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L'école d'armurerie Léon Mignon, située au cœur de la ville de Liège, est un établissement d'enseignement secondaire professionnel. Elle fut fondée en 1897 par la Ville de Liège, à l’initiative de l’Union des Fabricants d’Armes.

La genèse et l'importance de l'école Léon Mignon

La fabrication et le commerce des armes à feu a débuté très tôt à Liège, aux environs du 16ème siècle. L’usage étant de décorer les armes, c’est aux graveurs que l’on a naturellement confié cette tâche et le développement de la gravure a évidemment suivi celui de la fabrication d’armes. L’apogée de cette activité se situe à la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle, période où Liège est devenue une référence en ce domaine.

L'école Léon Mignon et moi c'est une histoire qui n'est certes pas bien vieille, mais très intense. Merci à la DAAA !

L'expérience de Jean-Charles Buffenoir

Dans le cas de l’Alsacien Jean-Charles Buffenoir - que rien a priori ne destinait à ce métier - c’est en 1995 dans une armurerie locale au cours d’une conversation apparemment anodine que le « déclic » s’est produit. Lycéen à la « croisée des chemins » en classe de 3e, il contacte sur le conseil d’Etienne Cornu le centre d’enseignement secondaire Léon-Mignon de Liège dont l’armurier mussipontain est un ancien élève.

Peu motivé par un cycle d’études générales, il saute le pas et s’inscrit donc pour un cursus de trois ans dans cette école fondée en 1897 à l’initiative de l’Union des fabricants d’armes belges. Avec pour objectif en tête la création et l’artisanat plutôt que l’industrie et le commerce, il apprécie particulièrement la quinzaine d’heures hebdomadaires dévolue à la transmission pratique des savoirs (basculage, crosserie, canonnerie, etc.) ainsi que l’apprentissage des aspects les plus artistiques du métier, dont la gravure en tout premier lieu.

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Bien décidé à faire partie des « élus » (seul 1 diplômé sur 8 exerce à terme le métier qu’il convoite), il obtient son certificat de qualification professionnelle et de fin d’études professionnelles en 1998 et se met en quête d’un employeur lui offrant d’acquérir une première expérience véritablement professionnelle. Après avoir fait (au sens propre comme au figuré) ses « premières armes » durant environ 18 mois auprès de la maison strasbourgeoise Sipp, il décide de quitter pour la seconde fois l’Alsace en s’expatriant dans une ville qui a vu naître parmi les noms les plus prestigieux du secteur : Londres.

Au service de sa majesté…

Informé d’une opportunité par le réseau des anciens élèves, il veut en effet rejoindre une véritable institution britannique, à savoir le « Royal Gunmaker » Holland & Holland. Entrer dans ce monument de la tradition fondé par Harris J. Holland en 1835 c’est un peu comme entrer en religion et bien que le siège ait été transféré à trois reprises depuis (et qu’en 1989 le groupe Chanel en soit devenu le propriétaire), l’immeuble en briques rouges de cinq étages de Harrow Road abrite toujours ses ateliers.

De ce temple de lumière doté de hauts plafonds et de larges baies vitrées - pour faciliter à l’époque le travail des graveurs - se dégage sous des relents d’huile chaude une atmosphère surannée que seuls les sons émis par les quelques rares machines à commandes numériques modernes parviennent à contrarier. Sur le plancher de cette manufacture victorienne - qui ne produit qu’environ 80 pièces par année - patiné par près de deux siècles d’activité, peu de choses ont changé et lorsque l’on y débute, on se doit d’abord de marcher dans les traces des innombrables générations d’apprentis qui s’y sont succédé.

Jean-Charles Buffenoir devient donc « tea boy » au service d’un « maître » et préparer puis servir le thé constitue ainsi une de ses premières tâches dans ce nouvel environnement o+ù règne, malgré l’absence d’uniformes et une certaine ambiance typiquement « club », un strict respect de la hiérarchie. En moins de deux ans, sa persévérance mais aussi son assiduité et la qualité de son travail lui permettent de devenir « finisseur », un poste clé qui ne laisse pas de place à l’erreur ou à l’approximation et qui consiste à contrôler, et le cas échéant, à modifier le travail effectué en amont par la quarantaine d’intervenants qui participent à la création d’une arme fine (lisse dans les ¾ des cas).

Réalisée toujours majoritairement à l’ancienne (au doigt, à l’œil et à l’oreille), cette dernière étape avant la livraison au client - qui débourse en moyenne après deux ou trois années d’attente entre 60 000 et 110 000 euros pour un modèle « standard » - doit permettre de déceler et de corriger la moindre petite imperfection. Exigeant polyvalence, patience et minutie, chaque arme passe alors environ une centaine d’heures entre ses mains.

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Il contrôle la « mise au bois » (dont la conformation de la crosse), les bruits à l’ouverture ou à la fermeture mais aussi l’absence de jours, etc., et reprend tous les détails avant la mise à disposition. Arrivé sur le marché du travail je saisis rapidement l’opportunité et la nécessité d’intégrer huit années durant les ateliers « Holland and Holland », en tant que canonnier afin d’apprendre le meilleur de l’expérience anglaise dans ce domaine.

Toujours en quête de plus et du meilleur, une nouvelle opportunité s’offre à moi. Je rejoins la prestigieuse maison « Hartmann und Weiss » à Hamburg en tant que canonnier, basculeur S/S type Boss, Purdey et H&H afin de développer les modèles et le style H&W. Bien que finisseur soit tout sauf un poste où la routine puisse s’installer, il quitte pourtant Holland & Holland en 2006 pour exercer ses talents auprès d’un autre « grand » britannique, James Purdey & Sons.

Dans leurs ateliers plus modernes mais néanmoins tout aussi prestigieux, Jean-Charles Buffenoir va notamment pouvoir travailler sur d’autres mécanismes de légende - dont le fameux Beesley-Purdey à platines - et revenir « à la source » des carabines doubles de chasse, la paternité de la dénomination « d’Express » étant en effet à porter au crédit de James Purdey en 1856 (en référence aux moyens de transport les plus rapides de son époque, les trains « express »).

Alain Lovenberg: Un Graveur Liégeois de Renom

Alain Lovenberg: Un peu par hasard- mais est-ce vraiment un hasard quand on est liégeois? Je suis tombé sur un petit article illustré dans une gazette locale, annonçant la rentrée scolaire à l’Ecole d’Armurerie et de Gravure Léon Mignon. J’étais, à ce moment, élève à l’ Académie des Beaux-Arts et je n’étais pas satisfait du climat un peu anarchique et débraillé qui y régnait. Je dois préciser que c’était pendant l’été 1968, année que l’on peut qualifier de turbulente !

L’ambiance de travail était tout autre dans la classe de gravure, les élèves assidus, penchés sur leur établi, m’ont donné l’impression d’apprendre réellement un métier. Alain Lovenberg: Je ne peux pas dire que je propose un type de gravure particulier, je pratique les techniques usuelles du métier telles que les sujets animaliers (ou autres), l’ornementation dite en « fonds creux », la ciselure, l’incrustation appelée parfois damasquinure. J’ai, comme tout graveur, un style personnel mais malgré tout liégeois, semble-t-il.

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Pendant longtemps je n’ai gravé que pour les armuriers de Liège mais les demandes de clients internationaux se font de plus en plus fréquentes. Alain Lovenberg: Je ne me suis jamais contenté de graver exclusivement des armes de chasse, bien que ce soit le principal de mon activité. J’ai débuté dans le métier par de la gravure de bijouterie et je continue toujours. Je grave à l’occasion quelques couteaux, des montres de luxe, des matrices pour médailles parfois, bref tout ce qui est en rapport avec le métier de graveur.

Magazine Chassons.com : Travaillez-vous avec des armuriers au quotidien, si oui lesquels? Alain Lovenberg: Le métier de graveur se fait toujours en collaboration avec l’armurier, pour des raisons techniques. En général, c’est l’armurier qui choisit le graveur et lui impose ses conditions. Dans mon cas personnel, comme dans celui de quelques graveurs réputés, la situation est un peu différente. Alain Lovenberg: Né en Ardennes, pays de forêts, non loin de la ville de Saint-Hubert, patron des chasseurs, je devrais en effet pratiquer la chasse. Je n’en ai malheureusement pas le temps, pris par mon métier qui dévore mes journées.

Les défis actuels de l'école Léon Mignon

Les mesures proposées suscitent des inquiétudes : réduction des financements, diminution des options et des heures d’enseignement, changements dans le recrutement et la formation des enseignants, entraînant une perte de savoir, et modification du statut des enseignants vers une mutualisation des ressources. En outre, les options et filières ne répondant pas à des normes plus strictes pourraient être progressivement supprimées, avec la fermeture d’au moins un tiers des options.

L'armurerie connait de nombreuses facettes, mais à l'époque de la CNC et du laser, il est important de soutenir les vrais artisans armuriers, les faiseurs de rêves, les détenteurs des traditions, je parle ici des élèves et professeurs de l'école d'armurerie de Liège et, partant, l'école Léon Mignon elle-même. Certes c'est une bouteille à la mer mais 100% des gagnants ont tenté leur chance !

Une des menaces est notamment : "Réduction des moyens alloués à l’enseignement qualifiant : Moins de financement pour l’école et une diminution du nombre d’heures d’enseignement, affectant directement l’encadrement." Ceux qui me connaissent savent que quand je perdais espoir dans ce domaine, ce sont ces "gamins" qui m'ont redonnés la niaque pour ne plus baisser les bras et je les en remercie.

Opinions et perspectives sur l'avenir de l'école

Aujourd'hui, pour ouvrir une armurerie, il suffit d'un CESS ( + les autorisations inhérentes aux armureries ) ...Et avec un peu de dextérité en mécanique, quiconque peut faire 90% de réparation sur une arme... ( Le reste peut se faire dans des ateliers de précision ) De nombreux clubs et armuriers ( pour ne pas dire les 3/4 ) tournent très bien sans être diplômés de cette école...De nos jours les armureries ne sont plus que des vendeurs à l'atelier très limité.

La question n'est pas d'avoir des vendeurs, des tourneurs de vis, des monteurs de pica, des graveurs Punisher au laser, des peintres de camo sur la crosse et les codes barres sur les boites continueront, la question est de savoir si la vraie connaissance armurière, le métier profond, certes destinée à des gens qui ont les moyens de s'offrir des pièces à plus de 450 Euros, soit l'artisanat armurier a une chance de perdurer ou non.

L'école de Léon Mignon c'est une institution armurière en Belgique, même si elle n'a plus la réputation d'antan (le niveau aurait fort baissé, mais c'est aussi le cas partout ailleurs, on va lentement vers des générations de plus en plus abruties). Ca n'en reste pas moins une institution. Je suis client à l'armurerie du Condroz depuis mes débuts dans le tir il y a 10 ans. Et J'ai toujours vu André comme un expert dans les armes, celles qu'il a conçues et fabriqués sont magnifiques. Et fort heureusement, son fils Florian est fait de la même étoffe et n'a certes pas encore l'expérience de son père mais il est déja très compétent.

Je serais fort triste si l'école venait à fermer, ca voudrait dire que c'est la fin des artisans armuriers tel qu'on les connais. Des hommes de métier, qui savent ce qu'ils font et de quoi ils parlent. Certes l'expertise vient de l'expérience, et je suis sûrement trop vieux jeu pour mon âge, mais j'ai plus confiance dans un armurier sorti de Léon Mignon.

Je pense que "l'évolution" actuelle, si on peut appeler ça une évolution, va aller de plus en plus sur plus de productivité à moindre qualité (voir l'obsolescence programmée). L'IA et la robotisation à outrance auront rapidement raison de la raison et du beau savoir faire. Quant aux artisans armuriers, ils auront eu quelques siècles de gloire et de reconnaissance avant de tomber eux aussi, dans l'obsolescence programmée.

C’est toujours regrettable de voir une diminution du budget alloué à l’enseignement et encore plus s’il touche la formation à un métier technique dont les représentants se font de plus en plus rares. Cependant il faut relativiser les mesures dénoncées par l’UFA, les premiers à être concernés seront les élèves français dont l’accès aux différentes formations en armurerie de cette école va être restreint. Les élèves belges seront aussi concernés mais dans quelle mesure ? Sauf si le gros des troupes est constitué d’élèves français auquel cas leur absence risque effectivement de signer la fin de cette section.

Ce qui est mortel pour notre artisanat armurier est la remarquable montée en qualité de la plupart des productions industrielles. La fabrication d'armes communes faisait le chiffre routinier des artisans, les armes d'exception leur apportant un revenu supplémentaire et une renommée. Des lors que cela n'a plus de sens de monter un canon Shilen sur un boitier Mauser ou de se crever à faire des montages à crochets car tout se fait, parfois en mieux, en grande série il devient compliqué de vivre de la fabrication d'armes de haut niveau.

Une gravure faite main avec incrustations et signature du Maître aura toujours plus de valeur qu'une gravure laser ... Mais c'est en voie de disparition comme nous le déplorons.

Informations de contact

  • Section armurerie de l’école Léon Mignon: 00 32 4 223 71 08.
  • Alpes Armurerie (reprise de l’Armurerie Girod): Créée en 2024.
  • Ville de Liège: Le lien entre la ville et les armes remonterait au XVème siècle.

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