Il n'y a pas toujours eu que la télé et les réseaux sociaux. Cinquante ans avant les «clashs» sur le petit écran ou la toile, les hommes politiques n'étaient pas avares de petites phrases assassines et d'injures qui claquent.
Le 20 avril 1967, sur les bancs du Palais Bourbon en plein débat de l’Assemblée nationale, Gaston Defferre député socialiste des Bouches-du-Rhône et maire de Marseille, traitait René Ribière, député gaulliste du Val d’Oise , d’« abruti ».
Ce jeudi-là, le Premier ministre Georges Pompidou répond du haut de la tribune de l'Assemblée nationale dans une ambiance tumultueuse. François Mitterrand l'interrompt, provoquant un chahut dans l'hémicycle au sein de la majorité. Parmi les plus virulents, le gaulliste René Ribière, député d'Enghien-Montmorency (Val-d'Oise).
«Taisez-vous, abruti !» explose Gaston Defferre, le maire de Marseille, président du groupe socialiste. Un peu plus tard, la séance est enfin close mais pas l'incident. Ribière rejoint dans la salle des quatre colonnes Defferre, qui maintient son propos.
L’offenseur, Gaston Defferre, refuse de s’excuser pour ses mots un peu véhéments à l’égard de son collègue de l’Assemblée. L’insulté décide donc qu’il s’agit d’une affaire d’honneur… devant être « réparée par les armes ».
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«Je vous en demanderai réparation», défie l'offensé qui envoie dans la foulée ses deux témoins annoncer le choix des armes à l'offenseur. Ce sera l'épée.
En toute illégalité, le Général de Gaulle, agacé, s'en mêle et Jacques Chaban-Delmas, le président de l'Assemblée, reçoit tour à tour les témoins des deux parties pour tenter de les dissuader. En vain.
«Je veux faire ça très vite, demain matin, car je dois être l'après-midi à Marseille», réplique Defferre, qui qualifie l'affaire de « grotesque et ridicule ». Et promet de le toucher aux testicules pour le rendre «inapte» à son mariage... prévu le lendemain.
Rendez-vous est donc pris en toute illégalité pour le lendemain, à l'aube, dans un lieu tenu secret. Depuis Richelieu en effet, les duels sont formellement interdits. A défaut d'habits de protection, les duettistes seront-ils au moins couverts par l'immunité parlementaire ? «Les auteurs sont rarement poursuivis lorsque le duel n'est pas suivi de mort», commente le jour même un avocat à la radio.
Le lendemain en début d’après-midi, les journalistes se pressent dans le jardin d’une résidence de Neuilly-sur-Seine pour entrevoir ce duel anachronique et ubuesque entre les deux hommes politiques.
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Après une course folle pour semer les journalistes et éviter la police, les deux parlementaires et leurs témoins parviennent à rejoindre une résidence privée de Neuilly-sur-Seine.
Épée à la main et chemises retroussées, les deux hommes s’accordent sur un duel au premier sang (les duels à mort n’existent de toute façon plus depuis bien longtemps, et personne ici n’a envie d’y laisser sa peau).
Le duel peut commencer, sous l'œil d'une caméra complice. Bien décidé à ne «pas s'arrêter au premier sang », et nettement plus habile, Deferre touche son adversaire une première fois au bras droit. A la deuxième estafilade, Ribière rend les armes. Le combat a duré quatre minutes.
La première goutte de sang est versée au bout de seulement quelques minutes et quelques coups de fer échangés : il s’agit du sang de René Ribière, celui-là même qui s’est fait insulter la veille et a défié son concurrent en duel.
Vainqueur, Gaston Defferre refusera de serrer la main de son adversaire et réitérera son insulte avec plus de verve encore.
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«Non, je n'étais pas vert de peur, comme l'affirme Monsieur Defferre, démentira le perdant dans les colonnes du Parisien libéré, le lendemain. J'ai montré qu'un député de la gauche ne peut insulter un autre député sans se retrouver devant une épée ou un pistolet. L'affront doit être lavé dans le sang et, pour moi, il l'a été », assure-t-il, regrettant «le manque d'esprit sportif » de son adversaire qui a «refusé de lui serrer la main».
Dans le journal paru le jour des noces, le couple pose en Une : on y voit Madeleine Darce, sa promise, soigner les blessures superficielles de son député-chéri tandis qu'en page intérieure, Gaston Defferre enfonce - une nouvelle fois - le clou : «Il reste un abruti, c'est congénital. »
L'après-midi même, il file en Gironde pour se marier.
Au lendemain du duel, l'épouse de René Ribière panse ses plaies Le Parisien «Si j'ai bonne mémoire, ils s'étaient réconciliés », se souvient un demi-siècle plus tard André Petit, maire (UDF) d'Eaubonne de 1965 à 2001. A 95 ans, il s'amuse encore de l'épisode. «Les gens rigolaient un peu, on parlait de lui en l'appelant le duettiste.
Le duel entre Gaston Defferre et le député Ribière en 1967. « si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi ». Vieille invention des mecs pour se rendre intéressants il faut bien le dire. Même si on se souvient du duel d’Achille et Hector pendant la Guerre de Troie, c’est au Moyen Âge qu’apparaît le duel comme nous le connaissons.
C’est une manière de savoir qui a raison ou qui a tort. Les deux parties s’affrontent et Dieu donne la victoire à celui qui gagne. C’est à la Renaissance qu’arrive ce qu’on appelle « le point d’honneur » autrement dit le duel basé sur la susceptibilité.
Vous vexez le gaillard, vous refusez de vous excuser, il vous provoque en duel et vous vous affrontez « sur le pré ». Il y a eu des duellistes célèbres, par exemple l’astronome Tycho Brahé, en 1566, qui perd son nez et le remplace par un nez d’or.
En 1787, le chevalier d’Éon, habillé en femme, affronte le chevalier de Saint-Georges devant le « tout Londres » et gagne. Alexandre Dumas affronte Frédéric Gaillardet un de ses collaborateurs au sujet de la paternité d’un roman. Victor Hugo, lui-même, combat un garde du corps à Versailles en 1821.
À l’épée au départ, au pistolet ensuite, codifié dans des livres de spécialistes, le duel est pourtant interdit très tôt, notamment par Louis XIII qui n’hésite pas à faire couper la tête à François de Montmorency parce qu’il a participé à un duel.
En 1832, Évariste Galois, mathématicien de génie, provoque un duel pour l’honneur d’une femme « dont il se crut aimé » nous dit-on et meurt à seulement 20 ans.
Le dernier a lieu en 1967 Il met aux prises deux hommes politiques. Gaston Deferre, à l’époque député-maire de Marseille, et René Ribière, député gaulliste du Val d’Oise, suite à une insulte à l’Assemblée. Un journaliste rapporte « Ayant déjoué la police et presque toute la presse, adversaires, juges et témoins se sont retrouvés sous les ombrages d’une résidence privée de Neuilly. Liant le fer, marchant, poussant sa botte enfin, Monsieur Deferre touchait son adversaire à l’avant-bras, versant le premier sang » Gaston Deferre blesse son adversaire et gagne son duel.
Ribière se marie le lendemain. Depuis, nos politiques se contentent de duels verbaux. Ils ont raison. C’est quand même moins risqué.
Le dernier duel ne restera dans l'histoire que... Il y a cinquante-cinq ans, le 21 avril 1967, avait lieu le dernier duel connu en France, celui des députés Gaston Deferre et René Ribière.
S’affronter à l’épée ou au pistolet est une tradition française qui n’a heureusement plus cours de nos jours.
Souvent représenté dans les films de western, le duel au pistolet oppose deux hommes dans un combat à distance. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, c'était une coutume courante pratiquée par l'aristocratie pour régler un différend.
Pour qu'un duel au pistolet ait lieu, il devait y avoir un motif valable et une organisation préalablement définie par écrit. Celui qui demandait à venger son honneur était appelé l'"offensé". Celui qui était à l'origine de l'affront se nommait l'"agresseur".
Les témoins qui assistaient aux provocations en duel pouvaient plaider en faveur de l'offensé ou non. Le but d'un duel au pistolet est de tirer sur son adversaire pour le blesser ou l'abattre. Le résultat permet de déterminer qui rétablit sa réputation.
Au début d'un duel au pistolet, les adversaires doivent se séparer d'une trentaine de pas. Leurs armes ont été préalablement scellées dans une boîte pour éviter toute tricherie. L'arbitre de la rencontre est tenu de charger les armes de trois balles maximum devant les combattants et les témoins.
Une fois les duellistes placés, ils doivent attendre le signal du directeur du combat pour pouvoir tirer. Après chaque coup, ils doivent s'avancer d'un certain nombre de pas, puis tirer à nouveau.
Selon les règles du duel, l'arme peut être tenue soit avec le canon en l'air, soit le long du corps. S'il s'agit d'un duel au premier sang, le combat s'arrête quand l'un des deux adversaires est blessé. Dans le cas d'un duel à mort, il prend fin quand l'un des duellistes succombe.
Un duel d'honneur au pistolet ne peut pas débuter immédiatement après le conflit entre l'agresseur et l'offensé, mais la rencontre doit avoir lieu dans les 48 heures. Les armes d'un duel au pistolet sont choisies avant la rencontre.
Ni l'agresseur ni l'offensé n'ont le droit d'utiliser des armes et des balles non réglementaires. La fiabilité des pistolets est vérifiée au préalable par une tierce personne.
Les duellistes ne peuvent pas tirer avant le grand retentissement de l'arbitre, sinon il s'agirait d'un acte de tricherie. Il ne doit y avoir aucune intervention des témoins ni de quiconque pendant un duel au pistolet.
L'agresseur n'a pas le droit d'annuler le combat après avoir accepté un duel, sauf s'il présente ses excuses et si l'offensé les prend en compte.
Le cardinal Richelieu, ministre du roi Louis XIII, a promulgué un édit interdisant les duels le 6 février 1626. Quelques mois plus tard, le 2 juin, il prend la décision de punir de mort les duellistes récidivistes.
Malgré les avertissements, le duel au pistolet, le duel au sabre et le duel avec d'autres armes ont persisté un peu partout en France. Plus de 200 hommes ont péri dans un duel à mort entre 1826 et 1834.
Alors que le Grand Palais accueillera cet été les épreuves d'escrime lors des JO 2024, le Musée de l'Armée, à Paris, inaugure dès ce mercredi une grande exposition baptisée «Duels. L'art du combat», labellisée Olympiade Culturelle.
À cette occasion, retour sur les 5 face-à-face qui ont marqué l’histoire de France.
Et l’écrivain Marcel Proust s’est également battu en duel ? Eh oui ! Lui, le malade chronique, asthmatique, chétif, pâle… Proust s’est aussi battu pour laver son honneur bafoué ! Nous sommes en 1897.
Le 6 février 1897, ils se présentent au bois de Meudon, dans un endroit retiré dénommé la Tour de Villebon, dans « l’allée des duels », où se retrouvent discrètement ceux qui veulent en découdre à l’épée ou au revolver. L’allée des duels.
Ses deux témoins sont le peintre Jean Béraud et le maître d’armes Gustave de Borda. Les deux adversaires se préparent, puis se font face. Deux balles sont tirées sans conséquences. Le duel est déclaré terminé. Les adversaires se séparent sans se serrer la main.
Toute sa vie, Proust fut fier de ce fait d’armes, comme il le fut en recevant, le lendemain du duel, une lettre de madame Armand de Caillavet, avec ces mots : « Je vous embrasse parce que vous avez été si brave et que vous nous revenez sain et sauf de cette aventure.
Date | Duellistes | Arme | Issue |
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21 avril 1967 | Gaston Defferre vs René Ribière | Épée | Victoire de Defferre |
29 décembre 1386 | Jean de Carrouges vs Jacques Le Gris | Armes médiévales | Victoire de Carrouges |
10 juillet 1547 | Seigneur de La Châtaigneraie vs Baron de Jarnac | Épée | Victoire de Jarnac |
Vers 1690 | Mademoiselle de Maupin vs Louis-Joseph d'Albert de Luynes | Épée | Blessure de Luynes |
1794-1813 | François Fournier-Sarlovèze vs Pierre Dupont de l’Etang | Divers | Victoire finale de Dupont |
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