Le Vieux Fusil, réalisé par Robert Enrico, est un film marquant et controversé du cinéma français des années 70. Sorti en 1975, il a suscité de vives réactions, allant de l'admiration à la condamnation. Ce film explore les thèmes de la violence, de la vengeance et de la mémoire, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale.
L'action du film se déroule dans le Sud de la France durant l’été 1944, après le débarquement américain. Très librement inspiré de massacres tels que celui d’Oradour-sur-Glane, Le Vieux Fusil est un film magnifique, lourd, intense, dérangeant et sinistre. Le scénariste Pascal Jardin s'est inspiré du massacre d'Oradour-sur-Glane, où 642 civils furent assassinés par des membres du régiment Der Führer. Robert Enrico décide de déplacer l’intrigue et choisit de raconter l’histoire d’un médecin qui part venger la mort de sa femme et de sa fille, sauvagement assassinées par des SS, juste après le débarquement de juin 1944.
Montauban, été 1944 : le chirurgien Julien Dandieu (Philippe Noiret) essaye de continuer son travail, malgré la pression de la Milice, en préservant son épouse Clara (Romy Schneider) et sa fille Florence. Afin de mettre celles-ci à l'abri jusqu'à la fin de la guerre, il les envoie se réfugier dans le château familial de la Barberie. Or quand il veut les rejoindre, il découvre avec horreur que la division SS Panzer Das Reich a massacré tous les habitants du village voisin. Le bon docteur retrouve les cadavres de sa femme et sa fille. Fou de colère, Dandieu retourne au village où il détruit les idoles dans l’église. Utilisant le vieux fusil de son père, il élimine les Nazis l’un après l’autre à coups de chevrotines.
Julien Dandieu est un homme plutôt sympathique, tout en rondeur. Un professionnel de santé exposé à la souffrance du quotidien. Même s’il apporte un soutien discret à la Résistance, il ne s’engage pas. La guerre est en train de le transformer. Cet homme qui a pour habitude de sauver des vies condamne désormais les bourreaux de sa femme et de sa fille à la peine de mort. Il devient le vengeur, machine à broyer l’ennemi.
Romy Schneider est exceptionnelle dans ce rôle. Lumineuse, radieuse, elle incarne plus qu’un personnage : une lumière. Cette lumière donne la vie autour d’elle. Si, en nombre de minutes, Romy Schneider est peu présente à l’écran, son personnage est pourtant le centre même du film. C’est son souvenir qui va guider le docteur dans son expédition vengeresse.
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La violence change de visage avec les époques, mais elle perdure. La barbarie de la guerre est en train de le transformer. Robert Enrico ne cherche pas spécialement à prendre des pincettes quand il s’agit de décrire ou les massacres perpétués par la division nazie ou la séquence d’assassinats vengeurs de Dandieu : il y opte à la fois pour des mécaniques de film de genre (avec une représentation explicite des choses, y compris les plus sanglantes) et de mélodrame (en opérant sur le contraste entre la violence des actions et la douceur des souvenirs, pour mieux susciter l’émotion).
Le médecin pacifiste va se transformer en un meurtrier méthodique. Julien pousse le vice jusqu’à mentir aux Partisans pour mieux en finir avec les Nazis, seul. Julien fait le ménage. Il liquide tous les Nazis de sang froid, sans dire un mot. Cet homme qui a pour habitude de sauver des vies condamne désormais les bourreaux de sa femme et de sa fille à la peine de mort. Il devient le vengeur, machine à broyer l’ennemi.
Une fois. Il se refait le film des événements. S’en veut. Les femmes de sa vie, celles qu’il se devait de protéger, sont mortes par sa faute. Il les a abandonnées. Sa culpabilité est énorme, sa colère sourde. Pendant qu’il prépare sa vengeance contre les soldats nazis, Dandieu va être assailli par les souvenirs de sa femme, sa rencontre avec elle, sa petite vie de famille de bon père bourgeois de province avant la guerre, etc.
Dans Les Cahiers du Cinéma, Jean-Pierre Oudart parla à la sortie d’un « film abject », relayé des années plus tard par Louis Skorecki, dans Libération, évoquant « les indécences obscènes » du film. Il est reproché au film de faire la promotion de la loi du talion. Forcément, cette violence dérange. Une partie de la critique parle d’indécence, choquée par l’aspect insoutenable de cette chasse à l’homme que le cinéaste assume pleinement et que le public (et les professionnels) salueront de concert.
En 1975, Le Vieux fusil réunit 3 365 471 spectateurs. C’est le cinquième meilleur résultat de l’année au box-office France. Le film triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique (à titre posthume pour François de Roubaix, disparu peu avant). En 1985, Le Vieux fusil sera élu comme César… des César par la même profession.
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Catégorie | Détails |
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Réalisateur | Robert Enrico |
Acteurs principaux | Philippe Noiret, Romy Schneider |
Année de sortie | 1975 |
Inspiration | Massacre d'Oradour-sur-Glane |
Récompenses | César du meilleur film, César du meilleur acteur, César de la meilleure musique |
Pour avoir cet effet glaçant qu’il ne lâche pas tout au long du film, le réalisateur joue sans cesse avec l’image, le son, la musique, mais aussi les contrastes. On se souvient du bruit du lance-flamme, de la musique effroyable qui le précède, puis des rires des bourreaux lorsqu’ils visionnent de vieilles archives familiales, dans une séquence à la fois cynique et voyeuriste. Le réalisateur sait comment tenir son public, appuie sur la plaie pour mieux l’impliquer et saisir le traumatisme.
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