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L’impression 3D est actuellement l’une des innovations qui a le plus le vent en poupe. Longtemps réservée à l’industrie, cette technologie est désormais accessible à tous. Toutefois, comme la plupart des technologies, son utilisation peut être détournée de son but premier.

C'est une première : une arme à feu confectionnée à l'aide d'une imprimante 3D a été retrouvée en juin 2023 dans l'enquête sur une tentative d'assassinat à Marseille. Et cette fois, l'arme en question aurait servi, et c'est une première, dans un règlement de comptes à Marseille. Il s'agit d'un pistolet fabriqué à partir de plans disponibles en accès libre sur internet. Pour les spécialistes, fabriquer soi-même des armes à feu avec une imprimante 3D, voire un pistolet semi automatique, serait quasiment un jeu d'enfant.

Le 11 juin 2023, il est 1h du matin quand un groupe rassemblé rue de la Loge, tout près du Vieux-Port, est visé par plusieurs coups de feu. Les assaillants agissent sur une moto volée. Ce soir-là, aucune victime, mais dans le courant de la nuit, les enquêteurs retrouvent le deux-roues accidenté et une arme en plastique et en métal sur laquelle est gravé "Fuck Gun Control"("J'emmerde la législation sur les armes à feu"). Est-ce l'arme qui a servi le 11 juin lors de ce règlement de comptes raté ? Pas encore de certitude, mais les douilles retrouvées correspondent au calibre.

L'inquiétude face à la prolifération des armes imprimées en 3D

De plus en plus nombreuses, intraçables, faciles à fabriquer et peu chères, les armes imprimées en 3D inquiètent les autorités. Depuis quelques années, les armes imprimées en 3D ont fait leur apparition dans l'Hexagone et sont devenues une source d'inquiétude pour les autorités.

« L’objectif était de chercher de la drogue, des armes ou des motos volées que les dealers pensent pouvoir garder en sécurité dans leur fief, précise un commissaire de police. C’est une stratégie de harcèlement mise en œuvre par le ministère de l’Intérieur en accord avec la justice et les bailleurs sociaux ». Dans une cave, les agents mettent la main sur un pistolet-mitrailleur noir. « Il s’agit d’une arme longue FGC (fuck gun control) 9 mm ».

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En effet, en 2013, un distributeur américain a mis en ligne les modèles 3D des pièces permettant la fabrication d’un pistolet en plastique, capable de tirer à balle réelle.

Les différentes catégories d'armes imprimées en 3D

Il n'y a pas une, mais trois catégories différentes d'armes imprimées en 3D, classées en fonction de leur efficacité, de leur facilité à produire et de leur coût de production.

  • Les armes totalement fabriquées en 3D, les "Fully 3D Printed Weapon". "Ce sont des armes très faciles à fabriquer, ça nécessite seulement une imprimante, mais elles ne peuvent tirer qu'un ou deux coups", décrit l'expert en balistique. "Ce sont les plus faciles à faire mais les moins fiables."
  • Les armes hybrides, faites avec des pièces imprimées en 3D et des pièces métalliques, qui ne sont pas des pièces d'armes. "Ce sont des pièces accessibles à tout le monde, que vous pouvez trouver en quincaillerie", poursuit Antoine Museau.
  • Les armes "PKC" pour "Parts Kits Completion". Il s'agit d'armes fabriquées en partie avec une imprimante 3D et avec des éléments d'armes traditionnelles - "généralement le canon, en vente libre dans certains pays", ajoute le spécialiste.

« Elles sont apparues aux États-Unis en 2020 pour contourner la législation sur le contrôle des armes », ajoute-t-il. « Ce sont des armes plus efficaces, qui fonctionnent mieux, mais elles ont une durée de vie limitée, entre une dizaine et une centaine de coups, et certains coups ne partent pas », détaille l’expert de l’IRCGN. « Ce sont des armes très efficaces. Elles sont fiables, fonctionnelles et durables », explique Antoine Museau.

L'absence de traçabilité et la facilité d'accès : un cocktail explosif

Ce qui complique le travail des enquêteurs, c'est que ces armes fabriquées en 3D, de manière illégale, n'ont pas de numéro de série. En d'autres termes, elles sont intraçables. Les armes se revendent sur le dark web beaucoup moins cher - entre 1.000 et 1.500 euros - que les armes traditionnelles.

Mais la crainte que produit ce phénomène tient essentiellement à leur intraçabilité et à leur discrétion. C’est avec une arme imprimée qu’un terroriste antisémite a pu commettre l’attentat du 9 octobre 2019 à Halle-sur-Saale en Allemagne faisant deux morts et deux blessés graves.

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Lors de leur enquête, les cybergendarmes ont d'ailleurs découvert qu'une partie des livraisons d'armes fabriquées en 3D se faisaient par colis, en pièces détachées, parfois même sur Vinted et avec des paiements en cryptomonnaie.

« Elles sont surtout très faciles d'accès et elles ne sont pas chères. On risque de mettre dans les mains de personnes très jeunes des armes qui sont en mesure de tirer des munitions réelles et donc tuer », met-il en garde.

La législation française face aux armes imprimées en 3D

Concernant la législation française, il n’y a pas de distinction particulière entre une arme imprimée en 3D et une arme « conventionnelles. » Sans autorisation étatique, la sanction pour fabriquer une arme en 3D pour son usage strictement personnel est donc mentionnée à l’article 222-59 du Code pénal.

La loi française est bien faite sur ce plan. A partir du moment où l’objet est fabriqué pour lancer des balles ou cartouches au moyen d’un mécanisme, c’est une arme à feu classée en catégorie B si c’est une arme de poing pour le tir, en A si c’est une arme de guerre.

En France, en 2016, des députés Les Républicains avaient soumis une proposition de loi autour des impressions 3D en général, mais elle n'avait pas abouti, ce texte ne faisant que rappeler des dispositions légales déjà existantes.

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A la suite des attentats de 2015 en France, un projet de loi signé par Bernard Cazeneuve et Christine Taubira visant à encadrer la vente d’armes sur internet fut transmis au Conseil de l’Union européenne. Ce texte prévoyait d’empêcher le partage des fichiers 3D qui permettent d’imprimer ce type d’armes.

Les actions entreprises pour lutter contre ce phénomène

Début février 2024, un important réseau de fabrication d’armes à feu imprimées en 3D fut interpellé par la Police nationale.

Bien que l'impression métallique se développe, elle demeure néanmoins très onéreuse pour une utilisation individuelle et la fabrication additive concerne encore essentiellement des éléments d'armes à feu et non des armes complètes. Les forces de sécurité intérieure, en lien avec les services spécialisés de la douane, sont présentes sur l'ensemble du spectre des trafics d'armes et déploient des savoirs faire reconnus, sur le terrain comme dans le cyberespace.

Des discussions sont ainsi engagées au niveau de l'Union européenne pour envisager une approche coordonnée permettant de réglementer la détention et l'usage de fichiers de fabrication d'arme en 3D pour les réserver aux seuls professionnels de l'armurerie. La loi 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) a introduit un nouvel article dans le code pénal (art. 323-3-2) qui réprime toute fourniture de service (mise à disposition de plateforme, intermédiaire) ne permettant pas l'identification des auteurs d'actes illicites ou facilitant leurs actes.

La France travaille étroitement avec ses partenaires de l'Union européenne afin d'harmoniser la réglementation et de renforcer les échanges d'informations sur les saisies d'armes 3D. L'agence Europol joue à ce titre un rôle clé dans la coordination des efforts transnationaux.

La solution se trouverait alors peut-être du côté des constructeurs d’imprimantes 3D. En effet, certains d’entre eux déjà pris des mesures pour lutter contre ce phénomène grandissant. Le logiciel a d’ailleurs été publié en open source, permettant aux autres constructeurs d’imprimantes 3D de l’intégrer dans leurs machines.

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