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Il y avait toujours quelque mode évocatrice pour entraîner la féminité jusqu’à la suggestion. Et la suggestion jusqu’à la transgression. Qu’on ne compte pas sur moi pour régler la question. Lorsque les apparences me dépassaient, je ne pouvais plus revenir en avant. Je stagnais dans la contemplation.

Je me doutais bien que je regretterais tout cela un jour, mais je n’avais jamais su quoi attendre de la vie, de la leur ou de la mienne. Je ne serais peut-être jamais fixé sur rien. Cela m’horrifiait et m’amusait à la fois. Étrange impression que celle de faire semblant, sans réellement savoir si le revolver est chargé.

Chargé d’affects ou chargé à blanc ; et si l’on trichait toujours avec les sentiments ? Au diable les varices. S’il fallait disparaître, autant le faire telle une apparition, sans explication.

Il ne fallait plus que je pense à elles. Je n’aurais simplement qu’à les regarder, à les découvrir, à les apprécier… dans le pire des cas. À les déprécier, à les couvrir, à les garder si la chance venait à sourire. En attendant, elles restaient là, à persister sous mon nez.

Les narines, dit-on, sont les écluses du cerveau. Toutes ces visions et leurs effluves enflaient le fleuve de mes fantasmes. Je parvenais difficilement à retarder l’inondation. Chevilles cambrées, gainées de reflets satinés, plissés, discrets, secrets. Mes rêveries s’aventuraient un peu plus haut que leurs bas.

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Tailles serrées, oppressées pour mieux libérer hanches et poitrines. Formes soulignées par l’élégance tactile des tissus. Coiffures machinalement élaborées ou soigneusement négligées. Tous ces détails affluaient en correspondances. Les sens s’y perdaient.

J’avais la curieuse impression de me retrouver devant les vitrines de mon enfance. En ce temps là, je comptais mon âge sur mes deux mains sans vraiment garantir la date de départ, mais le marchand de bonbons me faisait toujours crédit. Aujourd’hui, les friandises prenaient une autre saveur. Dans ces lieux, mes contemplations me renvoyaient sans cesse à d’autres devantures, moins accessibles, sucrées et amères à la fois.

Depuis longtemps, je n’aimais plus ajouter les mois au nombre de mes années. Trop souvent, il ne m’avait manqué que trois fois rien pour vouloir tout. J’imaginais. En anglais, en projet, j’imaginais des excès et je me disais que je n’étais pas le seul.

Mais, comme les feux d’artifice, mes pensées finissaient toujours dans le silence. L’obscurité qui venait de les mettre en valeur les condamnait à l’embolie quelques secondes plus tard. Le passé n’est jamais simple. L’imparfait, même conjugué au subjonctif, reste imparfait.

La fin de l’après-midi en profita pour s’enfuir, avec ou sans o, lâchement et à grandes embardées. Brusquement, sans avoir pu remarquer pourquoi ni comment, j’avais troqué ma chaise de terrasse contre un fauteuil-cendrier. Dans mon salon, tout était calme. Trop calme. La nuit se levait et je ne m’étais toujours pas couché. L’ennui pesait sans suffire à m’anesthésier.

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Bing ! Ma tête contre celle du lit. À moins que ce ne soit le thé d’oreiller, celui que l’on ne devrait jamais boire avant de se coucher. Coup d’oeil à la fenêtre. Une rue, une femme ; un rut infâme. L’heure n’était pas vraiment triste, juste mélancolique. La pluie n’avait pas encore décidé de tomber.

Au matin, il n’y paraissait plus. J’arrivai au bureau presque en avance, mais les secrétaires étaient trop silencieuses pour être honnêtes. Je retrouvais mes collègues polis et leur ponctualité forcée. Le secteur commercial de l’importante filiale helvétique qui m’employait était en train de s’essouffler. Personne n’en pointait exactement les causes, mais les résultats, ou plutôt l’absence de résultats était là : baisse moyenne de 6,9 % du chiffre d’affaires annuel confirmée sur les trois derniers mois. Avant d’entamer cette assemblée générale extraordinaire, personne n’en menait large dans notre service.

La direction générale fit son entrée dans la salle de réunion. Silence, sévérité et costumes anglais. Un seul fauteuil grinça et tout le monde fit attention de ne plus faire de bruit autour de l’immense table ovale. Plusieurs serviettes s’ouvrirent, seules banderilles plantées dans ce silence de coffre-fort. Le froissement de quelques pages impeccablement dactylographiées prit le relais. Il y eût deux petits toussotements. Personne n’en connût la provenance. Chacun avait les yeux rivés sur son sous-main et le bloc-notes assorti.

Monsieur Black, le grand directeur, se fâcha tout rouge. Frappant la table de sa chevalière en or, il s’écria : « Ceci est votre dernière chance. Si je ne constate aucune amélioration le mois prochain, il faudra sérieusement songer à votre reconversion ! Vous voilà prévenus. Chacun se trouve placé devant ses responsabilités. Qu’il se débrouille pour les prendre le plus habilement et le plus rapidement possible, sans penser à autre chose ! ».

À cet instant, je m’aperçus que mes responsabilités à moi étaient des plus charmantes. En effet, juste en face, étaient placées Mesdemoiselles Évelyne et Anika. La blonde était directrice des ressources humaines, la brune secrétaire trilingue. J’avais beau me souvenir d’un petit reste de moralité et de résolutions personnelles prises en début d’année, l’obsession maladive que je limitais à mes loisirs de voyeur anonyme m’assaillit brusquement. C’était l’occasion ou jamais de briser mes chaînes.

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Les mots du directeur ne cessaient de raisonner dans ma tête : « Chacun se trouve placé devant… Qu’il se débrouille pour les prendre le plus habilement et le plus rapidement possible… Débrouille, les prendre, habilement, rapidement… Les prendre, habilement, rapidement… Les prendre, les prendre, les prendre… ».

Je ne me souviens plus très bien comment on me força à évacuer la salle de réunion. Mon accréditation et les clefs de mon bureau furent confisquées.

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