Le village de Bruniquel, niché dans le Tarn-et-Garonne, a été le théâtre du tournage du film de Robert Enrico, *Le Vieux Fusil*, au printemps 1975. Pour ce village de 610 habitants, situé à une trentaine de kilomètres de Montauban, ce tournage reste un moment phare de son histoire.
Les figurants qui ont participé à cette aventure sont de moins en moins nombreux, mais le film continue d'attirer des touristes tout au long de l'année vers cette cité médiévale, classée parmi les plus beaux villages de France. Le film raconte l’histoire d’un paisible chirurgien de Montauban, Julien Dandieu (Philippe Noiret), qui, aux dernières heures de l’Occupation en 1944, venge le meurtre de sa femme Clara (Romy Schneider) et de sa fille dans un village décimé par une division allemande.
Florence Brutto, coiffeuse au village depuis un an, a regardé le film à son arrivée comme un rituel d’intégration. Elle témoigne: «Je cherche une affiche du film avec Romy Schneider. Beaucoup de gens ont des photos du tournage chez eux.»
Les astuces du montage -entretenant l’illusion que Bruniquel, Bonaguil et Penne, deux autres communes du Quercy, n’en forment qu’une- ont fasciné les habitants et créé une durable complicité entre le film et le village.
Yvan Bianchi, directeur de l’office du tourisme, se souvient de la première fois qu’il a vu le film dans un cinéma de Montauban : «Dans la salle, tout le monde pleurait, et moi, j’avais envie de rire ! Denis Montet, agriculteur bruniquelais, avait prêté aux accessoiristes une charrette et des bêtes. La vache errante, qui annonce au début du film le massacre du village, lui appartenait.
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Recruté comme figurant, il se souvient surtout avoir attendu : «Dès qu’un petit nuage passait, il fallait tout arrêter. Ma scène n’a pas été retenue, alors que j’ai dû venir six fois, parfois pendant une demi-journée !» En dédommagement, il touchait 50 francs par jour. «Nous ne savions pas comment se tournait un film.
Pourtant, peu de choses ont échappé aux habitants, des disputes qui ont pu ponctuer le tournage, amenant les acteurs à se retirer dans leur caravane, aux repas à l’auberge «L’Étape du château» auxquels étaient conviés certains figurants, en passant par de menus détails, comme la technique de Philippe Noiret pour simuler un vomissement («le gobage d’œuf !»).»
Yvan Bianchi s’étonne encore de «l’usine» déversée chaque jour par les camions, comme ces dizaines de projecteurs dardant leurs rayons sur la petite fenêtre de la conciergerie pour simuler l’éclat du jour.
Les apparitions de Romy Schneider constituent un autre souvenir brûlant : «Je revois ses longues jambes fines sortir de la Mercedes. C’était une star, une grande dame. On ne pouvait pas l’approcher comme ça», se souvient Jacky Poussou. À l’époque, l’actrice frôlait le surmenage.
«Elle jouait des scènes très dures. J’ai assisté à celle du viol. À la fin, elle était véritablement bouleversée», se souvient l’artiste. Plusieurs habitants évoquent aussi avec émotion la présence du fils de Romy Schneider, David Meyen, alors âgé de 9 ans, mort six ans plus tard.
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Mais de tous, c’est bien Philippe Noiret, cet homme «simple et ouvert», qui a su le mieux se faire aimer des Bruniquelais. Parmi ces acteurs se trouvaient des militaires du 17e RGP de Montauban. Le lance-flammes du film faisait partie de leur matériel.
Le film de Robert Enrico connut un gros succès en 1975. Librement inspiré du massacre d'Oradour-sur-Glane, *Le Vieux Fusil* enthousiasma les foules et décrocha trois Césars l'année suivante, dont celui du meilleur film.
Frère du maire de cette petite commune de Tarn-et-Garonne, célèbre pour son château, Denis Montet avait 32 ans à l'époque. Il fit partie des centaines de figurants recrutés pour participer à l'aventure aux côtés de Romy Schneider et Philippe Noiret. «J'avais une scène, se souvient l'agriculteur aujourd'hui retraité : je devais amener ma vache Violette et un chariot sur un chemin. Je déchargeais un barricou juste au moment où passait Romy Schneider. Je m'arrêtais pour la saluer.»
Ce moment unique, finalement non retenu dans le montage final, a laissé une empreinte durable dans la mémoire de Denis Montet. «Romy Schneider ne m'a rien dit : elle ne communiquait pas beaucoup, elle ne s'adressait pas à tout le monde. Philippe Noiret était plus accessible : il était venu me parler, avait caressé ma vache. Je l'avais retrouvé dans une autre scène, comme spectateur, sur le chemin qui longe l'Aveyron, tout près de ma ferme. Il avait jeté un bout de cigare.
*Le Vieux Fusil* fut aussi le galop d'essai de Claire Denis, réalisatrice («Beau travail», «White material»…) qui n'était alors qu'une troisième assistante.
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«Robert Enrico était un homme d'action, raconte-t-elle. Il avait une façon un peu virile de diriger un film. Il aimait être le patron sur le plateau. Avec lui, il fallait conduire une voiture ou un tracteur, se jeter dans une rivière. C'était un défi pour la petite bonne femme que j'étais.»
Au château, Claire Denis a découvert les impératifs d'un tournage spectaculaire, les effets spéciaux réalisés en direct sur place. «J'apprenais des choses : je mettais du faux feu à un château, je voyais fonctionner des engins militaires. Je découvrais l'ingéniosité des techniciens dans un cadre précieux et fragile. Et puis, j'ai insisté pour le choix de la petite fille du couple vedette (Caroline Bonhomme, NDLR). Je la trouvais très réfléchie, très mûre. Elle avait le sérieux de son père de cinéma.
*Le Vieux Fusil* valut à Philippe Noiret le premier César du meilleur acteur, le 3 avril 1976. «Idéologiquement, il y a deux choses qui me gênent un peu : d'une part une représentation assez simpliste des choses, d'autre part l'exploitation d'un certain goût revanchard. Mais J'aimais beaucoup tout le côté romanesque de cette famille et l'aspect film d'aventures. Mon allure bourgeoise, débonnaire et calme fait qu'on ne pense pas forcément à moi pour ce genre de rôle et je le regrette». Chef d’oeuvre pour les uns, honteux chantage à l’émotion pour les autres, Le vieux fusil ne peut laisser indifférent par la puissance d’évocation de ses images. Le public, lui, en a fait un triomphe.
En raison de sa beauté et de son histoire, les châteaux de Bruniquel, utilisés comme décor pour *Le Vieux Fusil*, sont classés monuments historiques. Une salle du château jeune est consacrée à une exposition de photos prises lors du tournage du film, témoignant de l'impact durable de cette œuvre cinématographique sur le village.
Les châteaux de Bruniquel offrent un panorama exceptionnel sur les gorges de l'Aveyron depuis leur galerie de style Renaissance. Ils sont une attraction touristique majeure, combinant histoire, architecture et souvenirs du cinéma.
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