite à monter à bord de son Ford F-350 noir orné à l’arrière d’une tête de mort, symbole de la société de sécurité Craft, qu’il a fondée et qui a pour devise « Malgré ce que ta maman t’a dit, la violence résout les problèmes ». Kyle coupe le moteur, extrait calmement armes et équipement du véhicule. Puis il s’allonge dans l’herbe, jambes écartées et main gauche en appui sous le bras droit. « Il m’est arrivé de rester comme ça jusqu’à deux semaines pour tuer quelqu’un », dit-il.
Lorsqu’il était en Irak, il vivait dans les appartements dévastés de Falloujah, Ramadi ou Sadr City, partageant la compagnie des bestioles. « J’ai développé une immunité totale aux piqûres de scorpion », souligne-t-il. Le sniper est essentiel dans la stratégie militaire, car il inspire la peur chez l’ennemi. Les insurgés irakiens ont surnommé Chris Kyle "Al-Shaitan", le diable.
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Malgré son profil de tueur, Chris Kyle est extrêmement sympathique, gentil. Il croit en Dieu. Il va à la messe. Ce n’est pas le nombre de ses meurtres qui l’a fait renoncer à son métier. Chris Kyle est mort sur le stand de tir, à l'endroit même où nous l'avions rencontré. Il est mort sur le stand de tir, à l’endroit même où nous l’avions rencontré.
En leur temps, les Serbes de Bosnie avaient obtenu des résultats comparables avec la « Sniper Alley » à Sarajevo. Le 7 juillet 1993, le détachement précurseur, organisé autour d’une compagnie d’infanterie de marine, pénètre dans Sarajevo. Nous sommes guidés par des éléments du BATINF 2 vers notre future base, le complexe sportif de Skanderja, au cœur de la vieille ville musulmane.
Parvenu sur place, nous amenons au plus près nos camions et organisons une chaîne humaine pour décharger le matériel. Des coups de feu claquent autour de nous, les casques bleus du BATINF 2 font mine de ne pas les avoir remarqué. Nous sommes à quelques centaines de mètres de la ligne de front et ces tirs semblent être tout à fait banals aux « anciens ». Je pénètre dans le complexe sportif, qui m’apparaît comme un immense labyrinthe.
Au milieu du terrain de basket, je reconnais le médecin du bataillon et l’adjudant d’unité. Ils sont penchés sur un homme allongé et entouré d’un cercle rouge grandissant. Le caporal P. a été touché alors qu’il attendait seul au volant de son camion. Malgré la gravité de sa blessure, il est parvenu à rejoindre les marsouins qui débarquaient le matériel. Je cours à l’extérieur où règne une certaine tension.
Le chef du détachement donne l’ordre à un chef de section de placer ses trois tireurs d’élite, sur la plate-forme, face à la zone A et d’ouvrir le feu sur toute menace. Nous faisons ouvrir le feu sur des cibles très fugitives. Pendant ce temps, la compagnie, à quelques mètres de là, continue imperturbablement de décharger le matériel. Nos tirs sont très maladroits.
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Nous ne connaissons pas précisément la distance, condition préalable à l’efficacité des tirs au FRF2 et nos hommes n’ont jamais fait de tir en site positif ou négatif. Même avec des ordres rapides, l’acquisition des objectifs est trop longue face à des ennemis fugitifs et cachés. Surtout, nous restons liés à l’idée qu’il faut tirer sur des cibles visibles, comme au champ de tir. Nous cherchons à abattre des hommes sans comprendre que le but de ce combat est purement psychologique.
Dans ces conditions et afin de montrer notre détermination, il faut mieux tirer massivement sur des zones, bien choisies, même s’il n’y a personne. Nous restons ainsi à échanger des tirs jusqu'à le fin de l’après-midi, mais nous sommes trop vulnérables à l’extérieur et nous recevons l’ordre de nous replier dans le bâtiment. Nous n’avons donc qu’une connaissance très limitée du milieu dans lequel nous sommes immergés et nous sommes englués dans des procédés inadaptés.
Nous en voulons à ceux qui nous ont envoyé à Skanderja, au beau milieu de la 10ème brigade de montagne, une unité bosniaque commandée par Caço. Il règne dans ce secteur de la ville en maître indépendant. La première nuit, les sentinelles, qu’aucun barbelé ne protège, vivent un enfer sous des tirs permanents. À l’extérieur, je vais rejoindre des marsouins postés dans un VAB. L’ambiance est surréaliste.
Par les portes arrières du véhicule, je vois surgir un milicien surgir de l’autre côté de la rivière. Je cours jusqu’à un autre VAB. Une faune misérable s’y est agglutinée. Je me dis que les six mois seront longs. Pour faire face à des attaques similaires à la veille, je propose de constituer une équipe d’alerte avec mes trois tireurs d’élite et de la placer à l’intérieur du bâtiment, près de la plate forme.
Le soir, je constate que l’on n’a jamais fait appel à mon équipe alors que des marsouins ont été pris pour cible. Je remarque aussi que les tirs ne semblent plus venir de la zone A mais plutôt de la zone D. La situation est donc plus complexe que je n’imaginais. Après nos ripostes sur la zone A, les miliciens de Caço ont simplement changé de place. Ils sont plus prudents que la veille et ouvrent le feu de plus loin.
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Je propose donc de passer « à la vitesse supérieure » et de créer deux postes permanents de tireurs d’élite : le poste 1 dans le casino, face aux zones A, B et C ; le poste 2, dans le bâtiment principal face à la zone D. Il y aura toujours un tireur prêt à ouvrir de feu, jour et nuit ; les deux postes seront reliés par radio et sous mon commandement. Celui dans lequel j’essaie de dormir n’a plus de fenêtre.
Un obus de gros calibre tombe très près. L’explosion est terrible, mais marque la fin du pilonnage. Dès le lever du jour nous nous attelons à la tâche. Dans chaque poste, nous créons trois emplacements de tir. Le canon de l’arme ne doit pas être apparent et l’ouverture de tir est restreinte. Nous renforçons les murs.
Chaque poste doit pouvoir accueillir trois tireurs simultanément en cas d’alerte maximum, sinon un seul est occupé en permanence et un autre sert de leurre. Nous plaçons un casque bleu et un bâton bien apparents. Je propose donc d’utiliser un couvre-casque vert au moment des tirs ; cela m’est refusé. J’inverse donc le raisonnement et décide de mettre un fond bleu sur tous les postes de combat de façon à « noyer » la couleur du casque.
Il s’agit au mieux d’atteindre les tireurs, au pire de leur imposer des règles de prudence qui réduisent leur efficacité à zéro. Vers la fin du mois de juillet, alors que le bataillon était au complet, deux miliciens surgirent sur le pont de Skanderja et « rafalèrent » sur la sentinelle. En permanence nous avions un tireur en train d’observer face à une direction dangereuse avec la lunette de son arme.
Alors que j’inspectais des travaux de mise en place de barbelés, j’ai soudain entendu quelqu’un hurler : « sniper » et tout le monde s’est enfui dans tous les sens. Mon cerveau s’est alors mis à fonctionner très vite. Etant donné l'expérience et les connaissances tactiques des tireurs, ils ne souhaitent pas particulièrement mourir.
Bill Clinton, alors à la Maison-Blanche, était sceptique. Il les avait comparées à des «stands de tir» et il n’avait malheureusement pas tort. Pour que ces zones eussent été vraiment sûres il eut fallu que les forces de l’ONU aient reçu les moyens et les ordres de les défendre. Ce n’était pas le cas.
Au moment où trois députés français -Cécile Duflot, Hervé Mariton et Patrick Menucci- ont essayé en vain de rejoindre Alep par la frontière turque, le précédent du voyage de Mitterrand à Sarajevo pendant le siège a été rappelé. Le 28 juin 1992, à l’issue d’un Conseil européen à Lisbonne, le président français s’envole en catimini pour la capitale bosniaque.
Ils font une rapide visite dans le centre. Il était reparti dans un hélicoptère sous les tirs serbes et la protection de l’ONU. La visite de Mitterrand à Sarajevo avait surtout une valeur symbolique. Elle marquait aussi une tentative de forcer un soutien humanitaire qui, en soulageant les souffrances des populations assiégées, éloignait le spectre d’une intervention militaire internationale dont Mitterrand ne voulait pas.
En Syrie, la situation est radicalement différente. Ce sont cette fois les Russes qui sont à la manœuvre. Ce sont eux qui contrôlent les airs au-dessus de la Syrie même si un modus vivendi avec Washington évite les incidents avec les chasseurs occidentaux qui bombardent Daech. L’ONU est absente. Non seulement elle n’a pas de forces militaires sur place mais quand elle a envoyé des convois d’aide humanitaire, ils ont été détruits par les belligérants.
Il y a des différences entre le siège de Srebrenica, la ville de Bosnie, où en juillet 1995, les soldats serbes du général Ratko Mladic ont tué de 8.000 à 10.000 musulmans bosniaques, et le siège d’Alep-Est où des dizaines de milliers de personnes sont restés enfermés sous les bombardements des aviations russe et syrienne. Le siège d’Alep évoque aussi celui de Sarajevo. Commencé le 2 mai 1992, il a duré 1.395 jours, le plus long de l’histoire moderne. Pris sous le feu des snipers et des artilleurs de Radovan Karadzic qui occupaient les collines environnantes, 11.541 habitants de cette ville fière de son cosmopolitisme, ont péri.
Aleppo-Srebrenica, après un peu plus d’une décennie, la « communauté internationale » assiste impuissante au siège et au pilonnage d’une ville, aux massacres de civils, au tri entre des femmes et des enfants destinés à des camps et des hommes voués à l’extermination.
Dans ce contexte d’accrochages rapides, c’est parfaitement illusoire. L’entraînement au tir a consisté, pour la plupart de nos hommes, à ouvrir le feu « au poser » sur des cibles au « garde à vous » à 200 mètres et jamais sans ordre. Je cherche à décomposer le processus qui peut me permettre d’atteindre ce résultat afin d’en optimiser chaque composante. Il s’agit maintenant de gagner du temps sur chaque étape. Nous avons d’abord cherché à voir, c’est-à-dire à surprendre nos ennemis en « flagrant délit » d’agression.
En permanence nous avions un tireur en train d’observer face à une direction dangereuse avec la lunette de son arme. Or, celui-ci s’avère beaucoup plus complexe que prévu. J’organise une patrouille dans la zone A pour déterminer les zones de tir possibles depuis ce secteur. J’analyse les impacts de balles en essayant de déterminer leur direction d’origine. Je m’aperçois ainsi que les snipers, qui exercent leur « métier » depuis des mois, ont pris des habitudes. Ils tirent peu la nuit et pendant les horaires de repas.
La dissuasion par une riposte immédiate ne suffit pas, il faut également réduire les possibilités de tir adverses et donc ses probabilités de coups au but. L’ambiance stressante de la nuit nous pose problème. Nous adoptons un réseau radio commun et je demande que les sentinelles signalent le plus précisément possible les agressions. Une balle se déplace à une vitesse qui dépasse largement celle du son (330 m/s).
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