Les Pistolets en plastique, réalisé par Jean-Christophe Meurisse, chef de file des Chiens de Navarre, poursuit sa satire au vitriol de notre société, après Oranges sanguines. Il nous la peint ici friande de faits divers, de préférence sanglants, à travers l’histoire de Paul Bernardin, double à peine déguisé de Xavier Dupont de Ligonnès.
La mise en abyme de la représentation de la violence dans Les pistolets en plastique nous incite à nous interroger sur l’utilité du spectacle sanglant, grand-guignolesque, qu’il nous offre et que son outrance tourne à la dérision. N’y a-t-il pas une forme d’hypocrisie à flatter le goût du spectateur pour la violence alors même qu’on prétend la dénoncer ?
Ce qui caractérise précisément le cinéma de JC Meurisse c’est une impudence insituable moralement. Toutes nos fascinations névrotiques sont catapultées, condensées et torpillées dans ce qui pourrait s’apparenter à des sketches (façon les Vamps pour le duo d’enquêtrices du web génialement interprétées par Delphine Baril et Charlotte Laemell) ou numéros d’acteurs éblouissants. Le film jubile d’une esthétique forte corollaire de l’extravagance du propos et d’acteurs tous en majesté.
Pour concevoir l'intrigue centrale des Pistolets en plastique, Jean-Christophe Meurisse s'est inspiré de l’histoire de Guy Joao, arrêté à Glasgow après avoir été pris pour Dupont de Ligonnès : "Préretraité chez Renault, il a été confondu avec l’homme le plus recherché de France, et, arrêté, il a passé vingt-six heures d’enfer dans les geôles écossaises… On était dans un dessin de Sempé ! Je me suis dit que le vrai Dupont de Ligonnès s’est bien marré ! Peut-être qu’il buvait des jus de goyaves alcoolisés en se faisant une petite pépée en Amérique du Sud…"
L’intrigue se tisse à partir de trois fils parallèles qui vont, peu à peu, se rejoindre. Deux femmes, « enquêtrices web » fraîchement récompensées par un diplôme FB, se lancent sur les traces de Paul Bernardin, qui a tué toute sa famille avant de disparaître. Un homme - Michel Uzès - , identifié par un indic comme étant l’assassin, est arrêté à son arrivée à l’aéroport de Copenhague par la police danoise. Pendant ce temps, le vrai Paul Bernardin, nouvellement marié, coule des jours heureux en Argentine.
Lire aussi: Tout savoir sur les pistolets
Les pistolets en plastique pose la question des raisons de l’attraction qu’exerce le crime sur beaucoup d’entre nous mais aussi celle du vrai et du faux, de la violence et de sa représentation. Entre le vrai Bernardin et le faux - Michel Uzès - qu’y a-t-il de commun ? Notre entendement est-il si débile qu’il nous conduise, contre toute évidence, à prendre le faux pour le vrai et à ignorer le vrai quand il se présente à nous ?
Quant au spectacle de la violence, a t-il une fonction autre que celle de satisfaire nos instincts les plus bas ? Et ne contribue-t-il pas à sa dangereuse banalisation ? Ou, au contraire, a-t-il une valeur cathartique ? Exorcise-t-il nos terreurs ? Mieux, nous évite-t-il de passer à l’acte ?
Se déploie ainsi toute une galerie de portraits, mettant en scène des personnages aussi bouffons qu’inquiétants, qui tendent un miroir grossissant à notre goût pour le sensationnel, à notre fascination voyeuriste, en même temps qu’à notre propension à banaliser la violence. Rien de neuf, finalement, depuis C’est arrivé près de chez vous, le faux documentaire belge de Belvaux, Bonzel et Poelvoorde.
Ici sont mis au premier plan deux enquêtrices un peu simplettes qui, sur le lieu des crimes, se répandent en commentaires sur la déco ; des policiers danois au comportement surréaliste face à des policiers français incapables ; deux médecins-légistes déplorant le goût du public pour les serial killers héros des séries de Netflix ; un suspect colérique qui perd les pédales, une voisine qui débite un interminable monologue raciste.
Mais tous les pistolets ne sont pas en plastique… La rupture que marque la sobriété glaçante de la scène du meurtre familial nous rappelle brutalement à la réalité : plus de grand-guignol, mais une tragédie tout entière concentrée dans les gestes, les regards, le bruit des détonations.
Lire aussi: Décryptage de "Les Mots Sont Des Pistolets Chargés"
Jean-Christophe Meurisse a voulu faire une comédie noire, mélangeant humour et horreur. Le réalisateur explique : "C’est ce que j’aime : le mélange. Ce que je n’aime pas : rester dans un registre unique. Je veux que tout soit tendu, aussi bien dans la narration que dans la forme. On ne sait pas sur quel pied danser. On va de l’absurde à l’horreur, on est dans le rire du pire, entre tragédie et comédie de manière permanente."
Côté absurde, il y a cette scène où Vincent Dedienne et Aymeric Lompret, flics dépassés, font une conférence en visio avec les policiers danois, où personne ne se comprend vraiment.
Jean-Christophe Meurisse a écrit le scénario des Pistolets en plastique pendant deux ou trois mois. Il se rappelle : "Ce texte va faire 80% du film. Après, Amélie Philippe, ma collaboratrice et épouse, repasse dessus. On développe les situations ensemble, puis je rencontre en amont tous les comédiens pour chaque séquence, et j’essaie de voir ce qu’ils vont en faire. J’écoute, on réécrit, on répète un an avant le tournage."
"La folie de mes films est concertée, répétée longuement. Quand on tourne, il faut que ce soit explosif, dingue, et que chaque jour de tournage soit une fête.
"J’ai une manière un peu surréaliste, un peu cadavres exquis, de trouver des titres, comme pour mon film précédent, « Oranges sanguines ». Ces « Pistolets en plastique » sonnent bien, car tout le monde est un peu en plastique. Les personnages, le faux Bernardin, le vrai Bernardin, les enquêtrices, tous sont en toc.
Lire aussi: "Les Pistolets en plastique": un film à voir?
Les quatre acteurs principaux, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Laurent Stocker et Gaëtan Peau ont longuement répété avec Jean-Christophe Meurisse. Ce dernier raconte : "J’aime bien faire venir des gens connus pour une journée de tournage, aussi, comme Jonathan Cohen, Vincent Dedienne ou François Rollin et Romane Bohringer. Delphine et Charlotte, elles, font partie de ma troupe de théâtre, « Les Chiens de Navarre », et ont l’habitude d’improviser, domaine dans lequel elles sont très bonnes. Elles ont des personnalités très fantasques, c’est ce qui m’intéresse. C’est d’ailleurs une qualité partagée par tous les comédiens du film.
La bande-annonce des Pistolets en plastique est composée d'artistes aussi différents que Julien Clerc, Taj Mahal, Dalida, Mahler, Bach ou encore Frankie Valli. Jean-Christophe Meurisse raconte : "Quand j’écris, je passe de la musique. Je ne peux pas écrire sans. Ni concevoir la vie sans. Variété française, rock, jazz, j’écoute tout. La musique ouvre l’imagination. Mais je reviens toujours au rock des années 60 et 70, de Creedence Clearwater Revival à Elvis Presley.
De plus, tout le montage est marqué par un rythme soutenu. Ne serait-ce que dans les premières minutes où les cartons du générique du début viennent entrecouper brusquement la conversation des personnages. L’entièreté du film se calque sur une volonté de faire les choses rapidement, qui, si elle peut prendre au dépourvu, est au final assez réussie.
Léa et Christine sont obsédées par l’affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement.
Les Pistolets en Plastique est une comédie à l’humour très noir qui en devient très déroutante. En effet, si on sait d’emblée en entrant dans la salle que le film va parler de Xavier Dupont de Ligonnès, ennemi public n°1, on se laisse facilement emporter dans une fresque rocambolesque et absurde de l’histoire irrésolue de ce meurtrier.
En définitive, Les Pistolets en Plastique est une bonne comédie absurde qui traite de thèmes importants et actuels.
tags: #les #pistolets #en #plastique #musique #histoire