Dès le début du XIXe siècle, la ville de Lyon présente un grand intérêt stratégique pour les ennemis de la France. Il est donc convenu d’édifier des défenses adaptées à l’artillerie, qui se développe considérablement depuis les guerres napoléoniennes.
Dès 1831, Rohault de Fleury dirige la construction de plusieurs ouvrages, enceintes urbaines et forts détachés, sur les instructions du Général Haxo. Nommé colonel, Séré de Rivières arrive à Lyon en 1868 comme directeur des Fortifications après avoir dirigé le projet de construction de forts sur la région de Metz. Il remanie les fortifications de Rohault de Fleury, jugées inadaptées aux progrès techniques de l’artillerie, et lance les projets de nouveaux ouvrages.
Lorsque Séré de Rivières devient Directeur du service du Génie au ministère de la guerre en 1874, le camp retranché de Lyon fait évidemment partie des places fortes importantes. De nouveaux grands forts sont construits, tels Vancia, Bron, Le Paillet, etc.
Au nord de Lyon, entre Rhône et Saône, s’étale un plateau dont le bord sud domine le centre de Lyon jusqu’au confluent. Ce plateau est une voie privilégiée d’invasion, qui a déjà été utilisée en 1793 lors du siège de la ville de Lyon. La construction de deux forts est entreprise, Caluire sur la partie Ouest, Montessuy sur la partie Est, complétée par la redoute de Bel-air pour la surveillance des rives du Rhône. En 1866, un projet d’enceinte continue voit le jour pour barrer le plateau, afin de remplacer l’ancien rempart devenu le boulevard de la Croix-Rousse.
Le projet est réalisé sous la direction de Séré de Rivières en 1868, qui vient d’être nommé directeur des fortifications de Lyon. Il se compose d’un alignement de casemates reliées entre elles par une circulation arrière, percées de créneaux de tirs, l’ouvrage prenant la forme d’un V très ouvert. À la jonction des deux branches de ce V, plusieurs casemates (bastionnet de flanquement) permettent le tir en enfilade dans le large fossé qui est creusé en avant.
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La galerie vers Montessuy a été murée à environ 115 m, lors de la réalisation de HLM. La galerie vers Caluire est murée à environ 70 m à l’occasion de lotissement de pavillons. Dans les années 1930, l’urbanisation nécessite l’aménagement de la zone et la construction de nombreux immeubles. Le fossé est totalement comblé, le mur d’enceinte est recouvert de terre.
Dans les années 60/70, le site est occupé par une champignonnière qui trouve là un milieu propice à cette culture. Une voie ferrée de 50 cm a été installée à cette époque avec une plaque tournante en partie centrale.
Le mont La Roche (parfois orthographié Laroche) est un sommet du massif des monts d'Or qui se situe au Nord-Ouest de la métropole lyonnaise. Culminant à 530 mètres d'altitude, il est entouré par d'autres sommets, tels le Mont Thou, le Mont Cindre, le Mont Verdun, le Mont Narcel...
Lorsque débute la guerre franco-prussienne de 1870, Lyon, de par sa position géographique et ses industries, est un objectif possible pour les armées ennemies. Séré de Rivières, qui est en train de remanier la place forte, décide d'ériger des batteries provisoires pour occuper les sommets, surveiller et résister à un éventuel assaillant.
Concernant l'ouvrage du mont La Roche, un comité de défense est créé, composé de civils, essentiellement des paysans locaux. Il s'agit évidemment d'un retranchement rudimentaire, ceinturé à la gorge de palissades de bois percées de créneaux à fusil, l'entrée barrée de chevaux de frise. Les parties Nord et Est sont défendues par un fossé creusé à même la roche. À l'Ouest, la pente très escarpée offre une bonne protection.
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La seule construction probable consisterait en un baraquement placé au centre de l'ouvrage, près d'une citerne cimentée qui constitue une réserve d'eau. Une pièce d'artillerie de petit calibre est placée en haut d'une plate-forme située à l'extrémité Nord.
Le site n’a sans doute jamais été utilisé, l’ennemi ne s’étant jamais aventuré dans le secteur (si on se limite à la guerre de 1870). Ce site préservé constitue un rare vestige de la « fortification de campagne » de 1870. Aujourd’hui, le site se trouve sur un circuit pédestre de découverte botanique.
La batterie des Carrières a été construite entre 1874 et 1877 pour la somme de 154 000 francs or. Construite à 555 m d’altitude, elle est une des 5 batteries annexes au fort du Mont-Verdun situé au-dessus. La batterie des Carrières pouvait battre de ses feux l’intervalle entre le fort du Mont-Verdun et le fort du Paillet, qui se situe à 3,2 km.
La batterie est composée de trois plates-formes séparées par des traverses-abris. L’ensemble des pièces est orienté vers l’Ouest. L’entrée, dominée par le fort du Mont-Verdun, donne directement dans la cour. Le casernement dispose de trois chambrées reliées par un unique couloir dans l’enfilade de l’entrée du casernement. Dans la première salle, l’officier disposait de sa pièce séparée du reste de la chambrée par une cloison. Le casernement est aussi entouré par une galerie enveloppe pour éviter l’humidité.
Une particularité de la batterie, comme l'ensemble des ouvrages des Monts d'Or, est de disposer de niches à munitions extérieures, qui à cette époque ne concernaient généralement que les batteries de côtes. La batterie sera déclassée en 1900, contrairement au fort du Mont-Verdun qui est toujours militaire et occupé.
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La commune de Limonest rachète l’ouvrage en 1983 et confie la restauration à l’association « Limonest Patrimoine », qui depuis a à cœur de restaurer le site dans son état le plus proche de l’origine. Simples curieux, randonneurs, touristes ou amateurs de fortifications, vous recevez ici le meilleur accueil.
Le fort du Paillet a été construit entre 1884 et 1886 sur un mamelon à 394 m d’altitude. Le fort du Paillet croise ses feux avec la batterie des Carrières et le fort du Mont-Verdun au Nord-Est, le fort du Bruissin au Sud. Le fort de Chapoly sera construit à 1891 pour combler l’intervalle entre les deux.
L’entrée du fort s’ouvre sur un vaste fossé de gorge dominé par la façade à trois niveaux du casernement, sobre et imposante. De part et d’autre de la galerie capitale, 3 travées au niveau de l’entrée, 7 au niveau supérieur et inférieur. La « crise de l’obus torpille » éclate alors que le fort est en pleine construction, il est obsolète avant même d’être fini !
Pour palier à cela, plusieurs chambrées seront renforcées en béton sur la partie gauche du casernement. Le cavalier d’artillerie en avant de la caserne comporte 8 plates-formes de tirs pouvant accueillir deux pièces d'artillerie. En avant de ce cavalier est disposé une banquette ou crête d’infanterie pour des tirs au fusil, ce qui n’est pas courant.
Comme les autres ouvrages de la place de Lyon, il n'y aura pas de modernisation du fort après 1885. Le fort servira de déport et de cantonnement au cours de la Première Guerre mondiale, et sera occupé par l’armée allemande au cours de la Seconde. Il servira notamment de camp d'internement pour des communistes, juifs, et nomades retenus par l'occupant.
Le fort aura la « chance » d’avoir toujours un gardien logé sur place depuis la vente par l’armée à la commune en 1982. Le fort est dans un état exceptionnel et s’il était couvert de végétation il y a quelques années, il est aujourd’hui déboisé et entretenu.
La signature de l’armistice, le 22 juin 1940, et la mise en place du régime de Vichy en juillet 1940 accentuent la répression entamée dès la déclaration de guerre. Située en zone sud, la prison de Montluc conserve son statut militaire et devient progressivement un outil au service du régime de Vichy et de nouvelles juridictions d’exception. Aux communistes déjà enfermés dès 1939, s’ajoutent alors différents types de détenus, comme les premiers résistants arrêtés dans la région.
Dès 1940, jusqu’à 360 personnes sont enfermées à Montluc pour une capacité théorique de 127 détenus. Les conditions de vie des prisonniers se durcissent mais restent, selon les archives et les témoignages des détenus de cette période, relativement acceptables, notamment au regard de la situation dans les prisons civiles. Les détenus bénéficient entre autres d’un droit de promenade, de trois repas par jour, de douches et de colis qui améliorent leur quotidien. Parmi les personnes incarcérées à cette période, on retrouve notamment le militant nationaliste tunisien Habib Bourguiba ainsi que le général Jean de Lattre de Tassigny.
Condamné par le tribunal d’État de Lyon le 9 janvier 1943 pour avoir refusé l’ordre de ne pas s’opposer à l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes, il est détenu à Montluc avant son jugement, incarcéré ensuite quelques temps à Saint-Joseph (Lyon), avant son transfert à la prison de Riom (Puy-de-Dôme) d'où il s'évade en septembre 1943. Moins célèbre, Frank Séquestra est également détenu à Montluc après avoir été condamné à 6 mois d'emprisonnement pour avoir mené des activités pro-gaullistes dans la région de Mâcon. Il réalise de nombreux dessins durant sa détention entre juillet 1941 et janvier 1942. Témoignages précieux, ils nous éclairent sur les conditions de vie des détenus à cette période.
En dépit de son statut militaire, la prison est en lien étroit avec la Gestapo et Klaus Barbie, chef de la section IV de la Sipo-SD de Lyon. Résistants et opposants politiques côtoient désormais Juifs, otages, réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) et quelques prisonniers de droit commun arrêtés dans la région Rhône-Alpes. Montluc est alors un véritable lieu de transit et la porte d’entrée vers l’univers concentrationnaire nazi. C’est notamment à Montluc que sont détenus Jean Moulin et ceux arrêtés avec lui le 21 juin 1943 à Caluire dans la maison du docteur Dugoujon.
Au total, entre le 17 février 1943 et le 24 août 1944, date de la libération de la prison, ce sont près de 10 000 personnes qui sont internées à Montluc. La majorité d’entre elles sont déportées et d’autres sont fusillées ou exécutées dans la région lyonnaise. En effet, l’intensification de la répression à partir du début de l’année 1944 coïncide non seulement avec une augmentation du nombre de convois de déportation mais également avec une généralisation progressive des exécutions sommaires.
La pression de plus en plus forte exercée par la Résistance puis par les forces alliées, suite aux débarquements de Normandie en juin 1944 et de Provence en août 1944, entraîne l'occupant dans un processus de liquidation massif des détenus de Montluc. Dès la fin du mois d’avril, des camions emmènent des détenus afin de procéder à leur exécution dans différents lieux de la région lyonnaise. Ce sont au moins 635 internés de la prison de Montluc qui sont ainsi massacrés entre les mois d'avril et d'août 1944. À eux seuls, les deux derniers massacres de Bron, les 17, 18 et 21 août et de Saint-Genis-Laval le 20 août 1944 comptabilisent plus d’un tiers des personnes exécutées avec au moins 229 victimes, quelques jours seulement avant la libération de Montluc.
L’invasion de la zone sud, le 11 novembre 1942, suite au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord change profondément la situation à Lyon. Elle entraîne non seulement l’arrivée de la Wehrmacht et des forces de police nazies mais rend également caduque une partie de la convention d’armistice de juin 1940 et conduit au démantèlement de l’armée française. Après une première réquisition partielle de la prison en janvier 1943, l’armée allemande réquisitionne totalement le site le 17 février 1943.
Les détenus enfermés par Vichy, peu avant la réquisition totale, avaient été transférés au fort de Vancia (situé à l’époque dans l’Ain), à la prison civile de Saint-Paul à Lyon ou celle de Nontron (Dordogne). La prison de Montluc devient alors pour Lyon et une large région Rhône-Alpes, l’un des centres de la répression allemande.
Parallèlement à ces arrestations, la population carcérale de Montluc augmente rapidement et culmine à l'été 1944. Au plus fort, ce sont près de 1 300 personnes qui sont internées à Montluc qui perd alors son statut de prison pour devenir un lieu d'internement, de transit et un réservoir d'otages. Au-delà des cellules, tous les espaces de la prison sont progressivement transformés en lieu d’enfermement : les douches, les toilettes, le réfectoire, les caves et les ateliers. Les cellules de 4 m² peuvent accueillir jusqu’à huit détenus avec pour seul mobilier, une tinette et une paillasse. On utilise également une baraque en bois implantée dans une des cours. Le fait qu’un grand nombre d'hommes juifs de plus de quinze ans y soit enfermé, aux côtés de résistants, est à l’origine de son appellation “baraque aux Juifs”.
Les repas deviennent de plus en plus rares et les colis encore autorisés en 1943, sont progressivement supprimés. La toilette n’existe plus et les insectes prolifèrent dans la prison. Les interrogatoires et la torture qui se déroulent au siège de la Gestapo se généralisent. Montluc constitue alors une première étape dans le processus de déshumanisation voulu par les nazis. Des familles juives entières sont amenées à Montluc, même si nombre d’enfants sont séparés des parents pour être enfermés notamment à l’hôpital de l’Antiquaille. Tous sont en attente d’un transfert vers Drancy puis d’une déportation dans les centres de mise à mort situés en Pologne.
La Résistance, la Croix-Rouge et les autorités religieuses, tentant d'empêcher de nouvelles exactions, font alors pression sur les autorités allemandes et opèrent la libération de la prison le 24 août 1944. Les quelque 900 internés, encore à Montluc, trouvent alors refuge principalement dans des structures religieuses situées à proximité et restent cachés jusqu’à la libération de la ville de Lyon, le 3 septembre 1944.
Quelques jours après la Libération, Montluc se retrouve au centre du dispositif judiciaire mis en place dans la région lyonnaise par le commissaire régional de la République. La fin de la guerre entraîne également une réforme des établissements pénitentiaires civils et militaires. Ainsi, un décret du 25 octobre 1947 supprime définitivement les prisons militaires en métropole. Les bâtiments et une partie du personnel sont alors mis à disposition de la justice civile et Montluc relève désormais du ministère de la Justice. Cependant, la prison demeure toujours liée au tribunal militaire.
À partir de 1955, le quartier des condamnés à mort jugés par la justice civile, est transféré à la prison de Montluc. Suite aux attentats de septembre 1958, le Tribunal Permanent des Forces Armées de Lyon (TPFA) prend le relais du tribunal correctionnel jusqu’alors compétent pour les affaires liées à la guerre d’Algérie. La répression conduit à de très nombreuses arrestations et les prisons lyonnaises se remplissent rapidement.
Montluc sert alors de lieu de détention aux condamnés à mort et aux femmes auteurs d’infractions liées aux mouvements indépendantistes. Le TPFA de Lyon prononce 112 condamnations à mort dont treize sont suivies d’une exécution sur un total de 24 en France métropolitaine. Toujours liée au Tribunal Permanent des Forces Armées de Lyon jusqu’en 1982, date de la dissolution des tribunaux militaires, la prison de Montluc occupe une place à part dans le parc pénitentiaire régional.
Malgré des cellules de 4m², vétustes et ne disposant pas de sanitaires, Montluc reste une prison à échelle humaine. La diversité des détenus, plutôt jeunes, objecteurs de conscience, témoins de Jéhovah et délinquants vulnérables qu'il est nécessaire d'écarter des grands établissements font de Montluc une prison réputée tranquille. En février 1983, Klaus Barbie est symboliquement incarcéré une semaine à la prison de Montluc, sur le lieu de ses crimes, à la demande du ministre de la Justice Robert Badinter. Il est ensuite transféré à la prison Saint-Joseph jusqu’à son procès en 1987 puis son décès en 1991. Il est ainsi le dernier détenu lié à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale enfermé à Montluc.
L’aile de détention des hommes ferme officiellement ses portes en 1997. Des travaux de rénovation dans l’aile des femmes réalisés au milieu des années 1980 permettent de poursuivre son utilisation en tant que maison d’arrêt jusqu’en 2009, date de sa fermeture définitive. Suite à sa fermeture en 2009 et aux menaces de démolition qui pèsent sur les bâtiments, plusieurs associations telles que l’Association des Rescapés de Montluc et l’Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France font pression pour sauvegarder la prison : soutenues par les pouvoirs publics, celle-ci est inscrite aux Monuments historiques le 25 juin 2009.
Date | Événement |
---|---|
Juin 1940 | Mise en place du régime de Vichy, accentuation de la répression. |
Février 1943 | Réquisition totale de la prison par l'armée allemande. |
1943-1944 | Internement de près de 10 000 personnes. |
Août 1944 | Libération de la prison. |
Octobre 1947 | Suppression définitive des prisons militaires. |
Février 1983 | Incarcération symbolique de Klaus Barbie à Montluc. |
2009 | Fermeture définitive de la prison et inscription aux Monuments historiques. |
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