Il n’y a pas plus grand drame que celui qui touche les siens. Dans la fiévreuse expectative d’une fin de guerre, le débarquement allié a aussi engendré des tragédies parmi les plus innommables de la Seconde guerre mondiale. Le film Le Vieux Fusil, réalisé en 1975 par Robert Enrico, est un témoignage fictif, mais précieux, des exactions nazies commises consécutivement au débarquement de Normandie à Tulle et Oradour-sur-Glane.
Le récit prend place juste après le débarquement normand du 6 juin 1944. Montauban, juin 1944. Déjà les forces d’occupation allemandes se délitent. Certaines sont appelées à rallier la côte normande pour tenter le tout pour le tout. L’histoire se déroule dans une région du sud de la France, voisine de la Nouvelle-Aquitaine qui abrite Oradour-sur-Glane, l’Occitanie.
Dans la petite ville du sud de la France, le chirurgien Julien Dandieu effectue son travail avec conscience et un sens aigu du devoir. En tant que médecin, il travaille de son mieux, soigne tous les blessés, sans parti pris. Dans le coin, sa réputation est connue des Allemands et surtout de la Milice. Bien que révolté, Julien sait qu’il doit rester à sa place s’il veut pouvoir continuer à soigner celles et ceux qui ont besoin de lui. La patience est sa meilleure arme.
Pourtant, il ressent la tension croissante qui se dégage de ceux qui vont perdre la guerre. Il choisit donc d’envoyer sa femme et sa fille à la Barberie. La une vieille bâtisse familiale dans l’arrière-pays est à moitié en ruines mais l’endroit et son petit village seront bien plus sûrs. Quelques jours plus tard, Julien peine à supporter leur absence. Sur les conseils de sa mère et de son meilleur ami, médecin comme lui, il fait le trajet pour les retrouver.
À peine arrivé, il trouve les habitants du hameau enfermés dans l’église, morts, exécutés sans merci. Affolé, Julien court jusqu’au vieux château de sa famille. Et s’arrête à quelques mètres du pont vermoulu. Des voix étrangères s’en élèvent, elles parlent allemand. Prudent, Julien fait le tour de la bâtisse et découvre les corps inertes de Clara et Florence dans le jardin. Ravagé par le chagrin et bouillant de haine, le médecin se transforme en vengeur. Il retrouve le vieux fusil de son père, une arme de chasse qu’il avait presque oubliée. Il décide de se faire justice. Personne ne connaît mieux la vieille demeure que lui. Aucun des soldats allemands qui y ont élu domicile n’en ressortira vivant.
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Le Vieux Fusil raconte un acte de vengeance. Le médecin pacifiste va se transformer en un meurtrier méthodique. Utilisant le vieux fusil de son père, il élimine les Nazis l’un après l’autre. Julien pousse le vice jusqu’à mentir aux Partisans pour mieux en finir avec les Nazis, seul. Julien fait le ménage. Il liquide tous les Nazis de sang froid, sans dire un mot.
Pourtant, plus que l'histoire d'une vendetta, le film est surtout le récit d'un amour brisé, d'un bonheur saccagé. Le film est construit, en effet, sur une série de flash-back. Ce sont ces « retours en arrière » qui recouvrent le film d'un voile mélancolique. Les souvenirs qui, par vagues successives, assaillent le chirurgien sont liés à des moments de bonheur.
La compagnie allemande qui investit le château de la Barberie a pour ordre de rejoindre la Normandie depuis le sud de la France où elle était stationnée ; les exactions commises sur la population du village sont typiques à la fois de ce qui fut fait à Oradour-sur-Glane mais plus généralement des « méthodes » de la Das Reich ; les odieuses circonstances de la mort de Clara rappelle aussi le sadisme redoutable de l’unité SS.
La barbarie de la guerre est en train de le transformer. Cet homme qui a pour habitude de sauver des vies condamne désormais les bourreaux de sa femme et de sa fille à la peine de mort. Il devient le vengeur, machine à broyer l’ennemi.
À première vue, Philippe Noiret n’a rien d’un héros, moins encore d’un séducteur. Il incarne un homme calme, posé, réfléchi, qui ne sait être impulsif que lorsqu’il déclare sa flamme à une jeune femme qu’il vient à peine de rencontrer. Père célibataire, il ne vit que pour son travail jusqu’à ce que Clara entre dans sa vie. Cette propension à se laisser déborder par ses sentiments présage ses actions dans le présent.
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Romy Schneider est rayonnante de beauté et de fragilité. Elle incarne une femme qui semble percevoir que sa vie sera courte, que son bonheur ne saurait durer. Leur alchimie à l’écran donne corps à cet amour tragique.
Le Vieux Fusil a produit l'effet d'un électrochoc au moment de sa sortie au cinéma le 20 août 1975, il y a pile cinquante ans. Le film a bouleversé la France. Distribué par Les Artistes associés, la filiale française de la société de distribution et de production américaine United Artists, le film sort le 20 août 1975 sur les Champs-Élysées au George-V. Le succès est immédiat. Le film réunit près de 3,4 millions d'entrées dans les salles. Ce plébiscite sera bientôt suivi par la reconnaissance de la profession.
La première cérémonie des César qui eut lieu en 1976 a plébiscité Le Vieux fusil par neuf récompenses. Philippe Noiret est sacré Meilleur acteur. Et François de Roubaix reçoit, à titre posthume, le césar de la Meilleure musique. En effet, le compositeur venait de trouver la mort quatre mois et demi plus tôt dans un accident de plongée sous-marine au large des îles Canaries. Romy Schneider recevra de son côté le césar de la Meilleure actrice, mais pour L'important, c'est d'aimer d'Andrzej Żuławski. Dix ans plus tard, en 1986, Le Vieux Fusil recevra aussi… le césar des César. Une récompense prestigieuse.
Récompense | Année |
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César du Meilleur Film | 1976 |
César du Meilleur Acteur (Philippe Noiret) | 1976 |
César de la Meilleure Musique (François de Roubaix) | 1976 |
César des César | 1986 |
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