Les stomies digestives sont fréquemment réalisées et nécessitent une prise en charge périopératoire rigoureuse pour minimiser les complications et améliorer la qualité de vie des patients. Cet article met à jour les recommandations de pratique clinique françaises pour la prise en charge périopératoire des stomies digestives et de leurs complications précoces et à distance.
Depuis les premières stomies digestives rapportées au XVIIIe siècle, la prise en charge périopératoire des patients stomisés a énormément évolué. Actuellement, on compte entre 80 000 et 130 000 patients stomisés en France. Outre les stomies urologiques, ou les stomies digestives à visée nutritionnelle (gastro- et jéjunostomie), les stomies digestives de dérivation fécale sont très fréquemment réalisées. Elles peuvent être temporaires ou définitives, concerner l’intestin grêle ou le côlon et être terminales, latérales ou en canon de fusil (double stomie). Quels que soient le contexte, l’indication ou le type de stomie, des complications stomiales peuvent survenir de façon précoce (10-60 %) ou tardive (25 %), et peuvent nécessiter des reprises chirurgicales. Une stomie temporaire peut aussi devenir définitive.
Aussi, le positionnement et la confection de la stomie doivent respecter des critères bien définis pour réduire les complications stomiales, et/ou les difficultés d’appareillage de la stomie, et ainsi améliorer l’autonomie et donc la qualité de vie du patient stomisé. De plus, l’impact psychologique de la stomie est tel qu’une éducation débutée en préopératoire, puis régulièrement en postopératoire est indispensable.
L’objectif de ce travail est donc d’établir des recommandations de bonnes pratiques cliniques sur les stomies digestives de l’adulte, à partir des données de la littérature. Ne seront pas traitées dans ce travail les stomies de l’enfant, les stomies urologiques, les stomies à visée nutritionnelle (gastrostomie et jéjunostomie) ni les stomies rares (Koch, périnéale pseudocontinente). De plus, les indications des stomies étant variables et évolutives avec les progrès des traitements médicaux et de l’imagerie, elles ne seront pas non plus traitées. Enfin, le contexte particulier du syndrome du grêle court (insuffisance intestinale) avec ses complications spécifiques ne sera pas abordé.
La méthodologie proposée est issue d’une réflexion au sein du conseil d’administration de la Société nationale française de coloproctologie (SNFCP), en partenariat avec la Société française de chirurgie digestive (SFCD), en s’inspirant de la méthodologie Haute Autorité de Santé.
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Pour chaque question, une analyse systématique de la littérature (française et anglaise) a été réalisée entre janvier 2000 et mai 2022 à partir des bases de données Cochrane et Medline avec possibilité d’un tri manuel supplémentaire (sans limitation de date), et des recommandations des principales sociétés savantes. Les recommandations PRISMA sont respectées [3] avec des critères d’inclusion et des critères d’exclusion des articles retenus. À l’issue de cette revue de la littérature, des recommandations concises, gradées, non ambigües et répondant aux questions ont été proposées, avec un grade de recommandation :
Cinq parties ont été définies pour couvrir la prise en charge globale des patients adultes avec stomie digestive :
La revue de la littérature a permis d’identifier sept essais contrôlés randomisés et neuf études rétrospectives rapportant des programmes d’éducation préopératoire. L’ensemble des programmes rapportés montrait la nécessité de l’intervention d’une infirmière stomathérapeute lors du programme d’éducation. Les précédentes recommandations à ce sujet sont assez univoques sur le fait que cette éducation doit être dispensée par une équipe médicale et paramédicale de stomathérapeutes spécialisés.
Les données de la littérature sont unanimes sur l’intérêt de commencer l’éducation préopératoire, par une équipe paramédicale et médicale spécialisée, avant la confection de la stomie. La majorité des programmes publiés intègrent et montrent, de façon significative, que la participation active de l’entourage du patient réduit la durée d’apprentissage et d’hospitalisation. Les programmes rapportés dans la littérature incluent le recours à des associations de patients, une éducation préopératoire à domicile par des stomathérapeutes, l’utilisation de support multimédia ainsi que des mises en situation. Ces différentes études rapportent une amélioration en termes de rapidité d’autonomie, de qualité de vie et de coût.
Trois méta-analyses publiées en 2020 et 2021 ont évalué l’intérêt du marquage préopératoire de la stomie sur les complications postopératoires. Dans la méta-analyse coréenne de Kim et al., ayant inclus 19 études prospectives et rétrospectives observationnelles ou cas-contrôle, une réduction du taux de complications globales de 53 % et du taux de complications cutanées de 59 % était rapportée lorsque la stomie était marquée en préopératoire. Sur la base de 2 études prospectives et 1 étude cas-contrôle, l’autonomie du patient était jugée meilleure lorsque la stomie avait été marquée en pré- opératoire (Odds ratio (OR) = 0,33, intervalle de confiance à 95 % (IC95 %) : 0,17-0,64). L’ensemble des données prospectives et rétrospectives de la littérature suggère une amélioration de la qualité de vie quel que soit l’outil d’évaluation utilisé en cas de marquage préopératoire de la stomie.
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Peu de données dans la littérature ont évalué l’impact du type de professionnel réalisant le marquage préopératoire de la stomie. Une étude observationnelle de 140 patients avec colostomie définitive a comparé l’impact sur la qualité de vie des patients en fonction du type de professionnel ayant réalisé le marquage selon le modèle suivant : pas de marquage vs marquage par un(e) infirmier(ère) stomathérapeute vs chirurgien vs « professionnel non spécialisé ». Le marquage par un(e) stomathérapeute ou un chirurgien était associé à un meilleur score de qualité de vie.
Lors de la présente analyse de la littérature, aucun essai contrôlé randomisé comparant la position adéquate exacte d’une stomie par rapport à des repères anatomiques n’a été identifié. Une série de cas a conclu que, pour s’assurer qu’un site de stomie soit au-dessus de la ligne arquée de la gaine postérieure du muscle grand droit (jonction des deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de la gaine), son centre devrait être à au moins 4 cm au-dessus d’une ligne horizontale passant par les épines iliaques supérieures antérieures. La stomie doit être visible pour être accessible aux soins en autonomie. Sa position doit être à distance des plis cutanés physiologiques de l’abdomen, des reliefs osseux, de l’ombilic ainsi que des drains et cicatrices.
Le marquage de la stomie doit être réalisé après examen du patient debout puis assis, de face et de profil (d’autant plus chez les sujets obèses). Le site de la stomie ne doit pas être réalisé dans un pli ou creux de l’abdomen.
L’étude randomisée de phase 1 PATRASTOM a évalué l’intérêt et la sécurité d’un passage latéro-pararectal d’une iléostomie de dérivation en chirurgie élective comparé au passage transrectal, dans une population de 60 patients. L’analyse des données disponibles n’a pas mis en évidence de différence significative en termes de d’éventration péristomiale (latéro-pararectal = 19 % vs transrectal = 14 %, risque relatif (RR) = 1,34 ; IC95 % : 0,40-4,48 ; p = 0,725). Une méta-analyse de la Cochrane Library n’a pas mis en évidence de différence de taux d’éventration péri-stomiale (RR = 1,2 ; IC95 % : 0,84-1,75).
Ces complications surviennent rapidement après la confection de la stomie. « Les complications précoces sont assez rapides et présentent des signes d’alerte. Pour le moment, les durées d’hospitalisation de plus en plus courtes permettent encore de repérer ces problèmes.
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L’autonomie et la qualité de vie de la personne « stomisée » dépendent d’une bonne autogestion de l’entérostomie et donc des compétences qu’elle a acquises.
La formation du patient aux soins de stomie a pour objectif de lui redonner une autonomie optimale compte tenu de ses possibilités. « Il est impossible de présager des capacités du patient et de sa réaction après l’opération. La moitié des patients font un malaise ou manifestent une réelle détresse lors de la première toilette avec la stomie », souligne Martine Pagès, stomathérapeute au CHU de Nîmes (Gard). « Le rôle de l’infirmière stomathérapeute est de favoriser l’expression des émotions du patient grâce à une approche progressive des difficultés rencontrées car le patient stomisé doit réaliser un véritable travail de deuil face aux répercussions de la stomie, telles que la perte de l’intégrité physique ou de la continence », ajoute-t-elle. Les réactions restent très variables d’un patient à l’autre. Pour certains patients, la stomie est perçue comme insupportable, honteuse, voire inacceptable. D’autres, plus à l’aise avec l’apprentissage technique des soins, “récupèrent” plus rapidement une autonomie.
« Un accident de poche ou une complication peut toujours déstabiliser une adaptation à la stomie considérée comme acquise », prévient Martine Pagès. Ce qui peut entraîner le plus souvent un repli sur soi, voire une dépression. L’infirmière à domicile peut ainsi repérer par exemple les personnes qui ne se rendent plus aux repas chez leurs enfants sous des prétextes divers, ou qui ne font plus leurs courses dans les magasins.
Le retour à domicile est souvent une étape difficile pour le patient. Il doit être préparé et accompagné avant la sortie de l’hôpital par la stomathérapeute, qui évalue ses besoins en collaboration avec le chirurgien. Conseils pratiques et informations sur la surveillance sont communiqués au patient et une ordonnance pour le matériel, un rendez-vous de consultation et les coordonnées du service et de la stomathérapeute ou de l’infirmière référente lui sont remis. En l’absence d’autonomie suffisante, le patient aura également une prescription pour l’infirmière libérale. Un aidant peut être sollicité et formé pour aider et pallier les déficiences de la personne stomisée.
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