À la demande d’un de nos membres et en espérant que mes petits récits ne vous lasseront pas, voici un petit résumé de l’adoption et de l’utilisation des Parabellum par les suisses.
En 1893, la firme Ludwig Loewe, située en Allemagne, commence à produire le pistolet d’un ingénieur allemand, Hugo Borchardt, le fameux Borchardt C 93; ce pistolet est l’un des premiers à fonctionner d’une manière satisfaisante et il sera testé par beaucoup de pays, dont la Suisse, soucieux d’adopter une arme de poing plus satisfaisante que les révolvers qui ont atteint, à cette époque, le maximum de leurs possibilités.
Le pistolet C 93 est une arme fiable, à chargeur, ce qui est moderne pour l’époque, utilisant une munition puissante, très bien construite mais encombrante, peu pratique sans l’emploi de la crosse amovible qui est longue à mettre en place: en conséquence, aucun pays ne l’adoptera (j’ai personnellement tiré quelques cartouches avec un Borchardt, et j’ai facilement compris pourquoi!).
En 1896, la firme Loewe et d’autres entreprises allemandes fusionnent et le consortium, ainsi créé, portera le nom de “Deutsche Waffen-Und Munitionsfabriken”, sis à Berlin; la fabrication du C 93 se poursuit mais les ventes au total, sur sept ans, sont de l’ordre de 3000 unités, ce qui est faible.
En conséquence, la DWM demande à Hugo Borchardt, de redessiner un pistolet amélioré: c’est un refus de la part de l’ingénieur qui estime son arme correcte.
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C’est donc un autre ingénieur de la DWM, Georges Luger, qui est chargé du projet: il conçoit habilement un pistolet, utilisant la même genouillère, avec le court recul du canon, comme base du système, mais en produisant un pistolet compact, bien en main, conservant, toujours, une cartouche bouteille mais réduite en longueur.
Les premiers prototypes sortent rapidement sous l’appellation de Borchardt-Luger et ils seront utilisés pour les essais suisses de 1898 qui les opposeront aux Mauser C 96, Bergmann, Mannlicher, Roth et autres.
Le pistolet Borchardt-Luger remporte sans problème, les essais (note: pour avoir essayé, dans ma vie, des Mauser C 96, des Manlicher, des Bergmann, je comprends les essayeurs suisses: ces modèles concurrents, quoique possédant beaucoup d’avantages, ne pouvaient rivaliser avec les qualités du pistolet de Georges Luger).
Il y a quelques survivants de ces prototypes ayant participé aux essais: le numéro 5, visible dans un musée, à Berne et le numéro 6, fierté d’un collectionneur suisse (j’ai eu le plaisir de tenir ce dernier, dans mes mains!).
Les suisses demanderont quelques petites modifications mineures et après une nouvelle série d’essais, en 1899, le pistolet est adopté officiellement sous le nom de Parabellum modèle 1900, en calibre 7,65.
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5000 pistolets 1900, numérotés de 1 à 5000, seront fournis à l’armée suisse, sur une période de six ans, avec des modifications mineures, au cours de la production, portant sur les formes de la détente, du pontet, du chargeur, de la pédale de sureté;
Une remarque concernant les chargeurs: sur les 1000 premiers pistolets, le bouton servant d’arrêtoir de culasse et d’aide au chargement, est très plat, peu pratique, de plus vissé, donc ....il se dévisse, donc des ennuis!
Ces pistolets sont rappelés pour être modifiés, nouveau fraisage du logement et nouveau chargeur à bouton plus proéminent et rivé; de ce fait, les modèles non modifiés sont rares!
Et les premiers chargeurs aussi, sont rares....et très couteux, à l’heure actuelle!
La DWM fournira, en plus, une petite série d’environ 200 unités numérotées de, approximativement, 200 à 700, les numéros étant précédés de la lettre E; ces armes ont servi, probablement à des essais spéciaux ou à des démonstrations.
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Les survivants de ces séries E sont rares, désormais, car en 1914, la Suisse ne pouvant plus obtenir de (à partir de maintenant, je vais dire “Luger”) Luger de la part de l’Allemagne en guerre, une centaine de ces E, furent renumérotés en série A, cette fois la lettre en suffixe, de 5001 A à 5100 A.
Enfin, une série commerciale de ce Luger 1900, avec la même croix suisse, dans le soleil, qui orne la chambre, que sur les modèles règlementaires, fera son apparition, en Suisse; les poinçons d’épreuve, seuls, changent.
Une dernière chose pour aujourd’hui: ces premiers Luger sont de toute beauté, ils sont à la fois élégants, bien proportionnés, pour l’époque très fiables et d’une finition, y compris dans le bronzage, parfaite et, bien sûr, d’une précision remarquable avec un bon tireur.
Les variantes du modèle 1900 à 1929 présentent plusieurs marquages distinctifs:
Les boutons de la genouillère sont chanfreinés, et celui de droite est doté d'un cliquet de blocage qui s'engage dans un cran fraisé dans la carcasse pour assurer le retour en position fermée de la culasse. Ce dispositif a été jugé superflu et abandonné sur les modèles ultérieurs.
Le magasin a un bouton guide qui a nécessité un fraisage dans la poignée. Par la suite, le bouton-guide est plat et ne nécessite pas de fraisage. Le ressort récupérateur logé dans la poignée est un ressort à lame, tandis que les modèles ultérieurs ont un ressort à boudin.
Bien que le modèle 1900 ait été soumis à des essais sérieux avant son adoption, il a subi des modifications en cours de production. Les armes civiles, pour les services de police, le tir, etc., portent l'ancien poinçon du banc d'épreuve allemand "BUG".
Ces modifications sont les suivantes :
Il faut faire une distinction entre la fonction du levier de sûreté sur le dos de la poignée et celle du levier d'arrêt sous le coursier de gauche. Le levier de sûreté bloque l'appareil de percussion, tandis que le levier d'arrêt ne bloque que le levier de sûreté quand celui-ci est assuré. Le levier de sûreté est maintenu en arrière par le ressort situé près de son pivot. La languette appuie contre la partie postérieure de la gâchette et empêche l'appareil de percussion de fonctionner, comme la partie mobile de reculer. Quand on met le levier d'arrêt sur "S", sa griffe se place devant le contrefort triangulaire du levier de sûreté, bloque ce dernier et empêche qu'il puisse être désassuré.
Malgré des essais très approfondis, le pistolet subit au cours des ans des modifications de détails.
La W+F a fabriqué des Parabellum M.29 pour la clientèle civile constituant deux petites séries de 25 001 à 26 600 et de 77 942 à 78 258 ; les numéros sont précédés de la lettre P.
En allant à mon stand de tir favori, j’ai eu la chance d’avoir entre les mains un pistolet militaire suisse bien connu des tireurs, mais hélas bien trop rare. Je veux bien sûr parler du SIG P210, qui est sans doute le meilleur pistolet d’ordonnance de son temps.
À la fin des années 1930, les suisses anticipaient déjà l’obsolescence du Luger P06 : le mécanisme était assez complexe, cher à fabriquer et la cartouche 7.65 était peu puissante.
Ils commencèrent donc à aller voir ce qui se fait chez les voisins, et finirent par s’intéresser au pistolet français modèle 1935A. Le concepteur Charles Petter, ingénieur franco-suisse, revendit le brevet de son pistolet automatique à la firme SIG en 1937, qui le perfectionna.
Le SIG P210 était prêt à la production dès 1944, mais cela a été retardé avec la guerre. Finalement, les premiers pistolets sortirent d’usine en 1947. Puis adoptés officiellement par les armées suisses et danoises en 1949 sous les dénominations respectives « Pistole 49 » et « M/49 ».
Les 500 premiers modèles furent distribués aux douanes suisses, et sont de nos jours particulièrement rares et prisés des collectionneurs. Il s’agit d’un pistolet qui tire en simple action uniquement, avec un mécanisme semblable au Colt 1911. Son chargeur en simple colonne très fiable contient 8 cartouches de 9mm Parabellum.
Mais ce qui rend le SIG P210 exceptionnel, c’est sa qualité de fabrication. En effet, le contrôle qualité à la sortie de l’usine est très supérieur à ce qu’on pourrait exiger d’une arme de service. Le design est également optimisé au maximum pour la précision.
Contrairement à la plupart les pistolets automatiques, la glissière coulisse à l’intérieur du rail de la carcasse. Ainsi, le jeu entre les parties fixes et mobiles est pratiquement inexistant. Cet assemblage très serré mais aussi très fluide, apporte au P210 une grande régularité lors du tir et contribue fortement à la précision. Le bloc-platine est amovible (à la manière d’un Tokarev), ce qui facilite davantage l’entretien.
Pour conclure, le SIG P210 est comparable à une montre suisse. Il respire la qualité, coûte un bras (entre 2000€ et 3000€ selon l’état de l’arme) et offre une précision hors pair. Le P210 est encore fabriqué de nos jours par SIG-Sauer car très apprécié des tireur sportifs.
Modèle | Calibre | Années de Production | Caractéristiques Principales |
---|---|---|---|
Parabellum Modèle 1900 | 7,65 Parabellum | 1900-1906 | Première adoption du Parabellum par l'armée suisse, modifications mineures en cours de production. |
Modèle 1906 | 7,65 Parabellum | 1906-1919 | Genouillères pleines et moletées, extracteur renforcé. |
Modèle 1906/29 | 7,65 Parabellum | 1933-1946 | Poignée droite, pédale de sécurité plus longue, genouillères lisses, tonnerre arrondi. |
SIG P210 | 9mm Parabellum | 1947-Présent | Qualité de fabrication exceptionnelle, glissière coulissant à l'intérieur du rail de la carcasse. |
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