Envie de participer ?
Bandeau

L'expression "aller la fleur au fusil" est intimement liée à l'ambiance qui régnait au début de la Première Guerre mondiale. L'expression "la fleur au fusil", désormais passée dans la langue commune, qualifie un départ dans l'insouciance.

Origine et Signification

Bien que l’origine exacte de cette locution soit inconnue, l’histoire raconte que les femmes venues acclamer et encourager les soldats partant au front leur auraient offert de très nombreuses fleurs. Ces dernières terminent accrochées au fusil ou glissées dans l’extrémité du canon, symbolisant ainsi l’état d’esprit de l’époque : les fusils ne serviront pas car la guerre ne durera pas, la victoire est assurée, nul ne peut vaincre la France. Bien que d’autres affirment que ces fleurs aient été cueillies par les futurs poilus eux-mêmes dans l’insouciance du voyage vers le front, le sens de l’expression reste inchangé.

Dès les premiers jours d’août 1914, les soldats défilent dans les villes pour se rendre dans les gares, d’où des trains les emmèneront au front. Sur le parcours, une foule les acclame. Des femmes, notamment à Paris, les embrassent et leur offrent des fleurs, qui finissent accrochées au fusil ou logées dans le bout du canon.

L’expression restera pour désigner, dans tout engagement (militaire ou autre), ce qui relève de l’assurance et de la joie, mais aussi de la vantardise et de l’illusion, de la naïveté et du déni des réalités.

Contexte Historique

Nous sommes en septembre 1914, et peu sont ceux qui imaginent que la guerre sera longue. C'est en septembre 1914 qu'est apparue l'expression « partir la fleur au fusil », une période où peu imaginaient que la guerre serait longue.

Lire aussi: Le tir de loisir: ce qu'il faut savoir

Dans son livre publié en 1928, justement intitulé "La fleur au fusil", l’écrivain Jean Galtier-Boissière avait popularisé cette formule en racontant avec entrain les premiers rassemblements des mobilisés: "Grisés par les acclamations, les soldats ne sentent pas le poids du barda; bombant le torse, cadençant le pas, ils marchent crânement; les cris de la foule bruyante, les drapeaux qui flottent à toutes les fenêtres, les fleurs bigarrées qui ornent les képis, les capotes et les fusils, donnent à ce départ un air de fête joyeuse".

L’auteur, engagé en 1911, caporal en 1914, y évoque notamment le départ de soldats loin d'imaginer le sort qui les attendait : "Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais refléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l’écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes.

En 1919, dans "Les Croix de bois", Roland Dorgelès décrit cette mobilisation héroïque: « Les fleurs, à cette époque de l'année, étaient déjà rares; pourtant on en avait trouvé pour décorer tous les fusils du renfort et la clique en tête, entre deux haies muettes de curieux, le bataillon, fleuri comme un grand cimetière, avait traversé la ville à la débandade ».

Mythes et Réalités

Cent ans après le début du conflit, cette vision d’un départ sous les vivats de la foule, est toujours bien ancrée dans notre imaginaire collectif. Depuis 100 ans, le départ pour la guerre de 1914 est perçu comme une grande fête. Une expression est même restée dans notre vocabulaire pour désigner ce bel élan populaire: ils sont partis "la fleur au fusil".

Les récents travaux des historiens ont montré que la réalité est bien plus nuancée. « Les soldats partent à la guerre avec des canons fleuris. Cette image est restée comme l’expression de l’enthousiasme, mais il faut le modérer. C’est un fait historique établi à partir des photos et des films de l’époque, mais à partir des années 70 et la thèse de Jean-Jacques Becker ("1914, comment les Français sont entrés dans la guerre", soutenue en 1977, NDLR), on a révisé complètement ce départ enthousiaste », explique à France 24 Jean-Yves le Naour.

Lire aussi: Le tir sportif : pour qui ?

Lorsque la population voit pour la première fois les affiches, l’heure n’est pas à la fête: « Même dans les grandes villes comme Paris, cela a été le silence, comme si la foule avait été foudroyée. C’est la consternation. Les femmes pleurent. Les vieux se signent. Les jeunes sont graves. On a pu entendre dans certaines villes des "Vive la guerre" et "À bas l’Allemagne", mais c’était extrêmement rare ».

Les réservistes, après avoir consulté leur livret individuel de mobilisation, s’apprêtent à rejoindre leur régiment, si ce n’est déjà le cas. « Cette mobilisation dure 15 jours, tout le monde ne se rue pas dans les casernes. Une fois qu’on part, on a bu un petit coup. Les femmes vous embrassent, vous donnent des fleurs. On bombe le torse. On se dit qu’on va les battre et qu’on sera de retour dans quelques semaines, à l’automne au plus tard. C’est une fanfaronnade. Cette image de l’embarquement dans les gares, sous les yeux de la population, est restée, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de peur ou d’angoisse chez ces soldats qui chantent et que la nouvelle de la guerre n’a pas été reçue avec effroi », estime Jean-Yves Le Naour.

Nombre de ces hommes étaient imprégnés par l’idée de remplir leur devoir patriotique: « Aujourd’hui, on déteste tellement la guerre qu’on veut oublier des aspects de 1914. À l’époque, la guerre était encore vue comme une épopée et une aventure ».

Mais pour Jean-Yves Le Naour, ces témoignages doivent être étudiés avec détachement. Selon lui, ces écrivains ont mis "la fleur au fusil" en avant pour mieux montrer combien la population a été aveugle. « Gabriel Chevallier dit que quand il reçoit son uniforme, il parade dans les rues de Paris, sous le regard des femmes. Il se pense séduisant. Il est heureux d’être soldat. « Dorgelès en 1914, il était réformé car il avait une mauvaise vue, mais pour lui c’était la honte de rester à l’arrière, il a fait des pieds et des mains pour s’engager. Quelques mois plus tard, il va aussi se repentir d’avoir pensé cela. Quand il parle de fleur au fusil, ce ne sont que des regrets, des remords et la détestation de cette gloire ».

Cent ans après le début du conflit, cette vision d’un départ sous les vivats de la foule, est toujours bien ancrée dans notre imaginaire collectif. "C’est une image d’Épinal comme les taxis de la Marne. Ces images sont peut-être fausses, mais elles disent quelque chose. Dans la mémoire pacifiste qui domine aujourd’hui, on montre avec cette fleur au fusil que les Européens sont partis volontairement, presque heureux de se faire égorger. On ne comprend plus la Grande Guerre et cette haine entre Européens. Cette image d’un départ enthousiaste illustre complètement cette incompréhension et cette absurdité", résume Jean-Yves Le Naour: « On retrouvera toujours cette image de fleur au fusil. Les historiens n’ont pas de prise la dessus. Ce ne sont pas eux qui font la mémoire.

Lire aussi: Découvrez La Fleur au Fusil

Propagande et Réalité Choisie

Dès les premiers jours de la mobilisation en août 1914 se construit une légende, celle d’ « un départ enthousiaste » des mobilisés à la guerre, donnant l’image d’une France nationaliste et revancharde. Il s’agit d’un pur mythe : la nouvelle de la guerre est massivement acceptée avec stupéfaction et résignation dans les campagnes, les bourgades et les petites villes, où vivent alors les trois quarts des Français.

En 1914, la propagande fonctionnait à plein régime. La haine de l'allemand s'exprimait sans retenue. A Paris on a changé le nom de la rue de Berlin en rue de Liège. On a monté en épingle les commerces vandalisés dont les propriétaires étaient d'origine allemande.

Les journaux ont fait croire que cette réaction patriotique était unanimement partagée. Cette réalité choisie est celle que la presse et le pouvoir ont bien voulu faire croire et répandre pour servir des intérêts chauvins, pour envoyer les troupes vers les lignes de front comme si elles s'y rendaient de leur plein gré, avec enthousiasme.

Cette réalité fut par la suite livrée aux artistes et aux écrivains pour être éternellement célébrée car il ne fallait pas révéler les horreurs de la guerre sous peine de passer pour un traître. Nos livres d'Histoire n'ont retenu que ces images d'Epinal au service de la propagande de l'époque.

Les "Poilus" et l'Évolution de la Perception

Une dernière remarque: on a commencé à parler de "poilus" quand la guerre s'est installée dans les tranchées et que les hommes se laissaient pousser la barbe. En 1914, il n'y avait pas de "poilus". Les soldats sont partis en uniforme de parade bleu à col rouge. L'expression « la fleur au fusil » est apparue au XXe siècle. Elle rappelait les militaires de la Première Guerre mondiale qui étaient insouciants et confiants en la victoire. Ceux-ci ornaient alors leur fusil de fleurs.

Le Mythe du Départ "La Fleur au Fusil"

Il y a encore quelques jours, un reportage continuait à colporter la légende des Français partis à la guerre "la fleur au fusil", images de 1914 et témoignage de Roland Dorgelès enregistré en 1965 à l'appui. Dans la réalité, ce qui nous a été montré était loin de correspondre à l'opinion majoritaire des Français telle qu'elle a pu être reconstituée par les historiens et ce qui nous a été présenté comme un départ en guerre "la fleur au fusil" n'était qu'un mouvement de surface, plutôt urbain, concernant les élites intellectuelles et des civils d'autant plus exaltés qu'ils n'étaient plus mobilisables, surtout parisien, parfois suscité par la jeunesse nationaliste proche de l'Action française et de ses Camelots du roi, aux abords de la Gare de l'Est, des casernes et des grands boulevards où quelques magasins à l'enseigne "germanique" (en fait souvent suisse ou alsacienne), ont été saccagés. Et encore, à bien observer en détail la foule des images en question, on y décèle des attitudes bien plus diverses qu'il n'y parait: certaines femmes et certains soldats ont le visage grave et sont loin d'éprouver cette ferveur patriotique , d'autres tiennent des mouchoirs à la main...

Dans d'autres villes et dans certains quartiers, notamment les quartiers ouvriers, l'ambiance fut beaucoup plus complexe et les réserves face à la guerre se sont bien plus manifestées qu'on ne le pensait jusqu'ici: « A Paris, le pavé des grands boulevards est occupé par une manifestation nationaliste le 29 juillet, mais, le 27, les pacifistes ont été aussi nombreux. Quelque 20 000 manifestants se mobilisent contre la guerre à Lyon, 10 000 à Montluçon et 5 000 à Brest. Il faut aussi comptabiliser les manifestations qui sont dispersées par la police à Reims ou Nantes ou celles qui sont simplement interdites comme à Rouen, Nîmes ou Toulouse » (in La Grande Guerre, François Cochet), et, jusqu'au 4 août, des manifestations diverses (meetings, signes d'opposition divers), ont continué à s'exprimer.

De plus, la France est à l'époque majoritairement rurale. En août 1914, on y est en pleine période des moissons et on n'a guère le temps pour se passionner pour les dernières nouvelles du monde. C'est d'ailleurs le tocsin qui avertit les ruraux et, dans une France où le son des cloches a encore une signification importante, le tocsin est d'abord et avant tout l'annonciateur d'une catastrophe: c'est dire si on est loin d'être très enthousiastes à l'idée d'une guerre, même si on s'y résigne, à la fois par obéissance au devoir, mais aussi parce que domine le sentiment d'un patriotisme défensif face à ce qui semble être une agression allemande.

D'ailleurs, le laps de temps est si court et les gens sont tellement sidérés et hébétés qu'ils n'ont pas vraiment le temps d'avoir d'autres types de réactions. Autres élements un peu oubliés aujourd'hui mais qui rendent compte d'une attitude bien plus ambivalente des Français face à la guerre, c'est la véritable panique qui s'empare des épargnants qui n'hésitent pas à effectuer des retraits bancaires massifs de leur compte, les motifs d'un certain nombre de procès à la réouverture des tribunaux en septembre (cris séditieux, propos appelant à la désertion, ...) et l'aptitude particulière de certains commmerçants ou simples Français à tirer parti de tout et donc à vendre certaines denrées à des prix soudain prohibitifs, y compris aux soldats... Pas très "patriotique" tout cela !

En réalité, la guerre, en 1914, sembla bien plus acceptée par résignation que par réel enthousiasme, loin du cliché du départ "la fleur au fusil" et surtout parce que, soldats comme généraux, tous étaient convaincus, pour des raisons parfois opposées, que la guerre serait courte.

Par extension, en oubliant le côté insouciant et en mettant l'accent sur l'enthousiasme et le courage qu'il faut pour partir aussi volontairement dans un conflit, la locution a également pris le deuxième sens plus commun aujourd'hui. 'Fusil' est un mot qui, sous cette forme, date du XIIIe siècle. Par métonymie, c'est l'arme à feu elle-même qui est devenue un fusil.

Les Fleurs, Symboles de Mémoire et de Paix

Grandes oubliées de la guerre, de nombreuses fleurs sont associées dans le monde entier aux combats de la Première Guerre mondiale. Dès le début de la Grande Guerre sont aménagés, dans la proximité immédiate des zones de combat, des cimetières provisoires dont les tombes se fleurissent spontanément, ce qui retient l’attention de certains combattants. En 1915, en Flandre, la floraison de coquelicots inspire au lieutenant-colonel canadien John McCrae le poème In Flander Fields, qui érige le poppy en symbole du sang versé par les hommes tombés au champ d’honneur.

Le Bleuet

Le bleuet des champs ou bleuet des moissons (Centaurea cyanus) va devenir en France, pendant la Grande Guerre, un symbole d’aide aux combattants. En France, les survivants de la première année du conflit appellent les recrues de la classe 1915 les bleuets. Si ce surnom s’explique par le port du nouvel uniforme bleu horizon, il est également choisi parce que cette fleur bleue, tout comme le coquelicot, continue de pousser sur les champs de bataille. Deux infirmières des Armées, Suzanne Lenhard et Charlotte Malleterre-Niox, exerçant aux Invalides pendant le conflit, imaginent alors de vendre des petites fleurs fabriquées par des soldats blessés ou mutilés. En 1920, Louis Fontenaille, président des Mutilés de France, choisit le bleuet comme symbole des Morts pour la France. Le 11 novembre 1934, plus de 128 000 fleurs artificielles sont vendues sur la voie publique.

Le Coquelicot

“In Flanders fields the poppies blow/between the crosses, row on row…” (Dans les champs de Flandre, les coquelicots éclosent entre les croix, rang après rang...) C’est un poème écrit par un soldat canadien, John McCrae, rédigé après la mort de son camarade Alexis Helmer, à Ypres, en 1915, qui va faire du pavot la fleur associée à la mémoire de ceux morts à la guerre. Publié la même année dans l’hebdomadaire satirique anglais Punch, le texte est remarqué trois ans plus tard par une infirmière américaine, Moina Belle Michael, qui convainc la National American Legion et la Royal British Legion de faire de Papaver rhoeas l’image du Souvenir.

D’abord mobilisé dans le cadre d’initiatives individuelles et privées, le coquelicot s’institutionnalise après 1920 en Grande-Bretagne : le maréchal Douglas Haig organise en 1921 un British Poppy Day Appeal afin de récolter des fonds destinés aux anciens combattants invalides et sans ressources. Rapidement étendue aux autres nations du Commonwealth, la pratique transforme le jour de l’armistice en Poppy Day, où de très nombreux Britanniques arborent un coquelicot en mémoire des soldats tombés au combat.

Le Myosotis

Avant de se joindre au Canada en 1949, les Terre-Neuviens célébraient traditionnellement leur Memorial Day chaque 1er juillet. Lors de cette journée, ils arboraient quelques branche de myosotis en hommage aux centaines de soldats du Royal Newfoundland Regiment, tués ou blessés, le 1er juillet 1916, durant la bataille de la Somme, à Beaumont-Hamel (France). Tout comme le coquelicot ou le bleuet, le myosotis (aussi appelé en anglais “Forget Me Not” - “Ne m’oublie pas”) a d'abord été un symbole de respect.

Du côté allemand, d’autres fleurs symbolisent la guerre qui s’éternise, parfois dans le sillage d’usages datant de l’avant-guerre. C’est le cas du myosotis, appelé en allemand « ne m’oublie pas » (Vergissmeinnicht) et qui, avant 1914, était déjà la fleur du souvenir représentant l’être aimé parti loin du foyer. Séché, précieusement conservé, il est glissé (tout comme le réséda) dans les correspondances épistolaires et matérialise la permanence des liens entre le front et l’arrière.

Encore aujourd'hui, de petites fleurs de myosotis en tissu sont portées le 1er juillet dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador en signe de commémoration.

Autres Symboles de Paix

Après la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, l’homme a établi des symboles de paix universellement connus. Le drapeau blanc est également un symbole fort connu depuis des millénaires comme symbole de paix. Un autre symbole fort de la paix mondiale est le fusil brisé, qui est surtout utilisé par l’Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG), connue sous le nom anglais de War Resister’s International (WRI). L’IRG souhaite avant tout mener une action non-violente contre les causes de la guerre, souhaitant établir un monde sans guerre.

La guerre froide et ses conflits connexes (comme celui du Viêt Nam) associent en effet la fleur au combat pour la paix. Les manifestations pacifistes aux États-Unis voient des militants opposer des fleurs aux forces de l’ordre, une scène notamment immortalisée en 1967 à Washington par un célèbre cliché du photographe Marc Riboud. Dans le même temps, le mouvement du Flower Power et son rejet des conflits s’exportent en Europe.

Pour autant, les fleurs continuent d’incarner la mémoire de conflits passés et des souffrances endurées en Europe. À Sarajevo, les stigmates des bombardements de la ville entre 1992 et 1995 sont remplis de résine rouge, des « roses » qui rappellent les guerres dans l’ex-Yougoslavie.

Tableau des Fleurs Symboliques de la Première Guerre Mondiale

Fleur Pays Signification
Coquelicot (Poppy) Grande-Bretagne et Commonwealth Sang versé par les combattants
Bleuet France Aide aux combattants, Morts pour la France
Myosotis Allemagne, Terre-Neuve-et-Labrador Souvenir, Ne m'oublie pas

Marque mémorielle de la guerre, les fleurs en Europe ont longtemps exalté le patriotisme. Toutefois, elles semblent désormais « mortes à la pensée » chauvine (Emanuele Coccia).

tags: #aller #la #fleur #au #fusil #signification

Post popolari: