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Nous, associations et collectifs de patientes, syndicats de professionnel.les de santé, dénonçons le climat misogyne, homophobe et raciste qu’instaure la culture carabine au sein des services hospitaliers et auprès des patientes. La culture carabine, propre à la médecine française, s’inscrit bien dans la continuité du système patriarcal.

Cela est d’autant plus insupportable que cette ambiance carabine misogyne se traduit par des violences sexistes et sexuelles au sein de la profession et contre les patientes. D’après une étude de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), la moitié des étudiantes en médecine déclarent avoir subi des remarques sexistes lors de leurs stages et 40 % d’entre elles y ont été victimes de harcèlement sexuel.

Comment pouvons-nous encore penser que la culture dans laquelle chaque interne évolue et doit se conformer pour faire corps n’a aucun impact sur sa pratique de la médecine ? Si entraide il y a, elle est au bénéfice des agresseurs. La culture carabine sert la justification des violences sexistes et sexuelles en minimisant leur ampleur et en cultivant l’omerta pour réduire au silence les victimes.

Après les campagnes #metoo, #balancetonporc, #payetonutérus, #payetablouse, et les différents scandales de violences obstétriques et gynécologiques, des associations, collectifs de patientes, syndicats de professionnel.les de santé ont été lassés par l’incapacité des pouvoirs publics et des centres hospitaliers et universitaires (CHU) à agir. Ils ont multiplié pétitions et tribunes qui sont restées lettre morte.

C’est la raison pour laquelle des actions en justice ont été conduites aux CHU de Toulouse puis de Rennes pour faire interdire les fresques pornographiques se trouvant dans les internats de médecine. Forte de l’ordonnance du tribunal administratif de Toulouse dans laquelle le juge a estimé que « le caractère pornographique des fresques dont l’enlèvement est demandé, représentant des agents de service public, hommes comme femmes, se livrant à des actes sexuels dans des situations humiliantes (…), porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la dignité humaine », Osez le féminisme !

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Si les femmes sont majoritaires dans les études de santé, notamment en médecine, celles-ci demeurent encore trop absentes aux postes de responsabilité à l’hôpital. Ainsi, seuls 20% des PU-PH et 13% des doyens de faculté sont des femmes. Un plafond de verre entre autres édifié par "l’esprit carabin", qui conditionne les praticiennes "à une place d’objet" tout au long de leur carrière.

Discrimination et plafond de verre

1868. Madeleine Brès devient la première femme française à accéder aux études médicales et à pouvoir exercer cette profession, jusqu’ici réservée aux hommes. Une petite révolution s’opère. Cent cinquante ans plus tard, les femmes sont désormais majoritaires dans les études de médecine.

"Nous avons bien progressé depuis Madeleine Brès", a estimé le ministre de la Santé, François Braun, au premier colloque organisé par l’association "Donner des Elles à la santé", le 22 novembre. Du chemin reste cependant à parcourir. En effet, si elles sont plus nombreuses sur les bancs de la fac et dans les couloirs de l’hôpital public, elles restent souvent cantonnées aux postes d’exécutants et accèdent rarement aux postes de décideurs.

Malgré l’hypersensibilisation des jeunes générations aux questions d’égalité, le plafond de verre peine à être brisé. Si la parité est atteinte du côté des maîtres de conférences des universités (MCU), les femmes représentent seulement 13% des doyens de facultés de médecine, et environ 20% des professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH).

"Ça a augmenté depuis 30 ans mais de façon insuffisante", admet le Doyen des doyens, le Pr Didier Samuel, qui note qu’elles étaient 6% de PU-PH il y a 30 ans. Selon un baromètre de Donner des Elles à la santé*, 85% des femmes se sont senties discriminées dans leur parcours professionnel du fait de leur sexe.

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Globalement, cela se traduit par une impression d’être moins valorisées que les hommes à travail égal. 65% des femmes médecins sondées par l’institut Ipsos dans le cadre de ce baromètre se sont entendu dire que la maternité les empêchera d’accéder à des postes à responsabilité, 40% qu’elles manquent d’ambition... Plus d’un tiers rapportent qu’on leur a clairement exprimé qu’elles n’étaient pas faites pour les postes universitaires ou qu’on leur a fait sentir que leur avis comptait moins que celui d’un homme.

Violences Sexistes et Harcèlement

Intimement liées à ces discriminations, les violences sexistes et sexuelles (VSS) apparaissent par ailleurs coutumières à l’hôpital, puisque huit femmes médecins sur dix disent avoir été victimes de comportements de la sorte. En bref, "un cocktail explosif", résume Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques à la Fondation des femmes.

Ce sentiment de discrimination, pour la Dre Géraldine Pignot, chirurgienne urologue et présidente de l'association, "c’est dès les premières années des études médicales qu’il apparaît". En particulier lors de l’externat et de l’internat, "au moment des premiers stages à l’hôpital où les femmes sont confrontées à ces comportements et les rapportent très rapidement. Probablement parce que les jeunes générations sont davantage sensibilisées du fait des mouvements de libération de la parole, du contexte sociétal, du changement culturel actuel".

Parmi les comportements auxquels peuvent être confrontées les étudiantes et praticiennes hospitalières, la Dre Coraline Hingray, psychiatre au CHRU Nancy, distingue les plus parlants (viols, attouchements…) des plus quotidiens (les réflexions et blagues sexistes). Ce "sexisme ‘bienveillant’ comme le fait d’être appelée ‘ma chérie’ en stage ou de se faire siffler devant les patients", illustre Myriam Dergham, interne en médecine générale et étudiante en sciences politiques, à qui s’est arrivé cet été. "On manque de crédibilité dans cette position."

La jeune femme engagée dénonce "l’esprit carabin" qui "remet constamment les femmes à une place d’objet". "On est sans cesse disqualifiées en tant que femmes", soupire la future généraliste, qui dénonce un "apprentissage par l’humiliation et la terreur". "Bien sûr, on peut faire entendre nos voix. Mais on risque nos carrières. Plus que ça, on est traitées d’hystériques : ça m’est arrivé lorsqu’il fallait faire grève récemment. Pour faire respecter notre droit de grève, j’ai dû remuer ciel et terre. Finalement, ils ont cédé ‘sinon l’interne va être hystérique’", a-t-elle entendu dire.

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"C’est vrai qu’il y a ce qu’on appelle ‘l’esprit carabin’ et des habitudes sexistes qui ont été prises", reconnaît le Doyen des doyens. "Elles se corrigent, mais encore très lentement", a-t-il observé, assurant que la politique des doyens de facultés est "claire" : "tolérance zéro".

A l’hôpital, selon la psychiatre Coraline Hingray, il existe une forme de banalisation de ces comportements - pourtant "constatés par 70% des hommes". "Il y a l’idée que folklore est un exutoire : ‘Pauvres médecins que nous sommes, avec les difficultés, la confrontation à la mort, à la nudité, au stress, dans cet hôpital qui se délabre, heureusement qu’il nous reste encore ces blagues et cet humour pour pouvoir s’en sortir’. Cela explique probablement le retard par rapport au changement", analyse-t-elle. Cet "entre-soi" à l’hôpital rend par ailleurs la libération de la parole compliquée, regrette le psychiatre. "On parle du PU-PH qui est dans le conseil de la fac, par exemple."

Aux obstacles "émotionnels" auxquels sont confrontées toutes les victimes de VSS, s’ajoute la peur des répercussions sur la carrière.

Obstacles de carrière et maternité

Plus tard, les femmes seront confrontées à d’autres types de discrimination. "Les carrières médicales sont souvent couplées à un aspect de recherche et scientifique. Qui dit double carrière dit doubles obstacles", souligne la Dre Elsa Mhanna. Le mentorat constitue un premier obstacle, car "très masculin", avance-t-elle. Un interne "se verra proposer beaucoup plus de projets qu’une femme, tout simplement parce que ça tombe à un âge charnière où on commence à réfléchir à tomber enceinte", explique la neurologue, également chercheuse.

"Les hommes préfèrent mentorer des hommes que des femmes, reconnaît le Pr Samuel. Mais pas forcément avec malice." La grossesse constitue ainsi un frein pour la carrière des femmes médecins. "Les femmes qui veulent faire une carrière ont peur d’être pénalisées" du fait d’une grossesse, confirme le Pr Samuel.

A juste titre, embraye Myriam Dergham : "Il nous arrive encore de tomber sur des PU qui ne veulent pas prendre des cheffes de cliniques assistantes (CCA) ‘parce qu’elles vont tomber enceintes’". Une consœur de la Dre Mhanna s’est quant à elle vu accorder une bourse pour une année de recherche à l’étranger "à condition qu’elle ne tombe pas enceinte". Si elle l’a obtenue face à quatre hommes, "elle a dû dire que ce n’était pas dans ses projets".

S’il est indispensable de ne plus considérer la maternité comme un frein dans le parcours professionnel, il l’est tout autant de ne pas "considérer la femme comme étant forcément dans la projection de la maternité", rappelle la Pre Cécile Badoual, cheffe de service d'anatomo-pathologie à l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). "On parle beaucoup de maternité, mais est-ce que les médecins hommes ont des enfants ?" s’interroge, non sans ironie, Floriane Volt, qui appelle à "intégrer la parentalité comme étant aussi un facteur pour les hommes".

Manque de reconnaissance et syndrome de l'imposteur

Au-delà de ce cap éventuel dans la vie d’une femme - qu’elle soit médecin ou non d’ailleurs, les praticiennes ont aussi plus de mal à ce qu’on leur accorde la parole, même dans leur domaine d’expertise. Dans les congrès des sociétés savantes par exemple, "où une grosse partie des orateurs sont masculins", regrette la Dre Elsa Mhanna. Mais aussi dans le cadre de la publication de travaux, qui offre "la possibilité d’accéder à certains postes universitaires ou de recherche".

La neurologue en a fait l’amère expérience : "Je devais publier un travail et mon propre directeur de stage m’a dit de rajouter en co-premier auteur tel doctorant pour qu’il y ait plus de chance qu’il soit publié." Ainsi, "une étude publiée 2021 sur l’ensemble des publications en neurologie entre 1946 et 2020 montre que lorsqu’on est première auteure femme et dernière auteure femme, les taux de publication sont de 25% seulement".

"Je continue encore à avoir souvent besoin d’une caution masculine quand je vais à des rendez-vous importants, quand je vais insister sur mes zones d’expertise pour lesquelles je suis reconnue à l’international, ajoute la Pre Cécile Badoual. Je pense que ça n’arrive à aucun homme de téléphoner à un copain pour dire ‘Je suis désolé mais là je vais à l'Assemblée nationale et il va falloir que tu viennes avec moi parce qu’on ne m’écoutera pas avec la même valeur si tu ne viens pas’."

"C’est une réalité, ce n’est pas parce que je n’ai pas confiance en moi. Il y a une habituation du regard : quand on ferme les yeux, qu’on voit un professeur de médecine, on voit un homme chenu et pas forcément une dame comme moi, avec une veste jaune", confie-t-elle. Autre phénomène connu par nombre de femmes médecins, qui se demandent si elles sont légitimes ou non pour postuler à une poste : le "syndrome de l’imposteur".

Conséquences sur la satisfaction professionnelle

Toutes ces discriminations impactent forcément le quotidien des praticiennes hospitalières, dont l’épanouissement à l’hôpital public est plus faible par rapport aux praticiens. "Globalement, dans le système hospitalier, il n’y a que 23% des médecins (hommes et femmes) qui sont pleinement satisfaits de leur vie professionnelle. Quand on regarde dans le détail, les femmes sont toujours plus insatisfaites que les hommes : 15% contre 30%", indique la Dre Pignot, s’appuyant sur les résultats du baromètre.

Or cette insatisfaction pose un "vrai problème d’attractivité dans les structures hospitalières", soulève la chirurgienne. "Il nous faut sortir d’une organisation construite par des hommes pour des hommes. Il en va de la pérennité de notre système de soins à tous points de vue", abonde la députée de l’Essonne Marie-Pierre Rixain, également membre du Haut Conseil à l'Égalité.

Mesures et solutions proposées

Pour Mahaut Chaudouët Delmas, sortir de cette organisation nécessite d’agir auprès des jeunes filles dès le plus jeune âge. Car aujourd’hui, "15% d’entre elles renoncent à une carrière scientifique". "Pour 20% d’entre elles, c’est par peur du harcèlement. Remettre en avant les vocations, mais aussi et surtout de la bienveillance à toutes les étapes de la carrière médicale.

"Il faut donner des conditions de travail acceptables", a déclaré François Braun. "Le sexisme à l’hôpital et a fortiori le harcèlement sont totalement inacceptables. Je ne laisserai absolument pas passer ce genre d’attitude." Pour Myriam Dergham, également chargée d’enseignement, cela doit aussi passer par un renforcement de la formation aux VSS, dès le début des études. "Plus elle est faite tôt, plus les étudiants ont intégré ces choses-là. Il faudrait la rendre obligatoire pour les internes, les CCA, les PU-PH, et personnels hospitaliers… Pas simplement au bon vouloir des personnes déjà sensibilisées par le sujet."

"On doit changer les comportements", a soutenu le Doyen des doyens. Afin d’atteindre une égalité à tous points de vue, "on a besoin de volontarisme", a ajouté le Pr Samuel. "Je ne parlerais pas de discrimination positive." Parité des jurys, parité des conseils… "Il y a tout un travail à faire pour pousser et encadrer les femmes, les aider à monter une carrière et pas seulement sur certaines spécialités où y a déjà un certain nombre de femmes."

D’autres mesures sont avancées : des campagnes de sensibilisation, le développement des contacts anonymes ou référents VSS dans les hôpitaux et les facs ou encore le conditionnement des aides publiques à des engagements forts en faveur de la parité et de l’égalité. Enfin, l’évolution de la loi Sauvadet (2012), qui impose un taux de 40% de femmes parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois de l’encadrement supérieur et dirigeant de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, peut être une solution.

Car aujourd’hui, "si des progrès ont été réalisés" grâce à cette loi, celle-ci laisse "des angles morts", constate Charlotte Cardin-Taillia, conseillère au cabinet du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. En effet, ces nominations équilibrées ne s’appliquent pas aux postes médicaux (chefs de service ou de pôle), poursuit la conseillère, qui assure vouloir traiter ces freins. Si le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, s’est dit prêt à mener cette "bataille culturelle", la Pre Cécile Badoual prévient : "la parole n’a de sens que si elle est accompagnée d’actions". Sans ces actes, "il y a une perte de confiance".

"Les femmes sont encore 85% à déclarer s’être senties discriminées du fait de leur sexe dans leur parcours professionnel. C’est énorme. Ce chiffre interpelle évidemment et nous oblige à agir pour de vrai, rapidement", a déclaré solennellement le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, en ouverture du colloque. Alors que l’hôpital traverse une crise historique, ce dernier a promis de passer du constat "aux actes".

L’égalité professionnelle est "inscrite dans le cadre de notre projet d’établissement", mais cela "ne suffit toutefois pas à modifier le réel", a-t-il admis, déclinant trois pistes pour l’inscrire durablement dans l’ADN de l’AP-HP. D’abord, il apparaît essentiel de "veiller à la parité dans la composition des instances" de l’AP-HP. Cela nécessite "un équilibre plus volontariste" dans les nominations, aussi bien "à la direction des pôles que des chefferies de service".

"Il n’y a évidemment pas de quotas en la matière qui s’applique, mais il doit y avoir une vigilance de tous les instants, a-t-il expliqué. Nicolas Revel a dit être intransigeant sur "l’exemplarité des comportements professionnels", appelant à "des valeurs managériales plus respectueuses et apaisées". Enfin, conscient des obstacles qui se dressent en particulier pour les femmes au moment de l’arrivée d’un enfant, le DG de l’AP-HP souhaite mettre en place les conditions "d’une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle", aussi bien pour les personnels hospitaliers hommes et femmes.

L'humour carabin : folklore ou harcèlement ?

Ce vendredi 17 novembre, franceinfo s'intéresse à l'humour carabin. Alors, de quoi s'agit-il ? L'humour carabin ? Vous en avez peut-être entendu parler. Mais de quoi s'agit-il ? Sous couvert d'anonymat, plusieurs personnes témoignent. "L'humour carabin, c'est une humour un peu potache, un humour un peu lourdaud, un petit peu sexiste", explique un homme.

"Dès la première année, tu arrives et on te dit : 'C'est de l'humour de carabin. C'est bon, on est médecin, on a un rapport au corps qui est différent donc il faut complètement banaliser le truc, se détacher de tout ça'. "Tous les jeux dans les week-ends d'intégration, c'est assez axé cul", estime encore le premier témoin de franceinfo. "Mais en fait, non, on est encore des êtres humains", poursuit de son côté la jeune femme.

Dans les salles de garde françaises, que ce soit à l'hôpital Necker à Paris, à Lyon (Rhône) ou encore à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), des fresques obscènes recouvrent les murs. « Ceci est du harcèlement sexuel, qu’en pensez-vous ? » La banderole a été posée par un collectif d’étudiantes (appelé "Jeudi 11") sur un tableau de la cantine de l’hôpital Purpan de Toulouse le 11 janvier dernier.

Le tableau « représente les dirigeants de l’hôpital, dont certains exercent toujours, avec des habits de moine, dans une représentation de la sagesse, aux côtés de femmes qui sont, elles, nues et présentées uniquement comme des objets de fantasme, avec des lesbiennes, des positions sexuelles, etc. » retrace une interne, membre du collectif.

Lassées de ce "spectacle", les étudiantes ont décidé de le dénoncer, espérant initier des discussions avec les autres médecins. Elles avaient prévu une "boîte à idées" pour que chacun.e puisse déposer ses réflexions, plaintes ou autres... Sanctionnées pour leur action ? « On ne peut pas imposer ça , leur a signifié la secrétaire de l’internat, Bernadette Gorin, qui leur a demandé quasi immédiatement de décrocher la banderole. Il faut faire une demande d’autorisation pour ce type de manifestation. Avec une action telle que celle-ci, on pourrait vous interdire l’accès à la cantine et vous envoyer au self du personnel. »

Les membres du syndicats Sud se sont dit « indigné.e.s par la position de Madame Bernadette Gorin, qui menace d’exclure ces étudiantes alors que ces dernières (et d’autres aussi sans doute) subissent tous les jours les images dégradantes de cette fresque ». Sollicitée par Basta, la secrétaire de l’internat a refusé de répondre. Aux journalistes de la Dépêche, quotidien régional du Sud ouest, Bernadette Goron aurait glissé que « la fresque fait partie de la culture carabine, elle a marqué la fin de cette période, lorsque les bizutages ont été interdits. » C’est pourtant précisément cette culture carabine qu’entendent dénoncer les étudiantes.

« La culture carabine, c’est cet espèce d’humour qui fait qu’on se moque à longueur de journées de blondes et des femmes, résume Julie Ferrua, secrétaire départementale de Sud santé sociaux. « Sous prétexte que c’est du patrimoine, rien ne doit changer, soupire Julie Ferrua. Nous ne sommes pas d’accord. Cette culture-là, qui rabaisse et humilie, fait le lit des agressions, ensuite. Cela doit cesser. Si ce tableau est vraiment une œuvre d’art, qu’on le mette dans un musée, ceux qui l’apprécient pourront alors faire le choix d’aller le voir. »

« Pour nous, ce tableau symbolise vraiment le harcèlement sexuel à l’hôpital, précise une interne qui a participé à l’action. Elle fait partie de l’ambiance sexiste dans laquelle on vit, et qui est particulièrement prégnante pour les stagiaires, qui sont dans un lien de subordination hiérarchique. » Dans certains services, on appelle les internes « ma chérie », « ma chatte », ou encore « ma foufoune ». Ces comportements ne sont jamais questionnés, encore moins sanctionnés.

« Il y a un vrai sentiment de toute puissance chez certains médecins, constate la syndicaliste Julie Ferrua. Dans une lettre ouverte adressée à la directrice générale du CHU de Toulouse, les étudiantes de "Jeudi 11" rappellent que le harcèlement sexuel « ne doit pas forcément s’entendre comme un agissement sexuel direct sur la victime mais s’étend à toute contrainte exercée sur une personne par un environnement professionnel dans lequel se répètent des comportements déplacés à connotation sexuelle et dégradant les conditions de travail de la personne qui ne souhaite plus les subir ».

En février 2017, la Cour d’appel d’Orléans a sanctionné un employeur pour « harcèlement environnemental » (sexiste). « Nous demandons le retrait de toutes les fresques à connotation sexuelle ayant un caractère dégradant et humiliant des internats des hôpitaux, nous demandons également que des actions de sensibilisation sur le harcèlement sexuel soient menées auprès du personnel de hôpital. »

Une lettre d’explication sur les raisons ayant mené au retrait des fresques, un rappel de la définition du harcèlement sexuel, des informations sur les droits des victimes et les personnes ressources : les étudiantes proposent diverses solutions pour tâcher d’avancer.

Esprit Carabin à Rennes : Étude de Cas

L'esprit carabin est une particularité folklorique des études médicales françaises. Son langage tourne autour du sexe et du grivois, avec un rapport à la mort et au corps particulier. Il imprègne les chansons paillardes et l'Internat à travers la tradition des fresques et des « tonus », fêtes entre internes parfois sources de scandale.

Une étude a été menée dans le but de Décrire les éléments de l'esprit carabin et du folklore de l'Internat toujours présents à Rennes, et la façon dont les internes rennais le perçoivent. 13 entretiens semi-dirigés approfondis ont été conduits auprès d'internes : 6 femmes, 7 hommes, parmi lesquels 4 étaient internes de spécialité. Ils ont exprimé leur ressenti sur l'esprit carabin, l'Internat, les fresques et les tonus. Une enquête photographique a complété la description des fresques, toujours présentes à Rennes.

Il ressort que L'esprit carabin est perçu comme un héritage historique masculin, et une forme d'humour cathartique permettant de dépasser le vécu du quotidien. Les tonus sont vécus comme un moyen de décompresser au sein d'un entre-soi, tandis que l'internat offre un espace de socialisation solidaire festif et thérapeutique. Les fresques sont une tradition que les internes rejettent ou souhaitent conserver selon leur adhésion à l'esprit carabin et au folklore. L'évolution des mœurs, la féminisation des études médicales et la création de l'internat de médecine générale contribuent à modifier ce folklore, relativisant les dimensions transgressives, secrètes et sexistes de ses pratiques.

En conclusion, l'esprit carabin permet une forme de coping fluctuant selon les besoins de l'étudiant, qui a aujourd'hui le choix d'y adhérer ou non. L'internat est un espace festif et thérapeutique assurant un travail émotionnel protecteur.

tags: #culture #carabine #definition

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