En tant que menuisier avec de nombreuses années d'expérience, j'ai restauré un grand nombre de crosses, des plus belles aux plus abîmées. Cet article se concentre sur les techniques d'enlèvement de vernis et les traitements à la cire et à l'huile pour les crosses de fusil.
Bien que certains fusils, comme les fusils suisses, soient finis avec de la gomme laque, cette finition peut parfois être décevante. J'ai personnellement trouvé que les bois de mon K31 ressemblaient davantage à ceux d'une carabine Baikal ou Norinco après une telle finition. Refaire ce type de crosse en poncé huilé peut être une amélioration significative, valorisant ainsi ces magnifiques bois.
Les huiles utilisées pour le traitement des crosses, qu'elles soient de marques courantes ou haut de gamme, contiennent généralement un nombre limité de composants primaires, dont certains sont :
L'huile de teck est une appellation commerciale et non une huile naturelle. Il s'agit d'un mélange de divers produits pétroliers. Les huiles commerciales contiennent également des solvants (alcool, diluants d'origine pétrolière, essence de térébenthine) pour les fluidifier et faciliter leur pénétration dans le bois. Des siccatifs, généralement à base de naphte et de métaux lourds, sont ajoutés pour accélérer le séchage.
L'huile de lin
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C'est le produit le plus naturel et le plus connu des restaurateurs de crosse. C'est une huile très siccative, ce qui signifie que les éléments présents dans l'huile s'agglomèrent entre eux naturellement pour former une chaîne de plus en plus longue. Une huile ne sèche pas, elle siccative. Bien que d'autres huiles (tournesol, olive) puissent être utilisées, elles ne siccativent pas et peuvent rancir avec le temps. L'ajout de siccatif peut accélérer le processus, mais son utilisation doit être limitée en raison de la présence de métaux lourds et de naphte.
Bien appliquée, l'huile de lin atteint une profondeur de 3 à 4mm dans du noyer, et s'enfonce encore plus dans le hêtre.
L'huile de teck est souvent considérée comme un cache-misère pour une crosse. Mettre de l'huile de teck sur une crosse, c'est mettre des jantes de 22 pouces sur une Traban.
La plupart des huiles liquides et des cires contiennent entre 30 et 60% de diluants pour les rendre liquides. L'essence de térébenthine est rarement utilisée en raison de son coût élevé. Souvent, du méthanol, de l'alcool ou des dérivés pétroliers sont utilisés.
La plupart des produits finis contiennent entre 10 et 30% de siccatifs pour accélérer le séchage.
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Voici une technique pour réaliser un poncé huilé :
Voici une procédure plus détaillée pour obtenir un poncé huilé de qualité supérieure :
Cet outil peut être passé sur les surfaces planes ; Beaucoup de restaurateurs l'utilisent, il est tres efficace et le travail est très rapide. Avec un peu de doigté, on peut très bien utiliser aussi une lame de cutter large.
Le passage du racloir se fait bien entendu toujours dans le sens des fils du bois, qui doit être sec. On peut s'en passer si l'on n'est pas équipé et passer directement à le 2eme étape.
Pour ma part j'utilise toujours des abrasifs de type carrossier, car ils se déchirent moins vite et les porteurs sont plus fins, ce qui permet de poncer plus facilement des fonds de rainure ou les endroits les moins accessibles.
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Dans le domaine des grains, différentes écoles s'affrontent mais une chose es sûre : plus le bois aura un poncé fin avant l'application de la première couche d'huile, moins l'huile pénétrera en profondeur (et ça n'a vraiment pas l'air d'être compris par tout le monde).
Un poncé avant huilage avec un papier de 400, 800, 1000 plus ferme totalement les pores, n'est d'aucune utilité et totalement contre productif. Avec une surface aussi lisse que du verre avant même la première couche, autant essayer de faire rentrer de l'huile dans une plaque d'inox.
Même la teinte ne pénétrera pas correctement, restant très proche de la surface et posera des problèmes si le bois viendrait à être retouché par la suite.
Le poncé huilé étant une protection qui se doit efficace et pérène dans le temps, un tel ponçage, c'est donc comme utiliser un bouche pore. C'est peut être la solution de celui qui veut faire vite (que ce soit un armurier ou un amateur), mais c'est un cache misère la aussi.
Le papier de 120 est le seul que j'utilise sur la quasi totalité des bois. Ce papier doit être de qualité, et ne pas perdre de grains lors du travail (c'est parfois le cas sur des papiers de piètre qualité). Avec celui ci vous pouvez suivant l'appui exercé aller de la rayure dans le bois jusqu'au ponçage très fin avec un papier usé.
L'erreur classique du débutant étant de dégrossir au papier de 80 et de terminer au 2000, il remarque ensuite les rayures profondes dans le bois qu'il n'arrive presque pas à ressortir, puis tente de reprendre avec du 120 puis du 240, et cette étape terminée constate déjà que la crosse ou les fraisages sont déformés. Le plus moche dans tout ça, c'est qu'inspecté de près, on voit toujours encore les traces des rayures causées par le 80 dans le bois.
A noter que l'utilisation d'une cale doit être faite là ou c'est possible, et que l'on ponce toujours dans le sens des fils du bois. On commence par poncer les fonds de rainures de prise et les passages de sangle et on termine enfin par le ponçage à la cale sur les grandes surfaces, en évitant d'enlever trop de matière sous les anneaux de sangle (ils ne tiendront plus correctement) et près du talon de crosse. Les précédentes étapes font que ce travail n'est qu'un travail de finition, en aucun cas les coups ne sont sortis dans cette étape. Ils auraient du être sortis à l'étape de la pattemouille !!!
La première chose que je regarde lorsque j'ai un fusil restauré en main sont les rainures de prise en main (les angles ne doivent pas être arrondis, et les 2 bords de rainure devraient être parallèles). Je regarde ensuite le talon de crosse. Si la plaque de couche est débordante, c'est que le restaurateur s'en ai donné à cœur joie.
Le dernier passage se fait en n’exerçant pratiquement aucune pression avec du papier "usé" , et sur toute la surface. Ainsi fait, vous n'aurez pas eu à sortir vos propres rayures du bois, et cette étape s'est finalement déroulée assez rapidement.
Le bois peut être à présent passé à l'air comprimé (souflette). Si vous n'en possédez pas, essuyez celui ci à l'aide d'un chiffon propre afin de sortir un maximum de poussière. Revérifiez une dernière fois toute la surface et reprenez au nécessaire, à la fin repassez un chiffon imbibé d'alcool pour finaliser cette étape.
Faut il teinter le bois ? Entre les partisans du naturel et les autres, la bataille peut faire rage. Cependant, le bois à l'état naturel lui même nous apprend une chose. Exposez quelques jours une planche de bois fraîchement coupée de n'importe quel type de bois à l'air, la lumière et aux intempéries, et vous verrez qu'il changera naturellement de couleur, certains bois comme le sapin ou le frêne tourneront vers le jaune/orangé, d'autres essences comme le teck et certains bois exotiques vireront vers le gris béton. Une seule règle prévaut donc pour TOUS les bois : sans protection, sa couleur n'est pas stable dans le temps.
Pour aller un peu plus loin encore, chaque menuisier sait (ou devrait savoir) qu'un bois exposé à la lumière, aux conditions climatiques NE PEUT PAS être verni ou lasuré uniquement avec une couche incolore. Il faut toujours avoir un minimum de pigmentation dans le bois afin de rendre cette modification naturelle moins visible.
La magie, c'est pour celui qui ne ne veux pas teindre le bois, je réponds qu'avec l'huile de lin cela n'est pas nécessaire. Ayant tendance à jaunir avec le temps (à se patiner serait plus juste), la protection est suffisante !!!
Dans le cas de nos crosses, un autre problème se pose cependant assez souvent. Lors d'une remise à nu et d'une réfection complète, les différentes pièces ne provenant pas toujours des mêmes billes de bois, on se retrouve parfois avec des disparités énormes au niveau des tons, les pires étant les armes ayant beaucoup de pièces (type lee enfield), mais pouvant parfois aussi être criantes sur des crosses « au même numéro » de schmidt rubin n'étant pourtant composées que de 2 pièces.
Partant du principe de base qui tient à cœur à chaque tireur, si je refais, je refais bien, nous allons arranger ça, et bien !!! Pour ce faire, on dispose de toute une foule de produits des plus disparates, qui vont de la chicorée en passant par l'éosine jusqu'à la terre de bruyère.
Beaucoup de produits peuvent teinter le bois, mais tels les produits bas de gamme se déversant par contenaires en Europe en provenance d'oncle chinois dans le domaine des cartouches d'imprimante avec des produits dont les couleurs flétrissent en quelques semaines, nous allons préférer la cartouche de marque, la vraie.
Les produits de base, sont comme souvent finalement pas très nombreux :
Avec ces 3 produits, vous faites la quasi totalité des tons imaginables sur une crosse par un saint d’esprit. Le plus employé de tous est l'oxyde de fer.
Voici une méthode pour réaliser votre propre teinte, de la plus claire à la plus foncée :
Prenez un bocal en verre, mettez 2 à 3 litres de vinaigre blanc, et rajoutez dans celui ci quelques morceaux de paille de fer 0000. Cette paille de fer va oxyder, teinter le vinaigre, et vous suivez la progression tous les jours. Tous les jours donc, passez devant votre bocal, remuez, puis sortez une petite quantité de produit dans des bocaux en verre plus petits. Vu qu'il restera de moins en moins de vinaigre dans le gros bocal (vous pouvez en rajouter entre temps), ajouté à la durée d'oxydation de la paille de fer (que vous pouvez aussi rajouter au fur et à mesure), vous pouvez donc créer vos propres teintes, de la plus claire (couleur paille au début) jusqu'au plus foncées.
Cette méthode était utilisée autrefois par un très grand nombre de menuisiers et d'ébénistes afin d'adapter les couleurs sur différentes pièces de bois, et est très peu chère et très efficace. Cette teinte est ensuite coupée avec de l'alcool afin de créer encore une fois encore un nombre presque infini de sous nuances.
La plupart des teintes industrielles de type acajou, golden teak, merisier sont faites à partir d'oxyde de fer. La méthode évoquée évoquée plus haut vous permet donc de réaliser vos propres nuances, et d'adapter au mieux les tons des différentes pièces de bois de votre arme. Plus aucune excuse donc de type « oui mais tu sais, le bois était comme ça »
Pour ceux qui veulent ensuite teinter le bois (si ce n'est pas le cas, vous pouvez passer au paragraphe suivant). Les méthodes traditionnelles veulent qu'on puisse appliquer une teinte au pinceau, avec un tampon ou une éponge ( ces différentes manière influant sur la quantité de teinte déposée sur et dans le bois).
Je préfère de loin une application au pinceau, celle ci permettant de faire rentrer le plus profondément la teinte dans le bois, car l'huilage en fera toujours en dégorger une petite partie. Pour ce faire, je commence à teinter la pièce LA PLUS FONCEE avec la teinte la plus claire à ma disposition. Je coupe toutes mes mixtures à l'alcool (entre 30 et 60%, 50% étant une bonne moyenne), et en remuant bien avant application. Après quelques instants, je procède à un ré-essuyage complet de la pièce avec un chiffon propre.
Cette première pièce terminée servira de référence couleur « point haut » pour le reste des pièces constituant l'ensemble d'un fusil ou d'un mousqueton.
J'attaque donc ensuite le reste des pièces (la plus foncée d'abord) en teintant avec les différents tons à ma disposition afin de recoller au maximum à la 1ere pièce. Pour cela vous pouvez appliquer plusieurs tons plus ou moins foncés de suite (au moins 30 minutes d'attente entre les couches) en prenant toujours garde qu'une teinte mouillée est plus foncée qu'une fois sèche.
Pour revenir sur un bois teinté trop foncé, vous pouvez le ressuyer avec un chiffon imbibé d'alcool (le plus rapidement après l'application étant le mieux). Une partie de la teinte ira vers le chiffon, une autre partie s'enfoncera plus profondément dans le bois, provoquant ainsi un éclaircissement.
Après avoir teinté toutes les pièces, repassez une couche d'alcool au pinceau sur tout le bois afin de fixer la teinte profondément. Ceci a pour but aussi de faire ressortir plus le veinage, les parties plus molles absorbant plus l'alcool, et par la même occasion la teinte. Un séchage de 12h MINIMUM est ensuite nécessaire (une nuit entière serait cependant mieux).
La teinte est une affaire de feeling nécessitant une petite expérience dans le domaine si on veut aller vite, car on apprend à anticiper les réactions du bois. Je conseille néanmoins au néophyte de procéder pas à pas. Si les tons de bois sont très variés je conseille même un séchage intermédiaire d'une heure avant de poursuivre, afin de pouvoir comparer les teintes obtenues plutôt que d'y aller d'un coup et se rendre compte qu'une pièce de bois est devenue trop foncée. Si vous devez à nouveau éclaircir une pièce, la perte de temps sera bien plus longue.
Si les tons de bois sont naturellement très proches, l'application d'une teinte unique sera bien sur suffisante.
Le ponçage ayant été terminé par un passage à l'alcool tout comme la teinte s'il y a eu lieu d'en faire une, le bois une fois sec est prêt à recevoir sa première couche d'huile.
Dans l'idéal, veuillez stocker les pièces de bois dans un local tempéré (18 à 20 degrés) pendant les phases de travail et de repos. Une pièce non tempérée rallonge la durée de siccativation et donc les temps d'attente !!! Avant la 1ere couche : essuyer énergiquement le bois avec un chiffon !!!
La 1ere et 2eme couche est constituée de 50% de térébenthine et de 50% d'huile de lin de BONNE qualité. La 1ere couche est appliquée grassement au pinceau après avoir l'avoir chauffé quelques secondes au micro ondes. Le bois sera chauffé délicatement et de façon homogène avec un décapeur thermique afin de détendre les fibres. Au bout d'une heure, procédez à un réésuyage. 5 à 8 heures après le réesuyage, appliquer à nouveau une couche grasse de produit chauffé. Il n'est plus utile dans cette phase de chauffer le bois. Vous pouvez ensuite le réésuyer au bout d'une heure, puis vient une phase de repos de 24h à 48h.
Après ce temps de repos, faites un mélange 25% térébenthine et 75% huile. Chauffez légèrement et appliquez une dernière fois ce mélange grassement au pinceau. Le rééssuyage se fait à nouveau au bout d'une heure.
IL EST A NOTER QUE SUR CES 3 PREMIERES APPLICATIONS, LE BOIS N'A PAS ENCORE ETE PONCE. CETTE PHASE SERT A GORGER CELUI CI D'HUILE, OFFRANT AINSI UNE PROTECTION DE GRANDE QUALITE ET TRES DURABLE DANS LE TEMPS. DANS L'IDEAL, LES PHASES DE REPOS DE 24H MINIMUM DEVRAIENT ETRE RESPECTEES. LA PROCHAINE SERIE D'APPLICATIONS SE FERA AVEC UN ABRASIF LEGER, AFIN DE POLIR LES SURFACES.
Après 24 à 48h de repos, rééssuyage sommaire puis je pose le pouce fermement sur la crosse en comptant les secondes jusqu'à ce que l'huile ressorte sous le pouce (comme des empreintes digitales). si vous comptez 3 secondes par exemple, notez ce temps puis passez la 4eme couche, cette fois ci avec un léger abrasif. La 5eme couche sera passée AU MOMENT ou l'huile de la 4eme couche aura mis 3 secondes à sortir et ainsi de suite jusqu'à ce que le bois n'absorbe plus d'huile.
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