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Réaliser un ouvrage de 380 pages sur un fait de jeu d’un match peut s’avérer périlleux. Ben Lyttleton, journaliste anglais du Guardian, propose avec « Onze Mètres : la solitude du tireur de penalty » une anthologie du penalty.

Grâce à un regroupement de travaux scientifiques, d’entretiens palpitants et d’explications psychologiques, l’auteur nous livre un véritable roman passionnant qui recouvre 80 années de football. Les fans de ballon peuvent se réjouir, Ben Lyttleton a fait la place belle aux anecdotes.

Le Penalty : Football à l'État Pur

Comme le dit si bien l’auteur : « le penalty, c’est le football dans sa forme la plus pure : le tireur, le gardien, le ballon. Rien d’autre. » Le penalty, c’est le football dans sa forme la plus pure : le tireur, le gardien, le ballon.

Pour un premier ouvrage le journaliste anglais n’a pas pris de risques au niveau du style littéraire. Il débute toujours par un entretien accrocheur avec un joueur qui lui sert de postulat de base. Par ces déclarations il remonte vers la psychologie du tireur, le but de son étude, tout en incorporant des données statistiques.

L’alternance de longues interviews et de graphiques détaillés a de quoi surprendre. Par ce mélange audacieux, l’auteur parvient à mettre la science statique au service de l’intérêt littéraire. Par la qualité de son écriture et la remise en situation, Ben Lyttleton nous replonge aux coeurs des plus grandes rencontres.

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Les Facteurs Clés du Tir au But

On connait le rôle crucial du cinquième tireur, qui peut donner la victoire à son équipe ou emmener la séance en mort subite, mais le problème, rappelle Ben Lyttleton, c'est que la séance ne va parfois pas jusqu'au cinquième tireur - Cristiano Ronaldo l'avait expérimenté après l'élimination du Portugal aux tirs au but, face à l'Espagne, lors de l'Euro 2012. En se basant sur les travaux de Ignacios Palacios-Huerta, le chercheur anglais estime que les tirs au but les plus importants sont «le premier, le quatrième et le cinquième.

Comme nous le soulignions déjà à l'occasion de la Coupe du monde, marquer en dernier lors de la rencontre constitue un avantage significatif au niveau mental lors d'une séance du tir au but, mais il est difficile de «provoquer» ce facteur. Contrairement à ce que l'on peut penser, faire tirer ses stars n'est pas forcément une bonne idée, en raison de la pression liée à leur statut individuel, écrit de son côté le psychologue du sport Geir Jordet.

L'ordre des tireurs est également très important. L'entraîneur perdant dira toujours que c'est une loterie et qu'on ne peut rien y faire. Dans certains cas, comme David Moyes à Manchester United l'année dernière, il laissera les joueurs choisir qui tire et dans quel ordre.

Je crois fermement que l'entraîneur a une énorme effet sur leur performance - il connait l'état d'esprit des joueurs mieux qu'eux-mêmes, ou en tout cas c'est ce qu'il devrait. Il sait quels joueurs sont anxieux dans ces moments-là et lesquels restent calmes sous la pression. Il doit sélectionner ses joueurs sur ce critère (pas la capacité, l'âge, le fait qu'il soit droitier ou gaucher). Il devrait également avoir un plan B et un plan C s'il manque certains joueurs. Si Ibra se blesse, qui tirera pour le PSG?

Conseils pour les Tireurs

  • «1. 2. 3. 4. Faites de tous ces mouvements une routine absolue, surtout si vous n'êtes pas habitués à frapper des pénaltys. Mieux vaut s'arranger pour être maître de cette routine et ne pas dépendre des autres joueurs.»
  • «Il n'y a pas besoin de frapper son tir au but juste après le coup de sifflet de l'arbitre. Ce coup de sifflet est le signal que le tireur peut frapper dès qu'il se sent prêt.

C'est un problème dont souffre énormément la sélection anglaise; ils ont le temps de réaction le plus rapide entre le coup de sifflet et le début de leur course. Dernier point avant de s'élancer, ne pas avoir une course d'élan trop rectiligne, ni avec un angle trop prononcé: Felice Accame, un étudiant de l'université catholique de Milan, a analysé 122 pénaltys tirés au cours de la saison 2009/2010 de Serie A (la première division italienne) et en a conclu que c'est lorsque l'angle de la course approchait les 30° que le taux de conversion était le plus important (80%). A l'inverse, il tombait à 67% quand l'angle était plus ouvert (45°) et à 61% quand il était plus fermé (15%).

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La première chose à savoir est que vous avez un «côté naturel» pour frapper. Pour avoir de la puissance, les droitiers iront naturellement frapper côté gauche, et les gauchers à droite. Le gardien auxerrois, Donovan Léon, avait choisi à trois reprises le bon côté et avait arrêté le premier tir au but de la séance.

«Les joueurs doivent avoir une stratégie et s'y tenir. Certains aiment attendre que le gardien bouge le premier, comme Eden Hazard, et avec le temps, il se trouve que c'est la façon la plus efficace de tirer un pénalty. Mais pour ceux qui n'ont pas l'habitude de tirer, c'est une technique difficile à maîtriser.

Ces joueurs-là font souvent mieux de ne pas s'occuper du gardien, de choisir un endroit et de frapper le ballon aussi bien que possible. Les ratés arrivent souvent quand un joueur n'est pas sûr de sa stratégie: il fait des petits pas lors de sa course, le gardien ne bouge pas et il panique.

Et pour ceux qui estiment qu'il faut nécessairement choisir un côté, il ne faut pas oublier que l'axe du but peut aussi être un très bon choix puisque, comme l'a montré une étude de cinq chercheurs israéliens en 2007, les gardiens subissent un «biais pour l'action» qui fait qu'ils répugnent à ne pas choisir un côté. Ceux qui se sentent le plus à l'aise peuvent même tenter une panenka.

«Une panenka a plus de valeur [qu'un pénalty normal]. S'il est transformé, célébrez-le franchement. Enfin, Geir Jordet conseille aux joueurs qui ne tirent pas de se placer vers l'avant du rond central, de manifester leur joie avec un maximum d'entrain et de se montrer bienveillants envers ceux qui ratent au moment où ils regagnent le groupe.

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La Préparation Psychologique : Un Facteur Déterminant

Mais l’exercice du pénalty et, qui plus est, de la séance de tirs au but, se joue surtout dans la tête. La préparation psychologique est en réalité le facteur déterminant dans le succès ou non d’un gardien.

Il convient d’abord de bien comprendre la définition du mot pénalty. C’est un mot anglais qui signifie pénalité ou sanction. Autrement dit, un pénalty est une sanction suite à une faute d’un adversaire. Par contre, la séance de tirs au but est utilisée pour départager deux équipes à la suite d’un match nul. Cela n’a rien d’une pénalité.

Cependant, pour un joueur de champ, cet abus de langage prend tout son sens tant une séance de tirs au but est une épreuve psychologique pour lui. Frapper à onze mètres du but - 7,32m x 2,44m - est quelque chose de facile à réaliser lorsqu’on l’effectue à l’entrainement. Mais en situation de match, la pression augmente et nos repères sont chamboulés. Cette sensation est décuplée lors d’une séance de tirs au but.

Le livre de de Ben Lyttleton regorge de faits statistiques pour démontrer que cet exercice n’est pas simplement du au à la chance. Il pimente son bouquin en racontant des anecdotes fantastiques qui sont plus passionnantes les unes que les autres. Pour comprendre le raisonnement du tireur, ce livre explique dans le détail tout ce qu’il se passe dans la tête de ton adversaire. Et si tu arrives à comprendre son processus de pensée, alors tu prends un sérieux avantage psychologique sur lui.

Ce livre montre que l’aspect psychologique prévaut sur la technique et le physique lors d’une séance de tirs au but. Pour un tireur, s’il a peur d’échouer alors il échouera. Mais s’il voit le pénalty comme la possibilité d’être le héros alors il a de fortes de chances de réussir à le convertir. Et vice-versa, pour nous gardiens, il est primordial d’avoir une mentalité de vainqueur.

Dans son ouvrage, tu découvriras pourquoi les Allemands sont si forts lors d’une séance de tirs au but. Quels sont les secrets d’un penalty réussi ? Comment tireurs et gardiens se préparent-ils ? Comment Panenka a-t-il inventé la panenka ? Quel est le secret de Petr Cech, le gardien de Chelsea, qui plongea six fois du bon côté en finale de la Ligue des Champions 2012 ? Pourquoi Baggio a-t-il manqué son tir au but en finale du Mondial 1994 ? Pourquoi la France a-t-elle perdu à Séville ? Vaut-il mieux tirer les premiers ? Pourquoi les gardiens sont-ils si souvent d’excellents tireurs ? Pourquoi les meilleurs joueurs du monde sont-ils plus enclins à échouer que les autres ? De quel côté tirer ? De quel côté plonger ? Comment poser son ballon et doser sa course d’élan ? Comment sortir vainqueur de la guerre psychologique entre le tireur et le gardien ? Pourquoi l’échec appelle-t-il l’échec ?

Les Études de Geir Jordet sur le Stress et les Émotions

Dans son bureau, face à son écran, l’ancien footballeur Geir Jordet clique frénétiquement pour faire défiler des penalties. À l’époque, Jordet étudiait la psychologie du sport à l’École nationale norvégienne des Sciences du sport. Il venait de finir son mémoire, consacré à la vision périphérique des milieux de terrain de très haut niveau, quand il fut invité à la radio norvégienne P3 pour disserter sur la défaite de l’Angleterre.

Manifestement, Jordet est plus sensible qu’il n’en a l’air. L’université avait des contacts à la fédération néerlandaise. Et Jordet, grâce à ses travaux dans son pays d’origine, connaissait quelques internationaux suédois qui avaient évolué en Norvège. L’addition de ces contacts lui permettait de conduire un travail sans précédent sur les pensées qui traversent les joueurs pendant une séance de tirs au but.

Il put ainsi interviewer, en profondeur et individuellement, dix des quatorze tireurs de la séance qui avait conclu le quart de finale de l’Euro 2004 entre les Pays-Bas et la Suède. Il y avait eu 0-0 à l’issue de la prolongation.

Jordet put représenter le plus fidèlement possible les niveaux de stress et d’anxiété qui traversent la tête des joueurs au cours d’une telle séquence, et il put ventiler ses conclusions dans trois travaux universitaires distincts.

Les Quatre Phases d'une Séance de Tirs au But selon Jordet

Pour les besoins de ses entretiens, Jordet divisa les séances de tirs au but en quatre phases:

  1. Le temps mort après la prolongation
  2. L’attente dans le rond central
  3. La marche vers le point de penalty
  4. Au point de penalty

Ensuite, Jordet étudia la réaction de chaque joueur à chacune des phases.

Étrangement, c’est la Phase 2 qui avait suscité le plus de stress chez les joueurs, particulièrement au sein de l’équipe qui allait perdre (la Suède), dont le comportement collectif n’était pas celui d’un groupe uni, ni bavard, ni très porté sur l’encouragement mutuel. C’est dans cette phase, m’avait expliqué Gareth Southgate, que des pensées négatives avaient influencé sa performance. Seuls trois joueurs avaient utilisé la phase dite du rond central pour se concentrer sur leur propre tir au but; pour les autres, la tension grimpait à mesure que leur tour approchait.

La marche, ou Phase 3, fut beaucoup moins stressante pour les joueurs que vous l’imaginez sûrement, même si la solitude, pour trois joueurs au moins, fut la partie de la séquence la plus difficile à apprivoiser.

Seuls deux joueurs exprimèrent de l’anxiété au sujet de la Phase 4. L’un d’eux rompit avec ses habitudes en refusant tout contact avec le gardien. C’était, selon Jordet, une stratégie d’évitement très classique.

Les Leçons de l'Étude

La conclusion de Jordet, c’est que chaque entraîneur a quelque chose à retenir pour chacune des phases: à partir de la Phase 1, les joueurs aiment savoir dans quel ordre ils vont tirer; on sait que dans la Phase 2, attendre patiemment son tour suscite des émotions négatives; de la Phase 3, que la dimension solitaire de la traversée du terrain nécessite un mécanisme de protection; de la Phase 4, qu’il y a plusieurs façons de se confronter au gardien, plus ou moins bonnes.

Par exemple, l’une des équipes dont il s’occupe aujourd’hui a pour habitude de s’effondrer une fois qu’elle a encaissé un but. Ses compétences ont été convoquées pour mettre fin à ce cercle vicieux.

L'Entraînement et la Préparation Mentale

« C’est le foot et ça se joue sur un lancer de dés… », pestait Raphaël Varane, en finale de la Coupe du monde 2022. Les Bleus venaient alors de s’incliner face à l’Argentine, au terme d’une cruelle séance de tirs au but (3-3, 4-2 tab). Une fâcheuse habitude pour l’équipe de France qui avait déjà chuté dans cet exercice en finale de la Coupe du monde 2006, face à l’Italie, et en huitièmes de l’Euro 2021, contre la Suisse.

« C’est intéressant de noter que tous ceux qui ont dit que les tirs au but étaient de la chance ou une loterie étaient des coaches ou des joueurs qui avaient perdu, sourit Ben Lyttleton, journaliste britannique et auteur de “Onze mètres, la solitude du tireur de penalty”. Le terme de loterie revient, en effet, souvent dans la bouche des entraîneurs au moment d’analyser une défaite aux tirs au but.

« Un penalty a plus à voir avec la chance que le match en lui-même, reconnaît Geir Jordet, professeur à l’École norvégienne des sciences du sport et auteur de “Pressure : Lessons from the psychology of the penalty shootout”. Mais avoir ce récit est irréfléchi. Les tirs au but sont un geste technique.

Mais, du coup, comment rendre efficace l’entraînement de ces tirs au but ? Les deux spécialistes se rejoignent sur une idée : des séances doivent être organisées, à la fin des entraînements, lorsque les joueurs sont fatigués. « Vous faites deux équipes. Elles vont dans le rond central et les joueurs marchent jusqu’au point de penalty avant de tirer », détaille Geir Jordet, qui juge cet exercice « plus psychologique que physique ».

Geir Jordet insiste également sur le côté psychologique de l’exercice et encourage les joueurs à prendre leur temps avant leur tentative. « Beaucoup ne sont pas dans le contrôle. La meilleure façon de le voir, c’est la vitesse à laquelle ils frappent. C’est mieux d’attendre deux ou trois secondes, souffler un coup, garder le contrôle avant de frapper.

Selon des statistiques établies récemment par des chercheurs norvégiens, le joueur qui tire pour la victoire de son équipe marque dans 92 % des cas. Mais lorsqu'il faut égaliser et éviter la défaite, le taux de réussite tombe à 60 %.“Pour moi, c'est la découverte fondamentale à laquelle ont abouti nos travaux”, affirme Geir Jordet, professeur à l'École norvégienne des sciences du sport à Oslo. Son analyse approfondie des séances de tirs au but l'a aussi conduit à remarquer que le pourcentage de penalties réussis tend à diminuer progressivement : 86,6 % pour le joueur qui frappe le premier, 81,7 % pour le second, puis 79,3 %, et ainsi de suite. “Cela montre clairement l'impact du facteur psychologique.”

L'attention visuelle — la capacité à se concentrer sur un objectif spécifique au milieu d'une kyrielle d'informations sensorielles — a fait l'objet de recherches abouties lorsqu'il s'agit de viser : marquer un panier, lancer une fléchette dans le mille ou réussir un putt. Le principe est simple : pour bien lancer ou tirer, il faut s'exercer à regarder l'endroit visé.

Il semblerait donc qu'une conscientieuse indifférence à la présence du gardien ferait le plus grand bien aux compétiteurs du Mondial affrontant l'épreuve des tirs au but.

Les Tirs au But : Hasard ou Préparation ?

Pour beaucoup, dont Hierro, le coach espagnol, cette partie ne serait qu’une loterie, qu’un jeu à pile ou face et rien ne laisserait présager du gagnant. La finalité serait abandonnée au profit du destin et il serait totalement futile de préparer cette séance.

Et si l’entrainement et la répétition étaient essentiels voire indispensables dans la réussite et la performance aux tirs au but ? Avec le sélectionneur Gareth Southgate, la fédération a commandité une enquête et a appliqué un ensemble méthodologique à la préparation sportive et mentale des tirs au but. Les tirs au but ne sont absolument pas une loterie ou un jeu de pile ou face.

Souhaitons que nos Bleus comprennent le message et prennent quelques minutes de leur temps précieux pour se chauffer et s’entraîner.

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