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Une étude des fêtes dans l’espace dans lequel elles sont produites est propre à permettre le repérage des changements économiques, politiques, sociaux et culturels ayant affecté les sociétés rurales et urbaines depuis quelques dizaines d’années.

Le choix de l’aire d’étude - Givors et les villages situés le long du Rhône au sud de Lyon - se justifie non seulement par les recherches sur le changement social qui y ont été entreprises, mais par l’intérêt particulier que nous ont paru présenter les joutes et les fêtes nautiques dont Givors, fut un haut-lieu.

La documentation et les observations utilisées sont encore restreintes : cependant on a pu bénéficier de travaux déjà effectués. S’appuyer sur des archives municipales anciennes et récentes constitue une voie d’approche intéressante lorsqu’on se propose d’examiner les transformations de la fête en fonction de celles de la ville et d’une politique culturelle nationale et locale.

A Givors, la disparition de la « vogue » (la fête patronale) apparaît à beaucoup de responsables d’associations et d’habitants comme l’un des faits qui marquent les transformations de la vie sociale depuis deux décennies. L’importance que revêt ici cette disparition est accrue en raison du lien qui existait entre la vogue et les joutes.

Si ces jeux traditionnels étaient autrefois partie intégrante de toutes les fêtes, ils atteignaient leur point culminant lors de la fête patronale. Aujourd’hui, à ces jeux liés aux fêtes, les jeunes préfèrent d’autres activités ou spectacles sportifs.

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Givors voit se constituer, d’abord vers 1963, puis vers 1974, des groupes aux noms significatifs (Ganafoul, Factory, Killdozer...). Jouant pour eux, et parfois dans les bals, tous ne connaissent pas le succès et le grand public auxquels accéda Factory en 1976 : grâce au soutien du service culturel de la municipalité, ce groupe donne devant 5 000 personnes un concert organisé dans le cadre de la fête locale du Parti communiste.

Spectacles (musicaux, gymniques, etc), des « Palais des Sports » substitués à l’irruption bruyante du désordre festif dans l’espace et le temps sociaux? La réalité est évidemment plus complexe que cela. Mais pour commencer à analyser cette complexité, Givors apparaît comme un assez bon exemple.

La Fête: Cérémonie ou Transgression

Un livre entier serait à peine suffisant pour ne serait-ce que recenser et résumer ce qui a été écrit sur la fête par les sociologues et les etnologues, sans parler des philosophes et des historiens. Des ouvrages récents discutent les anciennes thèses (en particulier celles de Durkheim et de Caillois) et proposent, à partir d’exemples divers, de nouvelles théories.

S’agissant de la fête, on serait d’ailleurs enclin à adopter une méthode phénoménologique et en tous cas à éviter ce regard radiographique dont parlait M. Proust, regrettant de ne pas avoir la faculté de s’arrêter aux qualités apparentes des êtres. S’agissant de la fête enfin, on ne doit pas rejeter comme un voile trompeur le discours tenu sur elle : « ce légendaire est en effet inséparable de la réalité qu’il enveloppe ; il s’incorpore aux autres éléments de la fête ; celle-ci lui doit son sens, sa vie même ».

Parlant des fêtes d’autrefois, n’importe quelle personne interrogée énumère un certain nombres d’éléments : défilés, costumes, cérémonies, jeux, musique, divertissements, charivaris... Pourtant les tentatives actuelles pour faire revivre les fêtes passées, lorsqu’elles échouent, montrent en quelque sorte expérimentalement qu’il ne suffit pas de l’addition de ces différents ingrédients pour que naisse une fête « réussie » ou une « vraie » fête.

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Ce serait plutôt de leur intégration à la fête que le jeu, le défilé, etc, tiendraient des caractères qu’ils perdent lorsqu’on les en dissocie. Sans considérer des différences d’époques historiques ou des changements sociaux, on pourrait montrer de même qu’un jeu, par exemple les joutes, a un caractère différent selon qu’il est pratiqué dans la fête patronale ou donné en spectacle aux visiteurs de marque dans le cadre des festivités organisées par le pouvoir politique. Il faut donc à la fois distinguer fête, jeu, divertissement, cérémonie..., et montrer les rapports qu’ils entretiennent.

Partons d’une description idéal-typique des fêtes qui subsistent aujourd’hui en France : « Défiler, marcher ensemble, costumés, un jour, deux jours, plus longtemps parfois, par les mes et les places, accompagnant en cortège l’irruption d’un personnage tutélaire, dont c’est, fugitivement, le temps de gloire, que l’on porte, que l’on hisse, que l'on pousse ou traîne, et dont s’affirme par ce parcours même l'insolite domination sur l’espace social un moment conquis. Faire grand bruit, briser le silence quotidien, l’abolir, à force de salves, de pétarades, de chants et de cris. Envahir, proclamer le droit des victorieux, quelques temps placés au dessus des lois, des règles de conduite coutumière et devant qui tous les interdits brièvement fléchissent. Organiser parfois, à telle étape du cheminement, le simulacre d’un combat, mimer la bataille qui vient précisément d’être gagnée par les blancs sur les noirs, les vaillants sur les timides, les jeunes sur les anciens, par l’ordre imaginaire sur l’ordre imposé. Telle est la fête ».

Interruption du temps de la vie ordinaire, envahissement de l’espace, abolition des règles : la fête, quelles qu’en soient les dimensions, est d’abord transgression. Son déploiement fait irruption dans l’espace, qu’elle occupe tout entier, emplissant par la musique et le cri ce qu’elle ne peut atteindre par le geste.

C’est pourquoi, comme le dit si bien M. Bahktine parlant, au début de son Rabelais, du Carnaval, tout le monde participe - doit participer - à la fête : par opposition au spectacle, circonscrit dans le volume qui lui est assigné, où une frontière matérielle sépare les acteurs des spectateurs réduits à regarder, la fête est celle de tous les membres du groupe, et son espace en est transfiguré.

Elle est aussi (selon le même auteur), non pas un phénomène social particulier, mais la vie sociale elle-même en un de ses moments, celui où elle transgresse son ordre présent, pour se renouveller ; ce serait le moment où la socialisation est en quelque sorte portée à son point d’incandescence.

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On ne saurait confondre la fête, et sa signification sociale, avec le divertissement, et ses fonctions psychologiques. On ne peut voir non plus en celle-ci l'irruption dans l’ordre social d’on ne sait quel non-social ou anti-social, d’une spontanéité naturelle (bien que le désordre festif soit connoté comme nature ou sauvagerie par certains gestes, ou grâce aux parures). Il est difficile de parler d’un certain degré d’excès ou de désordre tolérés, ou encore de transgression malgré tout normalisée.

L’interruption du cours du temps et la destruction de l’ordre sont indissolublement évocation d’un autre temps, d’un avant plus ou moins mythique, affirmation de valeurs perdues ou mal réalisées dans l’ordre présent. Violation et renouvellement, non pas interruption momentanée ayant pour fonction de mieux assurer l’ordre établi : tel serait le paradoxe de la fête. Elle se situerait entre deux limites opposées et vivrait de cette tension même : d’une part la cérémonie, d’autre part la révolte.

Dans la mesure où elle est transgression, la fête est du domaine du sacré et par là se distingue du jeu. Certes, jouer - par définition- selon des règles, c’est en même temps jouer avec les règles, à tout le moins éprouver la possibilité d’une action obéissant uniquement aux règles que l’on s’est données ou que l’on a acceptées. Le jeu suspend les lois ordinaires. Dans le cas-limite du jeu sans règles, il est remise en question incessante des principes selon lesquels on agit. Comme on le voit dans les jeux que Caillois appelait « de vertige », il peut aller jusqu’à défier les lois naturelles. Mais il ne va pas au-delà, et c’est sans doute pourquoi il reste circonscrit dans les limites d’un espace qu’il construit.

Par contre, il n’y a pas de fête sans jeux, et ces derniers y prennent, lorsqu’ils en participent, un caractère qu’ils n’ont pas à l’ordinaire. Inversement, comme l’a bien montré P. Bourdieu, les jeux détachés des fêtes populaires des sociétés précapitalistes perdent les fonctions sociales et religieuses qu’ils y remplissaient : en particulier, les jeux convertis par l’école en exercices corporels, activités ayant en elles-mêmes leur fin, donnent naissance au sport dans l’Angleterre du XIXe siècle.

De même, s’il n’y a pas de fête sans « divertissements », n’importe quel divertissement ne peut prétendre au nom de fête : il ne prend ce caractère que s’il est intégré à une célébration, s’il prend place dans un moment particulier de la vie d’un groupe et vise à l’exhalter. Inversement, celui qui profite de la fête pour son propre plaisir, ceux qui cherchent à détourner la fête à leur profit en pervertissent le sens : mal considérés, ou même exclus, ce sont des « trouble-fête ».

L’ordre imaginaire qu’exhalte la fête jusque dans son désordre est toujours celui d’un groupe, et, alors que le divertissement est privé, toute fête est publique. Tout le monde doit participer à la fête, tout le monde a droit à la fête : ce « tous » exclut l’étranger, celui qui fait partie d’un autre groupe. Les attaques de groupes venus d’ailleurs lors des fêtes, en particulier aujourd’hui à l’occasion des bals, - dont la fonction est d’unir les garçons et les filles du groupe, - ne font que manifester cette exclusion.

Par contre, dans le village, la ville, la fête est - comme l’a tant souligné Rousseau - communautaire. Non seulement elle rapproche ceux que l’espace, les rapports sociaux mettent ordinairement à distance, mais elle nie violemment les différences, les abolit en les effaçant, en les brouillant, en les inversant : les fous ou les enfants sont rois, les hommes et les femmes, les riches et les pauvres ne se distinguent plus.

Lorsqu’à l’intérieur d’une collectivité, les tensions sont trop fortes pour que la fête réalise, même un instant, la communauté, chacun des groupes opposés a, parfois de manière tout à fait parallèle, sa fête : M. Vovelle a montré comment en Provence, à la fin du XVIIIe siècle, éclatent des conflits - « affrontement de classes » - entre la fête des notables, où l’on danse aux violons, et la fête du petit peuple, où l’on danse au son du « galoubet ».

Recréant quelques heures ou quelques jours le temps d’avant le temps qui fuit et détruit, un espace illuminé d’où le mal, le malheur et la division ont disparu, la fête affirme la possibilité d’un monde autre.

Il n’y a donc sans doute pas, entre la fête et la révolution, l’antinomie que l’on a parfois affirmée, lorsque, selon la tradition durkheimienne, on donne à la fête une fonction conservatrice. Pour l’Ancien Régime, des historiens ont décrit « les mariages de la fête et de la révolte » : fêtes se transformant en affrontements sanglants - le Carnaval de Romans est aujourd’hui l’exemple le plus célèbre -, mais aussi émeutes anti-fiscales reprenant les scénarios et les emblèmes festifs. Pour la fin du XIXe et le début du XXe siècles, certaines études ont commencé à mettre en évidence les rapports qui se sont établis entre les grandes grèves et les fêtes populaires : en 1831, les ouvriers des campagnes apportent leurs métiers à tisser en cortèges funèbres à Sedan, comme ils conduisent « Carnaval » à son « supplice » ; lors de la grande grève de 1907, à Revin, les cortèges de grévistes, les «conduites de Grenoble » faites aux « jaunes » sont plus proches des cortèges de Carnaval et des charivaris que des défilés syndicaux qui leur succèderont.

Comme le souligne J. Duvignaud, parce qu’elle fait éclater les rapports humains établis, la fête est exploration et « toute espèce de pari peut être effectué sur la vie à venir ».

La négation de l’ordre établi, voire l’exploration - sur le mode ludique - de configurations sociales, de relations sociales, de formes de sociabilité possibles, expliquent peut-être le rôle spécifique dévolu à « la jeunesse » dans les fêtes traditionnelles. Les jeunes, constituant la nouvelle génération, sont pour ainsi dire tout désignés p...

Tableau Récapitulatif des Éléments de la Fête

ÉlémentDescription
DéfilésMarches costumées à travers la ville
CostumesHabits spéciaux portés lors des festivités
CérémoniesRituels et célébrations officielles
JeuxActivités ludiques et compétitions
MusiqueBruits et chants festifs
DivertissementsSpectacles et amusements variés
CharivarisManifestations bruyantes et désordonnées

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