L'esprit carabin est une particularité folklorique des études médicales françaises. Son langage tourne autour du sexe et du grivois, avec un rapport à la mort et au corps particulier. Il imprègne les chansons paillardes et l'Internat à travers la tradition des fresques et des « tonus », fêtes entre internes parfois sources de scandale.
Par extension, l'expression « chansons de carabins » désigne des chansons paillardes chantées par des étudiants en médecine. Ce sont des chansons de corps de garde. Aujourd'hui, le terme est surtout utilisé pour désigner, de manière familière, un étudiant en médecine.
« On ne connaît pas les auteurs, mais tout le monde ou presque connaît sinon les chansons entières du moins le refrain ou un couplet. Bien sûr, elles ne sont pas à mettre dans toutes les oreilles. »
La troupe Michel-Populaire a proposé aux Agenais et aux autres, « nous tournons dans toute la France », il y a 18 mois un spectacle bien particulier, « La Raie publique ». « Et bien nous avons donné une suite à ce spectacle, explique, en souriant, Frédéric Waller, « La Voix sur verge » est un spectacle tonique avec des textes qui puisent c'est vrai dans le répertoire de la paillardise, mais pas seulement. Il y a aussi, pendant ces 90 minutes de spectacle, des textes non chantés, de Verlaine, Rimbaud et même Théophile de Viau. »
Mais de là à en faire un répertoire et un tour de chant… Les trois cop(i)nes ont osé, comme on pourra le constater ce samedi à Bayonne, à l’After 8. Elles sont trois : Maylis Raynal, Laura Etchegoyhen et Manon Irigoyen. Basques, comme leurs noms l’indiquent. Et se font une spécialité d’interpréter des chants craditionnels, avec un c, comme crade. Car comme elles le disent, « les copains, ce sont ceux qui partagent leur pain. Et les copines, celles qui partagent… la scène. »
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Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’un groupe de braillards, ou de braillardes, mais de filles qui chantent sacrément bien, aux voix s’exprimant en totale harmonie, et a capella, s’il vous plaît. Les voici lancées sur le créneau bien délaissé de la grivoiserie, de la coquinerie, de la chanson paillarde, voire de l’obscénité, mais certains mots, lorsqu’ils sortent de bouches aussi délicates, passent carrément mieux que prononcées par un gros dégueulasse.
L'esprit carabin est perçu comme un héritage historique masculin, et une forme d'humour cathartique permettant de dépasser le vécu du quotidien. Les tonus sont vécus comme un moyen de décompresser au sein d'un entre-soi, tandis que l'internat offre un espace de socialisation solidaire festif et thérapeutique.
La publication sur les réseaux sociaux de chansons paillardes entonnées en Paces à Clermont-Ferrand a précipité une nouvelle polémique sur l’aspect discriminatoire des traditions, suscitant un concert de protestations offensées de la part de l’administration et des syndicats étudiants. Mais derrière cette unanimité de façade, beaucoup n’en pensent pas moins. C’est une histoire “so 2019”.
Plus largement, l’Unef dénonce à travers ces chants des phénomènes de “bizutage” et de “harcèlement” en Paces. “On a des témoignages qui disent que par exemple quand on arrive en retard en Paces, et notamment quand on est une femme, on se fait insulter de salope ou de pute”, rapporte Anna Mendez, étudiante en licence d’histoire et présidente de l’Unef Auvergne, à l’origine de la diffusion de l’affaire sur les réseaux sociaux. “Ce peut être des mini agressions : on vous recouvre de farine ou d’œuf. Ces propos visant à stigmatiser les néo-arrivant·e·s sont intolérables.
Mathias Bernard, président de l’université Clermont Auvergne (UCA), dénonce “des propos inacceptables, intolérables qui sont ce que l’on peut imaginer de pire” et indique qu’une enquête interne a été lancée. “L’UCA mène un travail avec les associations étudiantes, les personnels administratifs sur à la fois le refus de ces pratiques et la lutte contre les discriminations”, se défend-il dans le quotidien local La Montagne. Du côté des syndicats, la Fédération des étudiants d’Auvergne (membre de la Fage, la principale fédération étudiante) y va de son communiqué : “ce genre de comportement instaure une ambiance délétère pour la santé et les conditions d’études des étudiants, qui ne saurait être tolérée”, indique l’organisation. “Les étudiants et étudiantes doivent pouvoir étudier, dans un environnement bienveillant, nécessaire au bien-être de chacun.
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De nombreux commentaires sur les réseaux sociaux ironiques ou agacés, suggèrent que les étudiants sont a minima divisés sur la polémique. “Ce sont des chants qui détendent bien l’atmosphère durant cette année horrible. La très grande majorité des étudiants est d’ailleurs morte de rire“, affirme un carabin. “Comment on explique que sur tous les étudiants il y ait une, peut-être deux personnes qui n’y rigolent pas, et tout le reste qui en rigole ?“, s’interroge une autre étudiante.
“Pendant la Paces, les chansons paillardes existaient déjà et existent depuis belle lurette et ça n’a jamais choqué outre mesure”, indique Guillaume Lienemann, représentant des internes locaux, qui s’exprime ici en son nom propre.
On peut la définir par sa forme ou par ses usages. Une chanson est un texte organisé en strophes, parfois en couplets et refrains, et porté par une mélodie. C’est aussi une forme d’expression populaire, puisqu’elle peut se passer de l’écriture et ne se transmettre qu’oralement. En outre, le sens des chansons tient souvent moins à leur contenu qu’à leur usage. Ainsi des chansons à boire, entonnées au cours de repas, des chansons de carabins qui scellent la fraternité de ceux qui les profèrent, des ritournelles enfantines que connaissent tous les enfants d’un même âge, ou même des « tubes » propres à des générations adolescentes.
Parmi les chansons, beaucoup ne prétendent en rien à une qualité poétique. La chanson poétique est une sous-catégorie spécifique de la chanson ; elle fait l’objet d’un débat qui remonte à la Pléiade. Considérée par moments comme une forme particulière de poésie, elle est, à d’autres moments, exclue de la littérature, traitée avec dédain, comme un simple amusement populaire. Il existe donc bien une chanson littéraire, anacréontique ou sentimentale, mais l’on oppose généralement chanson et poésie, et cette opposition est aussi celle de lieux et de publics différents.
Dès le XVIIIe siècle, les chansons circulent en effet librement du théâtre à la rue, dans les deux sens d’ailleurs, puisque le vaudeville reprend à la rue des « airs connus », tandis que la rue reprend au vaudeville les « airs nouveaux », qui vont ensuite de la rue à l’atelier ou parfois au boudoir, « le public [...] faisant un sort à certains couplets bien tournés, lesquels devenaient fameux en quelques jours, ayant été repris dès le lendemain de la représentation dans les ateliers de la ville. »
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Au vaudeville, la musique est donc un support ; elle traduit clairement les sentiments. Mais les airs ne sont pas choisis au hasard, ou seulement en fonction de la coupe des vers. « Favart se préoccupe de trouver un timbre dont les paroles s’approprient à la situation et aux pensées comme à la condition des personnages. »
« Quelquefois il insère dans son texte le timbre original, par lequel est désigné le fredon. Quand l’acteur commence à chanter le premier vers, le spectateur reconnaît l’air, se rappelle le timbre qui doit terminer, fredonne in petto, et, à la fin, goûte mieux la justesse d’une application qu’il a lui-même prévue. »
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