Dans le monde passionnant de la pêche à la mouche, maîtriser les techniques de lancer et de présentation est essentiel pour optimiser vos chances de succès.
Le lancer est au cœur de la pêche à la mouche, et il existe plusieurs façons de réaliser un lancer précis et fluide. En rivière rapide comme dans toute autre condition de pêche à la mouche, le pêcheur utilisera une vaste palette de lancers.
L'arbalète est un lancer qui permet de projeter la mouche sous les branches ou dans des zones difficiles d'accès. Le lancer arbalète n’est pas un lancer fouetté. C’est mouche en main, en tendant la ligne et la canne tel un arc (ou une arbalète, d’où son nom) que l’on va produire l’énergie nécessaire au lancer. C’est un lancer utilisé lorsque tout autre lancer est impossible, lorsque les branches et les embâcles empêchent les lancers classiques. Certains affectionnent cette technique, d’autres la détestent. Mais reconnaissons-lui une excellente précision à faible / moyenne distance pour les pratiquants confirmés.
Pour réaliser ce type de lancer, tenez votre canne à pêche horizontalement devant vous, tirez votre mouche vers vous, puis lâchez.
Cette technique de lancer est utilisée pour lancer loin et face au vent des mouches et des streamers.
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Le lancer cloche est un lancer mouche classique, à ceci près qu’il est destiné à poser la mouche « en paquet ». Comme évoqué plus haut, l’intérêt du poser en paquet est majeur en rivière rapide, pour limiter l’effet du dragage. La gestuelle est la même que celle du lancer classique, mais la position de la canne sera différente. Sur un lancer classique, par analogie avec les aiguilles d’une pendule, la position de la canne sera de 11h (position arrière) et 14h (position avant). Ces deux positions extrêmes aboutiront à un plan de lancer légèrement incliné vers l’avant. Pour réaliser un lancer cloche, la position sera décalée vers, l’arrière, avec une canne de 10h à 13h. Le lancer cloche (ou poser parachute) est intéressant pour la pêche à la mouche en rivière rapide pour limiter le dragage, spécialement lorsqu’on pêche une zone de calme derrière un courant plus fort. Il est également pratiqué en grande rivière, pour la pêche en nymphe, avec la fameuse « méthode Roncari » (car développée sur le Doubs par Marcel Roncari).
Le lancer roulé est une méthode de lancer qui s’impose lorsque l’action de lancer « vers l’arrière » ne peut être effectuée. C’est le cas lorsqu’on a un talus, de la végétation ou autre juste derrière le pêcheur. Cette situation n’est pas rare en petite rivière de montagne. Le lancer roulé est également très pratique à utiliser dans le cas d’une pêche 100% amont. La technique consiste, par un premier lancer (arbalète, au pire), à venir positionner la soie sur l’eau devant soi. Pour réaliser un lancer roulé, on va simplement relever doucement la canne à la verticale, à mesure que la soie, revient « dans nos pieds », par l’action du courant. Lorsque la canne atteint la verticale, on déclenche le lancer, simplement en propulsant d’une impulsion franche et rapide, la canne vers l’avant, directement de la position 12h à la position 15h.
Le lancer courbe existe, et il serait dommage de ne pas le mentionner, même s’il est peu utilisé par les moucheurs. L’objectif du lancer courbe est d’aller poser sa mouche dans une zone inatteignable autrement. Sur un lancer classique (position 11h-14h), la boucle serrée formée par la soie génère un alignement parfait entre la pointe de la canne, la soie, le bas de ligne et la mouche. L’action du lancer courbe va avoir pour effet de dévier cet alignement, de décaler la pointe qui pourra venir se poser dans un renfoncement, par exemple. Pour obtenir cette déviation, le lanceur devra opérer deux actions : réaliser un lancer en position horizontale, d’une part, et « ouvrir » son lancer, d’autre part. Autrement dit, lancer avec une plus grande amplitude, en avant comme en arrière. L’effet de cette attitude, qui est en temps normal un défaut, va être d’élargir la boucle formée par la soie, pour former un 8.
Le lancer décalé -on devrait plutôt parler de poser décalé- reprend en termes de gestuelle, les lancers classiques (coup droit ou revers). Ce n’est qu’au moment d’effectuer l’action de poser, en abaissant la canne, qu’intervient la spécificité. En temps normal, c’est en abaissant la canne dans l’axe (de la position 14h à la position 15h) que l’on réalise le poser. L’objectif du poser décalé et de positionner le bas de ligne et la soie dans une zone hors courant. Le poser décalé est une technique fréquente en grande rivière, notamment lorsqu’on pêche face à soi, perpendiculairement à la berge, pour pouvoir poser la soie en amont. Ainsi, elle ne « survolera » le poisson qu’après le passage de la mouche. Mais surtout, elle permettra à la mouche d’évoluer plus longtemps avant que n’intervienne le dragage. On l’associe souvent à une autre technique, appelée le mending. Cette dernière consiste à relever la canne et la soie, avant de la repositionner vers l’amont. En répétant l’opération deux ou trois fois, on permettra à la mouche de réaliser une dérive naturelle sur sa zone, tout en repositionnant la soie au fur et à mesure pur qu’elle ne génère aucun dragage. Classique en grande rivière, le mending trouve rapidement ses limites sur les petites rivières et les torrents rapides. Les courants forts impliquent en effet des dérives très rapides.
C’est à un pêcheur italien, Roberto Pagliola, que l’on doit, dans les années 1970, la technique de lancer total (tecnica di lancio totale, ou TLT). Révolutionnaire à plus d’un titre, cette technique met en œuvre des cannes courtes, de l’ordre de 7,6 pieds / soie 2-3, et une méthode de lancer à bien des égards différente de tous les lancers habituels de la pêche à la mouche. Elle se caractérise par un amortissement des temps d’arrêt avant-arrière, par une translation avant-arrière de l’épaule et du bras durant le lancer, et par un fouetté très énergique visant à conserver à la soie toute son énergie durant les faux-lancers. L’objectif du lancer total (on parle également de lancer angulaire) est de réaliser le poser de la mouche avant celui de la soie. Décédé en 2018, Roberto Pagriola a proposé, de son vivant, des stages de formation en France.
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Pour ceux qui ne disposent pas d’une canne 7,6 pieds soie 2-3 adaptée au lancer total (TLT), il est possible d’utiliser une méthode inspirée de ce lancer total, qui se rapproche de celle employée dans la pêche en nymphe au fil avec les cannes 10 ou 11 pieds. Avec ce type de canne, il est possible de réaliser un « lancer direct », avec une mouche qui touchera l’eau avant la soie. Ce lancer sera réalisé à courte / moyenne distance, soit avec un angle vertical assez prononcé, favorisé par la longueur importante de la canne, soit par un lancer latéral très énergique. La longueur de soie est généralement réduite, ce qui l’apparente avec la technique du tenkara (canne mouche d’origine japonaise sans moulinet). Ce lancer est très énergique, et fait appel à un déplacement du scion sur une grande amplitude. Au-delà du mouvement du bras, c’est toute l’épaule qui accompagnera la translation de la canne. Le geste doit être zen et le rythme constant. Progressivement, vous gagnerez en simplicité et en fluidité au niveau du geste. Le Tenkara permet d’acquérir plus rapidement la bonne gestuelle du lancer qu’en utilisant un matériel classique de pêche à la mouche.
Une fois que vous avez maîtrisé l'art du lancer, il est temps de vous concentrer sur la présentation de la mouche à la surface de l'eau.
Une pointe courte sera d’autant plus rapide à subir les effets du dragage. A contrario, posée sur l’eau « en paquet », une pointe longue devra au préalable se déplier totalement avant d’être entraînée par le courant.
En fonction de votre niveau : plus la longueur bas de ligne + pointe est importante, plus votre lancer sera difficile à réaliser. Un débutant restera donc sur des longueurs modestes.
En fonction de la puissance du bas de ligne : la pointe n’est que l’élément final d’un ensemble : soie + bas de ligne + pointe. La longueur de la pointe devra donc être définie en fonction de la « puissance en amont ». Une soie puissante (4 à 5 en petite rivière) aura davantage la capacité à propulser un bas de ligne long qu’une soie légère (2 à 3). De la même manière, un bas de ligne puissant, avec des sections importantes en tête (50/100, 45/100, 40/100…) aura également la faculté de propulser, en aval, la pointe plus facilement. Attention toutefois, à conserver une bonne dégressivité sur les brins intermédiaires (30/100, 25/100, 20/100…) pour ne pas « casser » la dynamique de votre lancer. Au risque de voir votre pointe se poser systématiquement « en paquet ».
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On l’a vu, le dragage est provoqué par l’effet du courant sur la partie de la ligne qui évolue sur l’eau. C’est spécialement le cas de la soie qui, par sa densité, sera emportée plus facilement encore que le bas de ligne ou la pointe, plus fins.
Une fois votre action de lancer effectuée, relever la canne, bras tendu en l’air, va avoir pour effet de « sortir » votre soie de l’eau, au moins en partie. Cette dérive bras tendu se rapproche d’ailleurs de la gestuelle utilisée dans la pêche de la nymphe au fil. Elle n’est possible qu’à courte distance (5 à 6 mètres maximum), ce qui est souvent le cas dans les rivières rapides.
Il est impératif d’effectuer une pause entre chaque séquence de lancer ; autrement dit, il faut attendre, après que vous avez terminé votre lancer vers l’avant ou vers l’arrière, que la soie se soit déployée avant d’entamer un lancer dans la direction opposée.
Grosso modo, ce n’est que lorsque la boucle est presque arrivée à la jonction soie/bas de ligne, et qu’elle est donc sur le point de s’ouvrir complètement, qu’il convient de commencer votre geste en direction du lancer suivant.
La longueur de cette pause, toutes choses égales par ailleurs, dépend de la longueur de soie que vous êtes en train de lancer, selon le principe général suivant : lancer long, longue pause - lancer court, pause courte.
Si la pause est trop longue (figure 1 C), la soie chute et risque donc de se décaler à l’excès vers le bas (ce qui peut produire des problèmes de trajectoire), voire, horresco referens, de battre l’eau ou de toucher terre !
Une pause trop courte engendre d’autres problèmes, plus délicats à repérer, que les Gammel expliquaient à l’époque en se référant, en partie, à la « théorie du ressort ». Selon cette théorie, ce serait grâce au fait que la canne se « charge » (se plie) et se « décharge » (se déplie) comme un ressort qu’on parviendrait à propulser une soie. Des études récentes ont montré l’inanité de cette conception, encore dominante aujourd’hui. De fait, on sait maintenant que la canne agit bien davantage comme un levier - un levier qui permet de mettre en mouvement et d’accélérer une masse, la soie - que comme un ressort.
Bref, dans la perspective de la théorie du ressort, une pause trop courte a pour effet que, au moment où on commence à actionner la canne en direction du lancer suivant, une masse de soie moindre pèse sur cette dernière, laquelle se pliera donc moins (se « chargera » moins) que si la masse de la totalité de la soie bien déployée, avec le bon timing, lui avait été opposée. Il en résulterait, en toute logique, une moindre restitution d’énergie de la part de la canne : exactement comme un élastique moins tendu ou un ressort moins comprimé rendent, au final, moins d’énergie que s’ils avaient été tendus ou comprimés à l’extrême.
Technique de Lancer | Description | Conditions d'Utilisation |
---|---|---|
Lancer Arrière (Back Cast) | Lancer de base de la pêche à la mouche. | Conditions générales. |
Lancer Roulé (Roll Cast) | Utilisé lorsqu'il n'y a pas d'espace pour un lancer arrière. | Espace limité derrière le pêcheur. |
Lancer Spey | Développé pour les grandes rivières avec espace limité et courant rapide. | Grandes rivières avec courant rapide. |
Lancer Arbalète | Pour projeter la mouche sous les branches ou dans les zones difficiles. | Zones avec obstacles tels que branches basses. |
En résumé, maîtriser les techniques de lancer et de présentation est essentiel pour réussir dans l'art de la pêche à la mouche. Prenez le temps d'apprendre et de pratiquer ces compétences, et vous verrez vos résultats s'améliorer au fil du temps. Un certain seuil atteint, voilà même que le lancer mouche se transforme en un véritable plaisir, qui s’ajoute à toutes les autres excellentes raisons que nous avons d’être passionnés par la pêche au fouet. La satisfaction ressentie motive alors à pratiquer davantage, voire à s’entraîner au lancer, condition nécessaire pour… progresser encore, prendre plus de plaisir et (peut-être) davantage de poissons !
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