Dans un monde où la technologie évolue à une vitesse vertigineuse, les armes à feu imprimées en 3D sont-elles une menace inédite ou simplement un reflet des défis contemporains ? Imaginez un instant que quiconque puisse créer une arme, accessible à tous, à partir d’un simple ordinateur et d’une imprimante. Quelles en seraient les conséquences sur notre sécurité? Comment la législation française se prépare-t-elle à affronter ce nouveau phénomène ?
Cet article plonge au cœur des enjeux juridiques entourant cette réalité troublante, en révélant les subtilités d’un cadre juridique qui tente de s’adapter aux innovations technologiques, tout en préservant l’ordre public. L’utilisation des armes à feu imprimées en 3D soulève des questions cruciales sur la sécurité publique et le droit. Au regard des récents développements technologiques, il devient indispensable de comprendre le cadre juridique entourant ces créations.
Depuis leur apparition, les armes à feu imprimées en 3D ont évolué de manière significative. Le premier modèle, le Liberator, a fait sensation mais présentait des limites en termes de sécurité. Aujourd’hui, des modèles comme le FGC-9 se révèlent redoutablement efficaces, atteignant un taux d’efficacité de 95% par rapport à leurs homologues conventionnels. Le document décrit l’évolution rapide de cette technologie : des premiers prototypes en plastique à injection unique, elle est passée en quelques années à des modèles semi-automatiques hybrides (comme le très connu FGC-9), progressant rapidement vers des produits de niveau industriel.
Une arme à feu imprimée en 3D est, comme son nom l’indique, produite grâce à des imprimantes 3D, utilisant des matériaux plastiques et parfois des composants métalliques. La fabrication additive d'armes, qui nécessitait initialement le recours à des éléments d'armes en métal, seuls à mêmes de supporter la pression d'un tir répété, s'est à la fois popularisée, par les réseaux sociaux, et fiabilisée, avec la possibilité d'impression métallique ou l'ajout de pièces disponibles en commerce de bricolage. Bien que l'impression métallique se développe, elle demeure néanmoins très onéreuse pour une utilisation individuelle et la fabrication additive concerne encore essentiellement des éléments d'armes à feu et non des armes complètes.
Le 27 mars 2020 sont publiés sur internet les plans du FGC-9 pour Fuck Gun Control 9MM (J’emmerde le contrôle des armes en français). Cette arme a été conçue par un ancien militaire allemand de 28 ans du nom de JStark1809. Le FGC9 est un fusil semi-automatique conçu à 80% en plastique, mais dont certaines pièces comme le canon sont constituées de métal pour assurer une certaine fiabilité et effectivité.
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Un pistolet-mitrailleur FGC 9 mm a été découvert dans les caves d’une cité du Val-de-Marne. Cette arme en plastique n’a rien d’un jouet. Le très dangereux FGC 9 mm est une arme qui tire par rafales et qui peut se fabriquer avec une simple imprimante 3D. Elle a été retrouvée entre les mains d’un jeune malfaiteur de 24 ans, interpellé le soir du jeudi 23 novembre à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) en flagrant délit, par les fonctionnaires de la brigade anticriminalité.
Après expertise par le département balistique de la gendarmerie, les fusils 3D seraient fiables à 95 % par rapport aux armes classiques. Seul le bout de ces reproductions létales est en métal.
En France, la réglementation relative aux armes, y compris celles imprimées en 3D, est stricte. La législation française ne fait pas de distinction entre une arme traditionnelle et une arme imprimée en 3D. Ainsi, toute fabrication, vente ou détention d’armes, qu’elles soient conventionnelles ou non, doit se conformer aux mêmes règles ! Le Code de la défense stipule que toute fabrication d’armes doit se faire sous l’autorité de l’État. Ainsi, la loi considère les armes imprimées en 3D de la même manière que les armes traditionnelles. Le fait de fabriquer une arme à partir d’une imprimante 3D, sans l’autorisation nécessaire, est passible de sanctions pénales.
Selon l’article L2332-1 du Code de la défense, la fabrication d’armes sans déclaration préalable à l’État peut entraîner des amendes et des peines d’emprisonnement. Comme l’indique l’article 222-54 du Code pénal, le transport d’une arme, même en étant détenteur légitime, est interdit sans justification valable, entraînant des sanctions drastiques.
L’article 222-59 du Code pénal stipule que fabriquer une arme, même pour un usage personnel, peut entraîner jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Acheter un fichier pour imprimer une arme est également à haut risque. L’article 222-52 du Code pénal expose des sanctions similaires à celles d’une vente d’armes illégale. Transporter une arme, même si elle est imprimée, est régi par des règles strictes. Si vous ne pouvez pas justifier d’un motif légitime, préparez-vous à un possible séjour en prison : l’article 222-54 du Code pénal prévoit jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende pour cela.
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Bien que la législation encadre strictement les armes à feu, il existe un vide juridique concernant spécifiquement les armes imprimées en 3D. Ainsi, le partage de fichiers permettant de construire ces armes est difficile à contrôler. Suite aux attentats de 2015, des projets de lois ont été proposés visant à encadrer la vente d’armes en ligne, y compris celles fabriquées en 3D. Des initiatives de réglementations se heurtent cependant aux limites de la circulation numérique des informations.
La traçabilité des armes imprimées en 3D pose un challenge majeur. L’absence de numérotation unique rend difficile leur suivi dans le cadre d’enquêtes criminelles.
La loi 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) a introduit un nouvel article dans le code pénal (art. 323-3-2) qui réprime toute fourniture de service (mise à disposition de plateforme, intermédiaire) ne permettant pas l'identification des auteurs d'actes illicites ou facilitant leurs actes. C'est sur la base de ce nouvel article que plusieurs dossiers visant ces plateformes facilitant les ventes d'armes ont déjà été initiés (armes classiques ou 3D).
Par exemple, en matière de trafics d'armes imprimées en 3D, un dossier traité par l'unité nationale cyber (UNC) en février 2024 a ainsi permis la saisie de 8 imprimantes 3D, de 7 armes complètes imprimées en 3D, et de plus de 500 pièces détachées d'armes imprimées en 3D, 11 armes de poing conventionnelles de différents calibres, 13 armes d'épaule et plus de 1 000 munitions également de différents calibres. 3 046 euros ont également été saisis en numéraire. Sur les 14 individus interpellés, 5 ont été placés sous contrôle judiciaire, 6 écroués, et un, localisé en Belgique, fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen.
Pour répondre à cette préoccupation croissante, certains fabricants d’imprimantes ont décidé de prendre les devants. Pour contrer cela, certaines entreprises d’imprimantes 3D commencent à intégrer des solutions de détection basées sur l’intelligence artificielle. Par exemple, un modèle de la société Dagoma inclut d’ores et déjà un logiciel qui bloque l’impression de fichiers d’armes. Le logiciel a d’ailleurs été publié en open source, permettant aux autres constructeurs d’imprimantes 3D de l’intégrer dans leurs machines.
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Les services du ministère de l'intérieur sont en effet attentifs à l'évolution de ce phénomène et mènent, à ce titre, un travail de veille, de surveillance et d'échange d'informations aussi bien sur le plan national que dans le cadre des instances européennes. Des discussions sont ainsi engagées au niveau de l'Union européenne pour envisager une approche coordonnée permettant de réglementer la détention et l'usage de fichiers de fabrication d'arme en 3D pour les réserver aux seuls professionnels de l'armurerie. Cette approche rejoint celle de notre réglementation nationale qui n'autorise la fabrication d'arme qu'à la seule profession réglementée d'armurier, sous peine de poursuite pénale, que l'arme soit manufacturée ou imprimée.
La France travaille étroitement avec ses partenaires de l'Union européenne afin d'harmoniser la réglementation et de renforcer les échanges d'informations sur les saisies d'armes 3D. L'agence Europol joue à ce titre un rôle clé dans la coordination des efforts transnationaux, comme cela a été le cas lors de l'opération de l'UNC pour laquelle les gendarmes ont pu compter sur le soutien de 3 représentants d'Europol et 18 policiers belges.
Parmi les mesures possibles discutées à l’échelle internationale, citons l’introduction de restrictions logicielles dans les systèmes d’impression, l’inclusion d’identifiants uniques sur les articles produits et l’utilisation d’identifiants chimiques dans les filaments pour permettre la traçabilité.
Face à cette évolution rapide des technologies d’armement, les forces de l’ordre doivent adapter rapidement leurs méthodes de détection. L’utilisation de l’IA pour détecter ces armes à l’aide de logiciels de reconnaissance visuelle est une piste prometteuse pour les séparer des armes traditionnelles. La gendarmerie nationale constate que les modes de distribution des armes conventionnelles et de celles fabriquées en 3D ont profondément évolué, avec l'utilisation privilégiée des vecteurs de communication préservant l'anonymat des membres (réseau social non coopératif avec les forces de l'ordre ; dark web).
Les forces de sécurité intérieure, en lien avec les services spécialisés de la douane, sont présentes sur l'ensemble du spectre des trafics d'armes et déploient des savoirs faire reconnus, sur le terrain comme dans le cyberespace. Le démantèlement évoqué d'un réseau de fabrication d'armes avec des imprimantes 3D illustre l'action menée.
« Depuis quelques années, nous avons mis en place un véritable commandement du ministère de l’Intérieur dans le cyberespace », se targue le colonel. Avec une sous-branche, pilotée par la gendarmerie, l’Unité nationale cyber (UNCyber). 165 personnes y travaillent à Paris et dans des antennes sur le territoire.
C’est un vrai sujet de préoccupation aujourd’hui, rétorque le colonel auprès d’actu.fr. Avant, les menaces venaient de l’extérieur, désormais, elles sont endogènes. » De là à parler de « démocratisation », le gradé tempère. « Les clients se sont rendus sur le dark web, ils ont été invités à des groupes de messageries privées sur Telegram, ce n’est pas tout le monde qui en a la capacité », précise-t-il encore.
Aux États-Unis, les premières armes du genre sont apparues en 2013. Les criminels qui vendent ces armes se sont modernisés », reconnaît le colonel. Pour 1 000 à 1 500 euros, ces derniers vendent via la plateforme Vinted aux collectionneurs et aux trafiquants de drogue des répliques ou la « Fuck Gun Control » (FCG-9) (NDLR : en français, à bas le contrôle des armes), une arme répandue de 9 mm.
En France, le démantèlement d'un réseau de fabrication d'armes 3D prouve que ce phénomène prend de l'ampleur. Selon les gendarmes, on se dirige même vers une ubérisation du marché. Ces armes ont été imprimées en 3D.
Type de matériel | Quantité |
---|---|
Imprimantes 3D | 8 |
Armes complètes imprimées en 3D | 7 |
Pièces détachées d'armes imprimées en 3D | Plus de 500 |
Armes de poing conventionnelles | 11 |
Armes d'épaule | 13 |
Munitions | Plus de 1 000 |
Argent saisi | 3 046 euros |
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