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L'histoire des Tir est celle d'une famille aux racines profondes dans les quartiers Nord de Marseille, marquée par une trajectoire complexe où se mêlent intégration réussie et dérive délinquante. La saga familiale plonge ses racines dans les âpres montagnes des Aurès, dans l'est de l'Algérie. Son héros s'appelle Mahboubi - "bien aimé", en arabe.

Né en 1915 à Bouderhem, près de la ville de Khenchela, il est le fils d'un notable local, le "cadi", à la fois juge de paix et notaire. Sur ces terres fières et rudes, on voue un culte passionné à la vaillante Kahina, reine berbère qui a bataillé contre les envahisseurs arabes au VIIe siècle.

A la fin des années 1950, Mahboubi et sa troisième épouse, Fatima, s'installent au cœur du bidonville de Saint-Barthélemy, à Marseille. Dans leur sillage arrivent les frères, les cousins et leur ribambelle de rejetons. "Monsieur Tir", comme tout le monde l'appelle, ouvre son premier commerce d'alimentation. Au gré de la construction des HLM de la "ZUP Centre", les Tir, leur échoppe et leurs 14 enfants déménagent plusieurs fois sans jamais quitter le XIVe arrondissement.

Ici, Monsieur Tir, cheveux blancs et regard bleu perçant, est aimé et respecté. "Il faisait crédit à tout le monde, se souvient un vieil habitant. C'est souvent grâce à lui qu'on mangeait..." Dans sa boutique du Carré de la Busserine et autour des tables posées sur le trottoir, on discute, on joue aux cartes ou aux dominos, on vient chercher conseil. Quand Mahboubi décède, en 1997, deux milliers de personnes affluent pour présenter leurs condoléances aux Tir. Sept ans plus tard, une portion du boulevard Jourdan, à deux pas de l'épicerie familiale, sera rebaptisée rue Mahboubi-Tir.

A la mort du patriarche, un autre homme de la famille s'est déjà fait un prénom et une réputation: son neveu Saïd, bientôt surnommé le "parrain des quartiers Nord". Ce Tir-là ne fait pas dans l'épicerie ni dans la médiation sociale. Sa spécialité à lui, c'est plutôt le banditisme.

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Natif comme son oncle de Bouderhem, Saïd a 9 ans lorsqu'il rejoint son père à Marseille. Il s'essaie à la comptabilité puis à la soudure, avant de se lancer dans le business plus lucratif des machines à sous et du trafic de stupéfiants, au côté du caïd Farid Berrahma, dit "le Rôtisseur" pour sa fâcheuse propension à faire flamber ses victimes dans leurs voitures.

Saïd est "intelligent, carré, discret, toujours bien habillé et rasé de près sous son béret, mais aussi d'un cynisme et d'un détachement absolus", se souvient l'un de ses anciens avocats. Au début des années 2000, il se met au vert à Paris. "Pour fuir des menaces de mort et aussi, sûrement, pour y développer ses affaires", estime un ancien de la brigade criminelle de Marseille. Au juge d'instruction qui l'interroge en 2008 sur ses fréquents allers-retours dans la capitale, Saïd répond benoîtement qu'il rend visite à son dentiste parisien. Le 12 juin 2014, Karim Tir est exécuté à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Saïd ne sera jamais jugé: il est assassiné un mois avant l'ouverture du procès. Son beau-frère Akim Grabsi, soupçonné d'avoir été son homme de main, subira le même sort quelques semaines plus tard.

Les Tir n'aiment guère qu'on leur parle de Saïd. "Tous les enfants de Mahboubi ont, eux, suivi le droit chemin, plaide un proche. Tous ont un métier, tous sont parfaitement intégrés. Chaima s'investit dans l'action sociale. Le petit dernier, Belkacem, est même danseur et comédien." L'immense majorité des quelque 300 membres du vaste clan Tir est, en effet, totalement inconnue des services de police. Certains, comme la pugnace Rachida, petite-fille de Mahboubi et présidente de l'association Alliance savinoise, se battent pour offrir aux minots des cités un avenir meilleur.

"Ce n'est pas une famille de voyous, mais il y a des voyous dans la famille", résume un excellent connaisseur des quartiers Nord. Saïd, pourtant, n'est pas le seul Tir à être passé du côté obscur de la loi. Deux de ses petits-fils, Farid (qui porte le même prénom que son oncle tué en 2012) et son frère Eddy, l'ont suivi. Des poètes, ces frangins.

Eddy, alias Barabas, 25 ans, 32 condamnations au compteur, comparaîtra devant les assises en novembre. Pour laver son honneur bafoué par un jeune de 17 ans, il l'aurait puni d'une rafale de kalachnikov en décembre 2011. Farid, 27 ans, arrêté avec 450 kilos de résine de cannabis à la frontière espagnole, purge une peine de sept ans de prison. Lui, même son grand-père Saïd redoutait sa violence, paraît-il.

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La guerre des clans et les règlements de comptes

La famille Tir a été frappée par une série de règlements de comptes sanglants, alimentés par des rivalités liées au trafic de drogue. Plusieurs membres de la famille ont été assassinés ou ont échappé de peu à la mort. On peut citer :

  • Saïd Tir, 60 ans, abattu en avril 2011.
  • Akim Grabsi, 42 ans, beau-frère de Saïd, tué en juin 2011.
  • Farid Tir, 39 ans, assassiné en avril 2012.
  • Karim Tir, 30 ans, tué en juin 2014 à Asnières.
  • Farid Tir, 29 ans, abattu dans un hôtel marseillais.

D'autres membres du clan ont réchappé à des tentatives d'assassinat, comme Eddy Tir, visé par des coups de fusil d'assaut en septembre 2011, ou Hichem Tir, qui a survécu à une série de tirs en mars 2014.

Ces événements tragiques s'inscrivent dans un contexte de rivalité entre le clan Tir et d'autres familles, notamment les Remadnia, pour le contrôle du trafic de drogue dans les quartiers Nord de Marseille. Les policiers estiment que cette lutte sanglante serait à l'origine de nombreux règlements de comptes et tentatives d'assassinat.

Les policiers savent qu'ils n'ont pas ramené dans leurs filets le vrai patron du réseau. "D'après nos renseignements, Farid, le frère aîné de Karim et d'Hichem, était le boss de Font-Vert, sous les ordres de Saïd, explique l'un d'eux. Mais nous n'avons pas réussi à le prouver." Moins d'un an après les assassinats de Saïd et de son beau-frère Akim, sept mois après la tentative dont Eddy a été victime, le discret Farid, officiellement commerçant dans le très chic quartier du Prado, tombe à son tour sous les balles d'un commando de tueurs.

Alors en prison, Hichem et Karim craignent pour leur vie. Ils sont les prochains sur la liste, assure la rumeur qui court les cités. A sa sortie, Karim met le cap sur la région parisienne. "Il voulait également changer d'existence, se reconvertir", jure l'une de ses proches. Les policiers parisiens n'y croient pas. Ils l'ont à l'oeil, convaincus qu'il est en quête d'investissements pour blanchir l'argent des stups.

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Karim Tir et l'ascension du rappeur Jul

Après sa sortie de prison, Karim Tir a tenté de se reconvertir en créant un label de musique, la Liga One Industry. Il a notamment découvert et managé le rappeur marseillais Jul, dont le premier album a connu un grand succès. Cependant, cette nouvelle vie n'a pas suffi à le protéger de la violence, et il a été assassiné en 2014.

Avec deux de ses frères, Karim crée un label de musique, la Liga One Industry. Une fois libéré de prison, Hichem se joint à l'aventure. La fratrie Tir a la main heureuse. Dans ma paranoïa, le premier album du rappeur marseillais Jul, sera sacré disque de platine - plus de 100000 exemplaires vendus. Oublié, le "caïd de Font-Vert": dans les journaux, Karim est désormais "le manager de Jul". Pas pour longtemps: deux hommes à scooter l'abattent au volant de sa voiture, le 12 juin 2014.

Tableau récapitulatif des assassinats et tentatives d'assassinat

Nom Date Lieu Statut
Saïd Tir 27 avril 2011 Marseille Décédé
Akim Grabsi Juin 2011 Marseille Décédé
Farid Tir 11 avril 2012 Marseille Décédé
Karim Tir 12 juin 2014 Asnières-sur-Seine Décédé
Yanis Tir 24-25 juin Marseille Décédé
Eddy Tir 24 septembre 2011 Marseille A survécu
Hichem Tir Mars 2014 Beauvais A survécu

Cette liste témoigne de la violence qui a frappé la famille Tir, et met en lumière les enjeux complexes liés au trafic de drogue et aux rivalités entre clans dans les quartiers Nord de Marseille.

Il est important de souligner que la majorité des membres du clan Tir ne sont pas impliqués dans le banditisme, et que certains se battent pour offrir aux jeunes des cités un avenir meilleur.

Les policiers savent qu'ils n'ont pas ramené dans leurs filets le vrai patron du réseau. "D'après nos renseignements, Farid, le frère aîné de Karim et d'Hichem, était le boss de Font-Vert, sous les ordres de Saïd, explique l'un d'eux. Mais nous n'avons pas réussi à le prouver." Moins d'un an après les assassinats de Saïd et de son beau-frère Akim, sept mois après la tentative dont Eddy a été victime, le discret Farid, officiellement commerçant dans le très chic quartier du Prado, tombe à son tour sous les balles d'un commando de tueurs.

Alors en prison, Hichem et Karim craignent pour leur vie. Ils sont les prochains sur la liste, assure la rumeur qui court les cités. A sa sortie, Karim met le cap sur la région parisienne. "Il voulait également changer d'existence, se reconvertir", jure l'une de ses proches. Les policiers parisiens n'y croient pas. Ils l'ont à l'oeil, convaincus qu'il est en quête d'investissements pour blanchir l'argent des stups.

tags: #Saïd #Tir #Wikipédia

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