Si la reconversion de sites et de bâtiments militaires est aujourd’hui courante, rares sont les études sur les mécanismes et les procédures présidant aux changements de fonctions et de partages des espaces entre armée et population civile dans la ville aux époques moderne et contemporaine.
Or, l’exploration croisée des interrelations constantes entre acteurs militaires et civils, grâce à la prise en compte des archives militaires, s’y révèle fructueuse et conduit à renouveler l’histoire urbaine.
Villes de garnison, villes-frontières, villes-arsenaux, ports de guerre, places fortes, villes soumises à double gouvernance…, il existe de nombreux centres urbains qui portent toujours aujourd’hui des traces de changements de fonction et d’usage civils et militaires, d’hybridations architecturales.
Les toponymes mêmes, tel « La lieue », « La poudrière », « rue militaire » ou « rue sous les murs » sont révélateurs de l’appropriation des espaces par l’Armée.
La séparation entre sphères militaire et civile n’est pas hermétique dans la ville.
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Tous les acteurs urbains utilisent les ressources et les opportunités qui leur sont offertes dans une société qui expérimente en tout temps une économie de partages, chacun profitant d’espaces fonciers momentanément disponibles, de la restructuration de bâtiments ou de disponibilité temporaire des ouvrages militaires en temps de paix.
La notion d’« espaces flexibles », utilisée en architecture contemporaine pour caractériser des réhabilitations partielles ou temporaires d’édifices, est dans ce cas pertinente dès l’époque moderne et au fur et à mesure de la densification urbaine.
On peut également mentionner celle d’« espaces intermittents », qui définit des usages différenciés selon les saisons, les jours de la semaine ou même les heures.
Ainsi, au XIXe siècle, les places d’armes servent de marchés certains jours alors que les abords des portes, solidement défendus en journée, accueillent des vendeurs ambulants le soir.
Á l’extérieur des remparts, les zones de servitudes sont, depuis leur création, le lieu d’interactions permanentes entre armée et population.
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Elles sont souvent occupées la nuit par une population interlope ou par des voyageurs arrivés après la fermeture des portes, qui sont contraints de loger dans les cabarets avoisinants.
Les villes militaires représentent ainsi un laboratoire urbain inégalé.
L’étude des sources textuelles et iconographiques permet de comparer et de hiérarchiser différents types d’espaces propices au convoisinage et à la coexistence de populations dans et en lisière de la ville.
Elles permettent également d’affiner les termes de la recherche, en considérant deux temps de vie : temps de paix et temps de guerre.
L’architecture militaire, obsolescente et migratoire par nature, fournit, à ce titre, un lieu d’observation précieux.
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Les fermages, les locations, les achats, les ventes et les expropriations favorisent une mobilité foncière et des réaffectations successives.
L’étude de l’ensemble de ces interventions livre un portrait tout à la fois tendu et nuancé du droit à l’usage du sol, qui s’exprime à travers textes officiels, cartes, dessins, gravures et correspondances entre municipalités, administrateurs, pouvoir et populations locales.
Dans cet espace de cohabitation dense et convoité que représente la « ville remparée », les nombreuses interactions entre Armée et population civile participent pleinement à réformer et remodeler en permanence la fabrique urbaine.
Dans les villes sous gouvernance militaire, les abords, marges ou lisières constituent des espaces vacants (zone de non construction dans un rayon de près d’un kilomètre autour de l’enceinte) officiellement contrôlés par l’Armée mais où se renégocient, en réalité, des droits d’occupation et de partage.
L’application des mesures défensives des places à l’époque moderne n’y est pas toujours suivie d’effets.
Les démolitions de bâtiments illégalement construits (chapelles, cabarets, auberges, serres, cabanes de jardiniers…) n’y sont pas systématiquement appliquées.
Des enjeux de pouvoir s’en mêlent notamment lorsqu’il y est question d’enjeux économiques pour la ville (développement d’activités industrielles).
Dans le cas des places fortes actives, le besoin d’espace conduit la ville à négocier sa sortie des murs.
Au XIXe siècle, des autorisations conditionnées instaurent ainsi de nouvelles interdépendances dans le cadre de terrains d’entraînement militaire (polygones d’extension exceptionnel) à l’intérieur desquels sont appliquées des normes de construction (matériaux, hauteur).
Á partir de 1850, le déplacement des infrastructures et des équipements militaires en lisière des villes où les hectares disponibles conviennent à l’installation des vastes casernes de nouvelle génération, est loin de signer la fin d’une cohabitation : elle en reconfigure simplement les termes, menant à des extensions urbaines tout en instaurant de nouvelles interdépendances.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la déprise progressive de l’armée accélérée à partir de 1996 par sa professionnalisation, conduit à amplifier et à accélérer les ventes immobilières par le ministère de la Défense, entrainant une multiplication des cas d’opérations d’aménagement publiques ou privées.
Les administrateurs de la ville contemporaine poursuivent pleinement cette relation dialectique par le biais de recompositions urbaines, de reconversions, réhabilitations et réaffectations du patrimoine construit ou planifié par les militaires.
Casernes, corderies, hôpitaux, magasins, poudrières, portes, glacis, forts et citadelles, sont ainsi pleinement considérés lors des programmes de régénération urbaine : campus universitaire (Amiens, Nîmes, Nancy, Bayonne…), logements (Arras, Versailles, Limoges…), espaces verts (Montpellier, Paris, Perpignan, Strasbourg…).
Ainsi en adoptant une approche située en suivant au plus près les lignes dessinées par les infrastructures militaires, il est possible de recentrer l’étude sur les différents espaces à l’origine périphériques qui deviennent, au fil des mutations urbaines, des lieux propices aux réappropriations et aux hybridations en amont des transformations de la ville industrielle.
Si l’espace militaire se conforme rapidement à des usages civils, la mémoire de ses ouvrages l’habite toujours, déterminant parfois même la forme des nouveaux aménagements sur lesquels ils s’adossent.
L’arrivée d’un nouveau propriétaire sur le site situé au 245 avenue des Meuniers, sur la route qui mène au Revest, va peut-être permettre d’apporter une réponse à une énigme historique.
La dernière fois que des coups de feu ont été échangés à la poudrière des Moulins, c’était en août 1944.
Des combats avaient fait rage autour du "verrou" de Toulon, dans la vallée du Las.
Bilan officiel: 250 morts côté allemand, ainsi que 23 chez les libérateurs. Et un mystère en sus.
Le Club de tir police varois (CTPV) vient en effet d’acquérir l’endroit, jadis appelé "Établissement de Saint-Pierre", pour la modique somme d’un demi-million d’euros.
"On était installé depuis trente ans à Lagoubran (1), sur un terrain militaire qui a longtemps abrité une usine de torpilles", explique Gilbert Tort, l’ex-commandant de police qui préside désormais aux destinées de cette structure prisée des forces de l’ordre.
La raison invoquée par la Défense - le besoin de récupérer de l’espace en vue du chantier préparatoire à l’accueil du futur porte-avions sur la base navale de Toulon - ne souffrait guère la contestation.
L’entrée de l’ex-établissement Saint-Pierre, dans le quartier des Moulins, va devenir celle du Club de tir police varois dès l’an prochain.
Avec ses trois longs tunnels bétonnés, son terrain vaste (mais inconstructible), sa capacité d’accueil et son accès sécurisé, la poudrière des Moulins cochait pas mal de cases.
Si tout se passe bien, après quelques travaux d’aménagement, les fines gâchettes du coin devraient pouvoir dégainer leurs armes au pied du Faron dès l’an prochain.
"On connaît l’histoire de la poudrière, insiste Gilbert Tort.
Imaginons que le terrain puisse enfin être dépollué, poursuit Gilbert Tort.
Imaginons aussi qu’on retrouve du matériel militaire.
On pourrait alors transformer cette poudrière en un lieu de mémoire avec l’installation d’un petit musée, pourquoi pas, en partenariat avec le ministère des Anciens combattants.
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