Jean-Mary Thomas a animé sa dernière conférence de l'année le vendredi 4 août à la salle des fêtes de Cayeux-sur-Mer. C'était l'occasion de se replonger avec lui dans les quatre siècles d'histoire de la serrurerie dans le Vimeu. Jean-Mary Thomas a effectué plus de dix ans de recherches sur l’histoire de la serrurerie dans le Vimeu.
« Pour comprendre l’Histoire, rien de tel qu’un petit rappel de géographie », explique Jean-Mary Thomas. « Ce que l’on appelle le Vimeu correspond en réalité à un territoire reliant Saint-Valéry-sur-Somme, Abbeville, Blangy-sur-Bresle et les Trois-Villes sœurs. »
Sa situation géographique a longtemps conféré à Saint-Valéry-sur-Somme le statut de premier port en descendant du Nord, à l’exception du Rhin. Ainsi, les Vikings ont utilisé la Somme pour effectuer des incursions pour piller l’Abbaye de Saint-Riquier et Amiens. Guillaume de Normandie est d’abord venu se réfugier à Saint-Valéry avant de se rendre en Angleterre… En 180 après Jésus Christ, Amiens était une ville importante qui s’appelait Samarobriva et l’on observait déjà un énorme trafic dans la Baie de Somme qui a toujours été un axe de navigation très important. On a retrouvé un lingot d’étain de cette époque à Saint-Valéry. Tout l’étain passait par la Baie de Somme où il y a toujours eu un trafic de métaux, tels le plomb le cuir, et du commerce.
L’origine du nom Vimeu se situerait aux alentours du Moyen-Âge, précise Jean-Mary Thomas : « On a retrouvé un trémissis, une pièce de monnaie en or, datant de 550 après J.-C. et sur lequel apparaît pour la première fois le terme Viminao, ancêtre de Vimeu, dont la traduction signifie « Lieu où est planté l’osier », et qui désigne la rivière se jetant dans la Bresle ».
Le conférencier dévoile que les incursions permanentes dans le Vimeu ont favorisé l’essor d’une industrie : « Une bataille s’est déroulée en 881 contre les Vikings en l’honneur de Louis III, le conflit a été consigné dans un document écrit par un moine un an après et conservé à Saint-Amand-lès-Eaux (Nord). Pour se défendre il fallait savoir forger, les forêts de Crécy et Eu ont apporté le combustible.
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En 1250, les premières corporations de métiers existaient déjà dans le Vimeu, dont celle des serruriers. J’ai trouvé dans les archives paroissiales de Friville-Escarbotin l’acte de baptême, daté du 27 janvier 1601, de Jehanne Bouté, fille de Jehan Boutté pour lequel on trouve pour la première fois la mention du métier de serrurier.
L’arrivée à Abbeville en 1665 de l’industriel Josse Van Robais, à l’initiative de Jean-Baptiste Colbert, ministre des finances de Louis XIV, a constitué un point déterminant dans le développement de la serrurerie.
« Les beaux jours, les paysans semaient, fauchaient et récoltaient mais le soir ils filaient la laine avec le rouet pour alimenter l’usine d’Abbeville. « On a retrouvé un constat d’huissier émis en 1670 par les marchands de Paris à l’encontre de l’entreprise Vimeusienne Joly qui avait un monopole du transport vers la capitale et empêchait l’accès à la capitale aux plus petits transporteurs, appelés les Rouliers, avec des actes de brigandage. Un décret a été voté pour autoriser à ces derniers l’accès à la Capitale. Un document émis au XVIIIe siècle indique même au sujet de la serrurerie : les marchands de Paris ont fait naître, il y a plus d’un siècle, dans le pays du Vimeu, en Picardie, un objet d’industrie qui occupe au moins 2 000 habitants ».
Toutes les grandes villes du Vimeu avaient des serrureries, dévoile Jean-Mary Thomas qui décrit le développement des compétences ayant contribué à la grande qualification des salariés du Vimeu : « Les archives de Friville-Escarbotin contiennent le document de la première signature officielle de documents, en 1672, des serruriers avec des clés pour représenter leur corporation. La forgeronnerie a contribué à l’essor d’une main-d’œuvre qualifiée dans le Vimeu répartie dans trois métiers très pointus : l’armurier, le serrurier et l’horloger. Chacun d’entre eux pouvait, de par la précision requise par son métier aller travailler dans les deux autres ».
Les serrures ont été exportées au moyen des routes commerciales existantes dont celle des chasse-marées qui partaient le soir-même pour livrer en flux régulier le boulevard poissonnière à Paris le soir-même en utilisant les chevaux des relais répartis tous les 40-50 km.
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Véritables marqueurs de richesse et signes de distinction sociale, la plupart des maisons fermant avec un morceau de bois pour bloquer la porte, les serrures ont contribué au développement à l’époque de la protoindustrie (fabrication rurale de production domestiques et saisonniers destinés à des marchés extérieurs à la région de production), observe le conférencier.
« La Révolution industrielle est arrivée en 1840 dans le Vimeu qui était la seule région de France où on ait conservé le chiffre de 6 000 personnes travaillant dans la serrurerie et la robinetterie », analyse Jean-Mary Thomas. « On dénombrait entre 500 et 600 boutiques de serruriers dans les environs d’Ault, Friville-Escarbotin et Fressenneville ».
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