Trente-neuf «fusillades de masse» en vingt-trois jours, dont six ayant fait plus de quatre morts, ce qui en fait des «tueries de masse» : en ce début d’année 2023, les Etats-Unis continuent d’être endeuillés par la violence armée.
Chaque jour, la violence armée emporte plus de 130 vies aux Etats-Unis. Dans l’anonymat, la plupart du temps. Sous les feux de l’actualité, parfois, lorsque le tireur, presque toujours un homme, abat en quelques minutes 5, 10 ou 20 victimes.
Aucun Etat n’est épargné, des plus favorables aux armes comme le Texas, où 21 personnes dont 19 enfants ont été tuées en mai dernier dans une école primaire d’Uvalde, aux plus stricts comme la Californie, touchée samedi et lundi par deux tueries qui ont fait 18 victimes.
«Le fléau de la violence par armes à feu en Amérique demande une action plus forte», a martelé mardi Joe Biden après la tuerie perpétrée la veille à Half Moon Bay, au sud de San Francisco.
Condamnant un «nouvel acte de violence insensé», le président américain a exhorté le «Congrès à agir rapidement» pour bannir les fusils d’assaut. Un appel rituel mais qui, une fois de plus, restera vain car les élus républicains - et certains démocrates - y sont farouchement opposés, au nom de la défense du droit constitutionnel à détenir des armes.
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D’un point de vue statistique, les Etats-Unis constituent une aberration mondiale en matière d’armes. Outre des ventes légales inégalées, aucun pays au monde n’en compte autant en circulation : 120 pour 100 habitants selon les chiffres (sous-évalués) du SAS. Très loin devant le second pays du classement (Yémen, 52 pour 100) et plus encore de nations occidentales comme le Canada (34), la France (19) ou l’Espagne (7).
Tout aussi inquiétant, quoique logique, le nombre de décès par armes à feu aux Etats-Unis bat lui aussi des records : 48 830 en 2021, en hausse de 8 % par rapport à 2020, une année jugée «historique» par les autorités sanitaires. Environ 54 % de ces décès sont des suicides.
Les données officielles montrent qu’en 2020, les armes à feu sont devenues la première cause de décès chez les enfants et adolescents américains, devant les accidents de la route.
Les tueries de masse, elles aussi, font de plus en plus de victimes - près de 700 morts et 1 300 blessés l’an dernier, contre 275 et 433 en 2014. Et inexorablement, leur fréquence s’accélère.
En effet, bien que les fusillades de masse dans les écoles/supermarchés/églises attirent davantage l’attention des médias, les dégâts causés par les armes à feu sont bien plus nombreux au sein des foyers et des maisons. Les armes à feu sont donc un véritable fléau aux États-Unis (qui connaît un taux d’homicide par armes à feu en moyenne 25 fois plus élevé que celui d’un autre pays développé). Il est aujourd’hui nécessaire de faire face à cette violence.
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Au cours des 145 premiers jours de 2022, les États-Unis ont connu 213 fusillades de masse. Ce terme de « fusillades de masse » (mass shootings en anglais) désigne des tueries faisant au moins quatre victimes, mortes ou blessées. D’après un rapport publié en septembre 2022 par Gun Violence Archive, les victimes ont atteint un total de 1 420 depuis le 1er janvier 2022, dont 293 morts et 1 127 blessés.
Le 14 mai, le pays a été secoué par la tuerie de Buffalo. Dix personnes, dont une majorité d’Afro-Américains, ont été abattues par un jeune suprématiste blanc de 18 ans.
Le 24 mai, un autre jeune de 18 ans a tué 21 personnes (dont 19 enfants) dans une école d’Uvalde au Texas. Le 1er juin, un homme d’une trentaine d’années a tué au moins quatre personnes dans un hôpital de Tulsa, dans l’Oklahoma.
Le 9 juin, une autre tuerie a provoqué la mort de trois personnes à Smithburg dans le Maryland. L’année 2020 a grandement participé à la hausse de cette criminalité. L’ATF constate une augmentation de 64 % du nombre d’armes vendues. Pour les autorités de santé, la pandémie a joué un grand rôle dans cette hausse.
Plusieurs facteurs contribuent à cette situation alarmante :
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Les États-Unis assistent tout de même à une vague de criminalité particulièrement importante depuis plusieurs années.
Certains affirment même que cette relation singulière que les États-Unis tiennent vis-à-vis des armes à feu relève d’une forme sombre de l’exceptionnalisme américain.
Plusieurs mesures sont envisagées pour lutter contre la violence armée :
Le bilan au sujet des armes à feu est dans l’immédiat assez décevant.
11 avril 2022 : Joe Biden a durci la réglementation des armes dites « fantômes ». Ces armes sont dangereuses, car non réglementées. Elles ne sont pas traçables et n’existent actuellement pas au regard de la loi.
24 juin 2022 : Joe Biden signe une loi qui permet enfin de renforcer le contrôle des armes à feu dans le pays. Ces mesures visent à renforcer la sécurité des écoles, à assurer un meilleur contrôle de la vente illégale d’armes, à limiter l’accès des personnes dangereuses aux armes à feu et enfin à financer des programmes de soutien psychologique. Le projet de loi Enhanced Background Check Act of 2021 est quant à lui en suspens.
Descendre dans les rues pour lutter contre les armes à feu, c’était le projet des manifestations « March for Our Lives » qui se sont déroulées en 2018, en réaction à la fusillade de Parkland. Ce mouvement a été amplifié sur les réseaux sociaux grâce à des hashtags tels que #NeverAgain, #MarchForOurLives, #WhatIf et #IWillMarch.
Le mouvement « March for Our Lives » a bel et bien eu un impact.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir sur la question des armes à feu. Le climat de violence qui pèse actuellement sur le pays ne cesse de plonger de nombreux concitoyens dans l’inquiétude. Reste à voir quels efforts seront faits dans les mois à venir pour lutter contre cette violence.
En 2022, il y a eu 48 183 suicides aux États-Unis dont plus de la moitié par arme à feu. Pour la première fois depuis que le CDC établit des statistiques (1968), ces suicides constituent la majorité des décès par arme à feu aux États-Unis.
Dans la majorité des cas, ces meurtres sont commis à l’arme à feu. Paradoxalement, c’est aussi le pays où l’on trouve le plus d’opposants irréductibles à toute forme de contrôle de la vente des armes.
Dans la plupart des métropoles le journal télévisé commence par l’annonce du nombre de victimes de crimes violents de la journée. Il y a en moyenne un meurtre toutes les vingt-deux minutes (soit plus de 26 000 par an), un hold-up à main armée toutes les vingt minutes.
En 1986, il y eut 1 582 meurtres à New-York, mais seulement 67 à Londres ; 1 480 à Miami et 16 à Manchester ; 666 à Chicago et 61 à Toronto ; 695 à Detroit et 75 à Munich.
L’Association nationale des utilisateurs d’armes à feu (National Rifle Association - NRA) attribue cette évolution à l’intérêt croissant des Américains pour les sports de « tir ». En réalité, la majorité des membres et partisans de la NRA se trouvent plutôt parmi les fanatiques des armes.
Au début des années 1980, les revolvers traditionnels représentaient encore 70 % de la production de pistolets ; aujourd’hui, le ratio s’est inversé en faveur des pistolets semi-automatiques.
Un phénomène encore plus aberrant est l’augmentation rapide de la violence armée dans les écoles. Le 20 mai 1988, par exemple, une femme souffrant de troubles mentaux tua 6 enfants à l’école primaire de Swinnetha (Illinois). En 1987-1988, des écoliers et lycéens ont été blessés ou tués par balle dans au moins vingt-huit Etats. On trouve même de plus en plus souvent des pistolets chargés dans les jardins d’enfants et les classes primaires, apportés par de jeunes écoliers.
Aux Etats-Unis, les partisans de mesures de contrôle sont confrontés au formidable obstacle que représente la NRA. Comptant plus de deux millions et demi d’adhérents, parmi lesquels l’ancien président Reagan et le président Bush, qui en est membre à vie, ce lobby est l’un des groupes de pression les plus puissants.
Forte du soutien financier et politique de ses adhérents et des fabricants d’armes, l’association a réussi jusqu’ici à bloquer la plupart des initiatives législatives, aussi bien à l’échelon fédéral que dans les différents Etats.
Un second argument de la NRA est de faire observer que ce ne sont pas les armes qui tuent, mais les criminels. Bien sûr, toute discussion de la violence criminelle doit distinguer entre les armes à feu en tant que moyen, les responsables directs qui sont les criminels pressant sur la détente, et les causes profondes de la criminalité.
Dans le cas des Etats-Unis, les fléaux sociaux comme la pauvreté, le racisme, la drogue ou le chômage sont à l’origine de nombreux actes désespérés.
L’instauration d’une période d’attente permettrait donc d’empêcher des achats impulsifs d’armes et d’éviter autant de crimes passionnels ou de suicides.
L’assassinat de John Lennon, en 1980, tout comme la tentative d’assassinat contre le président Reagan en 1981 furent perpétrés par deux malades mentaux qui n’avaient eu aucune difficulté à acheter un revolver. John Kinckley, le déséquilibré qui tira sur le président Reagan, avait même été arrêté à Nashville quatre jours avant d’acheter son pistolet.
Alors que le suicide, en tant que phénomène social, n’est pas plus répandu que dans le reste du monde, son incidence y est beaucoup plus meurtrière en raison du recours plus fréquent aux armes à feu.
Il est frappant d’observer la disproportion entre le traitement du terrorisme, de la drogue ou du sida, d’une part, et la passivité envers le fléau des armes, d’autre part. Pourtant ce dernier fait beaucoup plus de victimes.
Un des facteurs qui expliquent peut-être l’apathie du gouvernement est la concentration de la violence au sein des groupes sociaux les plus désavantagés. En effet, autant la société américaine est multiraciale, autant la violence ne l’est pas. Un adolescent noir a onze fois plus de risques d’être victime d’un meurtre qu’un adolescent blanc (12).
Au cours de ces dernières années, une frange croissante de l’opinion publique a commencé à se démarquer de plus en plus des positions outrancières de la NRA. Nombreux sont les citoyens qui s’inquiètent en particulier de la prolifération des mitraillettes, fusils mitrailleurs et fusils d’assaut.
Les organisations de policiers n’ont pas apprécié son opposition catégorique à l’adoption de mesures tout à fait modérées, comme l’imposition d’un délai de sept jours avant tout achat, l’interdiction de la vente aux civils d’armes automatiques de type militaire, l’interdiction de la fabrication de pistolets entièrement en matière plastique, ou encore l’interdiction de la vente au public des munitions à haute vélocité qui traversent les gilets pare-balles des policiers.
L’extrémisme de la NRA pourrait contenir les germes du déclin de l’organisation, comme l’indique l’évolution favorable en matière de législation au cours de ces dernières années.
L’absence de législation nationale minimise beaucoup la portée des réglementations locales. A ce jour, vingt-deux Etats seulement ont adopté des mesures qui ne pourront être vraiment efficaces que lorsqu’il ne sera plus possible de s’approvisionner dans un Etat voisin. L’exemple de la capitale, où la vente est interdite depuis plusieurs années, est très éloquent à cet égard.
Il y a 230 000 points de vente d’armes à feu aux Etats-Unis, et le stock augmente de cinq millions d’unités chaque année.
Année | Nombre de décès par armes à feu |
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2020 | 48 830 |
2021 | Augmentation de 8% par rapport à 2020 |
2022 | 48 183 suicides |
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