C’est une perle rare dans la galaxie 14-18, un rêve pour de nombreux collectionneurs qui n’ont pu l’apercevoir qu’au détour d’une tranchée de l’Artois en photo et dans un livre.
Le Star 1914 est l’archétype de ce qui se fait de mieux en ce début du XXème siècle.
Son ergonomie et sa conception prennent source dans une arme en provenance d’Autriche-Hongrie et possédant un chien extérieur: le Mannlicher 1901.
Proposé dans de nombreux catalogues et diffusé auprès de nombreuses commissions, il n’est pas étonnant que des petits malins aient essayé de le copier ce 1901, à l’instar des pistolets Brownings qui connaissaient alors un grand succès.
Les seuls à tenter l’expérience seront les membres de la famille Echeverria, dont la nouvelle société fondée en 1905 sous le nom commercial de « Star » cherche à se lancer dans l’aventure de ces tous nouveaux « pistolets à répétition automatique ».
Lire aussi: Test et Avis : Pistolet à Eau Électrique M416
Sauf que le Senior José-Cruz et son fils Bonifacio Echeverria ne sont pas nés de la dernière pluie.
Le frère de Bonifacio, Julian Echeverria deviendra même l’un des principaux développeurs du pistolet Campo-Giro 1913 qui équipera l’armée à partir de 1913.
Il finira directeur de l’école d’armurerie d’Eibar.
A l’époque, en pays basque espagnol, ce qui se faisait de mieux et avait le plus de succès commercial, c’était alors les copies de revolvers Smith et Wesson à canon basculant.
La quasi totalité des armes américaines et européennes à la mode se voient doublées de clones hispaniques dont la réputation sulfureuse commence à lever avec le siècle nouveau.
Lire aussi: Comprendre les balles de pistolet
Le meilleur y côtoie le moyen.
Pourtant, pour faire une révolution au fin fond de l’Amérique du Sud ou faire passer une bande de va-nu- pieds chinois ramassé par un seigneur de la guerre local pour une armée régulière, il n’y a pas plus efficace !
Ce modèle, dont s’inspire Bonifacio, est d’une ligne quasi-architecturale.
On croirait voir, vu de dessus, un des gratte-ciels qui couvriront bientôt les villes occidentales.
Son ergonomie et sa manipulation sont surprenamment modernes, et cela à une époque où le concept de culasse enveloppante à la Browning n’est encore qu’une idée.
Lire aussi: Pistolets de traitement du bois
Il fonctionne suivant un principe de culasse non calée et possède un capot glissant vers l’avant qui recouvre la partie qui accueille l’essentiel des pièces en mouvement.
Ça c’est très moderne.
L’arme est pourtant pleine d’archaïsmes qui montrent qu’il a été conçu par des gens du siècle dernier.
Le chien est mû par un ressort à lames, placé exactement de la même manière que dans un fusil à silex 1777 !
Impossible que cette conception résiste à long terme au choc répété de la tête de culasse sur le chien lorsque celui-ci est réarmé en phase de recul.
Mais l’opportunité d’améliorer ce matériau de base prometteur par certains côtés est trop belle pour ne pas être saisie.
Une première mouture prénommée La Lira naît en 1907 après deux ans de table à dessin et de recherche d’une structure en mesure de le produire.
L’arme est dotée d’un chargeur détachable et d’une mécanique simplifiée et robuste.
En 1909 et 1910 viendront des modèles améliorés et réduits pour la cartouche de 6,35mm.
Un grand sens pratique prédomine chez cet espagnol.
Les armes se Star sont fort bien conçues, tant du point de vue ergonomique que mécanique.
Elles utilisent des machines modernes, maniées par un personnel qualifié et bien encadré.
Il est intéressant de noter une convergence évolutive entre ces modèles espagnols et des descendants autrichiens du vieux Mannlicher 1901, avec notamment le Steyr-Hahn 1912 (hahn signifiant marteau /coq dans la langue de Mozart) qui équipera l’infanterie de l’Empire Central.
Un œil moderne y verra aussi des similitudes entre le Star 14 et le Colt 1911, arme avec laquelle le Star s’hybridera de plus en plus au cours des années 1920 au point d’en fabriquer des quasi-clones qui seront adoptés par l’armée et la guardia civile espagnoles et même l’Allemagne comme arme de complément.
Il s’agit cette fois de compléter la commande passée en mai de cette même année auprès de la firme Gabilondo pour des copies de Colts 1903 hammerless mâtinés d’un soupçon de Browning 1906.
Ce seront les fameux Ruby, dont la production frôlera le million d’exemplaires.
Posés sur la même table, côte à côte, avec les Ruby et d’autres, il faut dire que le Star sait se distinguer.
L’arme est simple, bien en main, extrêmement précise, facile d’entretien, soigneusement ajustée et drapée d’un sublime bronzage noir.
On notera son extracteur externe, robuste et facilement accessible.
Les 10% de coût supplémentaire par rapport aux Ruby se justifiaient amplement.
L’arme est très appréciée de nos officiers aussi.
D’autant plus que le gain en capacité de perforation obtenus ne pouvaient que leur plaire.
Les standards d’appréciation d’un calibre de l’époque se mesuraient en nombre de planches de sapin de 20mm transpercées.
Mais savoir que l’on pourrait traverser un obstacle en bois derrière lequel un adversaire aurait pu se retrancher, était une préoccupation tout à fait appropriée à cette guerre de coups de mains.
Le peu de matières premières nécessaires à la fabrication de plus petites cartouches associé à leur faible recul, permettait de réduire le temps d’entraînement et de rendre les coups de feu plus facilement enchaînables.
Fournis d’origine avec 4 chargeurs (!) de 9 cartouches chacun, il y aurait eu de quoi faire s’évanouir un officier du Train vingt ans plus tôt.
Or nous sommes en 1916, la guerre industrielle est à son paroxysme.
Les nouvelles armes développées depuis deux ans en secret sont lancées en série et sur le champ de bataille.
L’heure n’est plus vraiment aux économies de bouts de chandelles.
Outre les pertes liées aux guerre et au temps qui passe, la difficulté à trouver des pistolets Star de nos jours s’explique aussi par des considérations strictement espagnoles.
D’abord une production compliquée.
L’approvisionnement en matières premières de qualité et la farouche concurrence tarifaire et de personnel que se lancent entre eux les producteurs d’Eibar compliquent la première livraison des armes d’Echeverria qui n’arrivent qu’à l’hiver 1915 alors que, depuis cinq mois, les Ruby et leurs clones envahissent déjà les étuis de nos troupes.
La fin de la guerre viendra contrarier les améliorations de lignes de production enfin mises en place.
Ce ne seront in fine que 24 700 modèles 1914 qui seront livrés à la France.
Toutes versions confondues, qu’elles soient de taille standard ou bien de poche.
Certains auteurs contemporains attribuent des noms apocryphes de « modèle troupe et officier » à ces deux modèles.
tags: #pistolet #automatique #Star #7.65 #histoire