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Bertolt Brecht a écrit Les Fusils de la mère Carrar pour répondre à la politique de non-intervention défendue par les démocraties occidentales vis-à-vis de la guerre civile espagnole. La guerre civile qui oppose les forces républicaines du gouvernement socialiste, démocratiquement élu en février 1936, aux putchistes de l’extrême droite, en rébellion depuis le 18 juillet 1936, est à son apogée. La ville de Guernica vient d’être anéantie par les bombardiers nazis venus soutenir les phalanges franquistes.

La pièce expose les tiraillements d'une mère face à la guerre. En deux mots, madame Carrar est veuve : elle vient de perdre son mari qui s'est engagé dans la lutte contre Franco. Soudain arrive le frère de la veuve qu'on n'a pas vu depuis longtemps. Il est lui aussi très activement engagé dans la résistance à Franco et vient chercher les fusils de la mère Carrar, ceux qui appartenaient à son beau-frère. L'un d'eux pêche en mer. Le frère de Teresa, venu chercher les fusils de son défunt mari, la presse, des villageois aussi. Carrar résiste de tout son être.

Ainsi, les conversations qui animent la pièce sont une sorte de réflexion intérieure menée par le personnage de Carrar, ce sont les bribes de ce qu’on se dit à soi-même, tout ce que l’on ne sait que trop, l’éternelle conversation, murmure, dont on s’entretient soi-même, la vie même de l’esprit.

Brecht a écrit Les Fusils de la mère Carrar pour répondre à la politique de non-intervention défendue par les démocraties occidentales vis-à-vis de la guerre civile espagnole. Les Fusils de la mère Carrar est une pièce écrite à la va-vite par Brecht pour répondre à la politique de non-intervention défendue par les démocraties occidentales vis-à-vis de la guerre civile espagnole. Considérée comme cela, ce qu’elle fut pendant des décennies, la pièce peut paraître simpliste et quelque peu datée, sans écho sur nous aujourd’hui.

Car enfin, qui peut une seconde croire que la mère Carrar "s’engage", après avoir résisté de tout son corps et de toute son âme, parce que son fils est mort et que la "lumière" de la raison l’illumine enfin, définitivement, et met un point final à son aveuglement ? N’est-ce pas bien plus une sorte de fuite en avant vers le combat, vers la perte de soi-même, un cri et de douleur et de rage désespérées, une folie, oui une folie, une extrême violence qui soudain l’envahit. Car (et n’en déplaise à Brecht lui-même) nous ne vivons pas gouvernés par la raison et la dialectique, mais nos corps et nos émotions sont portés et bouleversés, emmenés par les vents des évènements et de l’histoire.

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Pour Antoine Caubet, le metteur en scène, l'acceptation de la mère ne consacre pas la fin d'un aveuglement, mais apparaît plutôt comme un cri de rage et de douleur, une sorte de suicide irraisonné : " Il ne s'agit ici ni de drame de guerre, ni de théâtre militant. Voilà ce qui fait la beauté cachée de cette œuvre : la vérité ne se situe pas seulement dans l'argumentaire, mais également dans l'autre dimension du langage : celle qui exprime les émotions et la souffrance. "

Selon Mère Carrar :

"Un pauvre ne peut pas se dresser contre les généraux. Je ne l’ai pas mis au monde pour que derrière une mitrailleuse il guette ses semblables. S’il y a de l’injustice dans le monde, je ne lui ai pas appris à s’y associer. S’il revient ce n’est pas parce qu’il dirait qu’il a battu les généraux que je lui ouvrirai davantage ma porte ! Je lui dirai, et ça à travers la porte, que je ne veux personne dans ma maison qui se soit couvert de sang. Je le retrancherai de moi-même comme un pied malade. Je le ferai. On m’en a déjà ramené un. Lui aussi croyait qu’il aurait de la chance. Mais nous n’avons pas de chance.

Oui, Bertolt Brecht pose hardiment la question : Peut-on décemment se déclarer neutre et pacifique quand ce qui se joue c'est la vie et la liberté ? La réponse de l'auteur est sans équivoque ; c'est à mon sens le principal point faible de la pièce. En somme, du bon García Lorc euh, non, Brecht, rude comme le soleil et les pierres d'Andalousie, où les fusils deviennent le symbole de l'engagement dans la lutte contre le fascisme.

"Caubet nous fait en effet cheminer dans une âme entre secrets et aveux, obscurité et lumière. Carrar "fait son deuil" en se préparant elle-même à la mort, en sortant les fusils ; celle-ci supporte l'indicible en combattant, en s'oubliant, en s'offrant. Sous des éclairages crépusculaires, comme en noir et blanc, c'est incompréhensible, mystérieux. "(…) Cela vaut le coup de tendre l'oreille, parce que tout résonne : les contradictions des personnages (les voisins qui écoutent la radio et ont des enfants dasn les deux camps, le curé qui penche pour la République), la violence des sentiments de la mère, qu'interprète une actrice d'une puissance rare, de la tête aux pieds. Caubet cite le cinéaste Jean-Marie Straub expliquant que, pour qu'un texte tienne debout, il faut d'abord que l'acteur se tienne debout : " il n'y a pas d'âme en dehors du corps.

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Quelques pièces de combat - Les Fusils de la Mère Carrar (1937), Grand-Peur et misère du IIIe Reich (1938) - marquent peut-être un recul par rapport à certains acquis de la dramaturgie épique, mais rappellent que celle-ci n'a d'autre but que d'intervenir jusque dans l'actualité la plus brûlante.

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