L'histoire des armes à feu Adler est intimement liée à des événements historiques marquants, comme en témoigne une anecdote poignante de la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période sombre, le soldat américain Martin Adler, alors en Italie, vécut un moment décisif qui allait marquer sa vie à jamais.
Un grand sourire illumine le visage d’un jeune GI, qui pose entouré de trois enfants. Martin Adler, un Américain aujourd’hui âgé de 97 ans, conserve précieusement cette photographie en noir et blanc depuis plus de 77 années. Le soldat qui regarde en direction de l’objectif, c’est lui. Cette photo a été prise à Monterenzio, en Italie, un jour d’octobre 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale. Alors âgé d’une vingtaine d’années, engagé dans l’armée américaine, Martin Adler combattait en Europe. Il avait failli tirer sur les trois enfants qu’on voit avec lui sur cette photographie.
Plus de 70 ans plus tard, le désormais presque centenaire vient d’effectuer le long voyage entre les États-Unis et l’Italie pour venir à la rencontre des trois Italiens, aujourd’hui octogénaires. Ils se sont retrouvés tous les quatre le lundi 23 août 2021, rapporte l’agence de presse Associated Press.
Les trois enfants qui posent sur la photo, ce sont Bruno, Mafalda et Giuliana Naldi, un frère et deux sœurs, âgés aujourd’hui 83, 82 et 80 ans. En cet automne 1944, ils vivent avec leur mère dans une maison de Monterenzio quand l’armée américaine arrive dans ce village du nord de la péninsule. L’unité de Martin Adler fouille chacune des habitations, porte à porte, à la recherche de combattants de l’Axe.
Quand il pénètre dans celle des Naldi avec un autre militaire, il entend un bruit provenant d’un grand panier en osier. Les deux hommes pensent qu’il s’agit de soldats ennemis qui se cachent, lèvent leur arme et s’apprêtent à tirer. Surgit alors une femme. « Elle s’est jetée devant mon arme et s’est mise à hurler : Bambini, bambini, bambini !!! », « enfants » en italien, raconte Martin Adler. À quelques secondes près, il aurait pu tirer sur les trois bambins. Ensuite, l’unité de Martin Adler reste dans le village un moment et le GI joue régulièrement avec les enfants, leur donne des confiseries, puis se fait photographier avec eux. Martin Adler n’a jamais oublié ces instants, ni la photo.
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L’histoire rebondit au mois novembre 2020. À l’époque, la pandémie de Covid-19 touche durement les États-Unis. Martin Adler est confiné dans sa maison de retraite de Floride, dans le sud-est du pays, avec son épouse Elaine. L’ancien soldat ne voit ni famille ni amis. Dans ce contexte difficile, sa fille, Rachelle Adler Donley, cherche un moyen de lui remonter le moral. Elle sait que le souvenir de ces enfants italiens a marqué son père, lui qui est peu disert sur le conflit en Europe. « J’essaye de retrouver ces trois enfants italiens, écrit-elle le 27 novembre. Mon père Martin Adler, 96 ans, serait fou de joie. »
De l’autre côté de l’Atlantique, un certain Matteo Incerti lit ce message. Journaliste italien, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale. Touché par l’histoire, il effectue des recherches, lance des appels sur les réseaux sociaux et contacte les médias italiens, pour qu’ils publient l’image. La photo est diffusée dans des journaux et lors d’une émission de la chaîne de télévision Rai 1. Par chance, l’une des filles de l’un des trois enfants de Monterenzio qui posent sur la photo regarde le programme. Elle reconnaît les membres de sa famille, leur fait part de la nouvelle. Les Naldi et Martin Adler vont alors pouvoir reprendre contact. Au mois de décembre, ils organisent des retrouvailles virtuelles, en visioconférence et sous l’œil des caméras de la Rai 1, rapportait déjà The New York Times.
Lundi 23 août 2021, Martin Adler arrive à l’aéroport de Bologne, en Italie. Des mois plus tard, une fois que la pandémie de Covid-19 a perdu un peu de terrain, Martin Adler traverse une nouvelle fois l’Atlantique, de la Floride à l’Italie. Un voyage de vingt heures. Des images le montrent arrivant à l’aéroport de Bologne en fauteuil roulant le lundi 23 août 2021, levant les bras au ciel tandis que les trois Italiens, devenus octogénaires, s’approchent de lui.
« Je n’aurais jamais pensé que je reviendrais [en Italie] pour revoir ces enfants », lâche Martin Adler lundi, à son arrivée. « C’est génial, lance Bruno Naldi. Il a gardé cette photo pendant 77 ans, il nous a recherchés, il nous a retrouvés, et il est venu nous voir. Quelle belle histoire ! » Martin Adler, lui, a tenu à rendre un hommage appuyé à Rosa Minarini, la mère des trois enfants qui s’est jetée devant lui au moment où il allait appuyer sur la détente. Cette femme était « une véritable héroïne, dit-il. Vous vous imaginez vous tenir devant une arme à feu et hurler : Non, ce sont des enfants ? » Maintenant, l’ancien soldat entend séjourner un moment en Italie.
L'histoire des armes à feu Adler s'inscrit également dans un contexte plus large, celui de l'industrie de l'armement et de son influence sur la société. En étudiant de près les armes, leurs fabrications, leur circulation et leurs utilisations aux XVIIIe et XIXe siècles, Priva Satia propose de relire les origines du capitalisme industriel à l’aune des armes plutôt qu’à celle du doux commerce et de l’essor de l’industrie textile auxquels on ramène en général le processus. En faisant des armes à feu un observatoire privilégié pour examiner l’évolution des imaginaires et des pratiques économiques en Grande-Bretagne, l’auteure offre une analyse riche et rafraichissante de transformations industrielles qu’on pensait bien connaître. La dernière phrase de l’introduction résume bien l’enjeu du livre : « Nous avons oublié le poids de l’industrie des armes dans l’essor du capitalisme industriel, comme nous oublions le sang qui coule dans nos veines ».
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Le complexe militaro-industriel n’émerge réellement que dans la seconde moitié du XIXe siècle lorsque la production se concentre. Auparavant les modèles productifs étaient plus diversifiés et artisanaux, même si les armes avaient dès le XVIIIe siècle modelé une société armée et industrialisée. Le livre est construit en trois parties équilibrées qui explorent chacune un des « modes d’existence » des armes à feu.
Au XVIIIe siècle, il est souvent difficile de distinguer les fabricants d’armes des autres ateliers de petite métallurgie situés autour de Birmingham. La thèse de l’auteure est que la fabrication des armes était étroitement associée à d’autres activités diverses, qu’elle a modelé de nouvelles pratiques fondées sur l’interchangeabilité des pièces, et favorisé des liens entre sciences, arts, finances et industrie. La fabrication des armes inaugure en effet des innovations appliquées dans d’autres secteurs, de même que l’effort de guerre ne cesse de soutenir l’ensemble du tissu industriel britannique.
En 1815 la Grande-Bretagne est ainsi devenue un vaste dépôt d’armes, une importante fabrique existait près de Londres et de nombreux petits fabricants étaient dispersés dans la région de Birmingham. Bien avant l’ère du grand machinisme et des usines concentrées, ces fabricants ont produit des millions d’armes qui furent échangés à l’échelle du monde en remodelant les rapports de force et de domination à toutes les échelles. Le gouvernement encourage cette production de masse, notamment à la faveur de la guerre de 7 ans, de la guerre d’indépendance américaine, ou des guerres révolutionnaires et napoléoniennes contre la France.
La seconde partie explore ensuite « The social life of Guns », c’est-à-dire les usages sociaux de ces armes à feu produites en masse. Les acteurs de l’époque n’utilisaient pas les armes comme nous et ne leur accordaient pas les mêmes significations, tout dépendait du contexte. Ainsi en Afrique de l’Ouest, les armes n’étaient pas destinées qu’à la guerre, elles étaient aussi des symboles de prestige utilisés lors des cérémonies ou pour des offrandes diplomatiques. Le désintérêt pour les nouvelles armes à feu pourtant plus performantes s’explique précisément par ces conditions d’utilisation variables et par le sens que les acteurs leur accordaient.
Les armes n’étaient pas seulement utilisées pour faire la guerre, elles étaient aussi des moyens d’échange, des biens de valeur aux fonctions multiples. Dans un contexte de pénurie monétaire, les armes pouvaient ainsi servir de substituts et d’instruments de crédit. Mais les armes étaient aussi des auxiliaires de la politique de l’État en faveur de la propriété privée ; des instruments de terreur d’un genre nouveau qui accompagnent la criminalisation des classes populaires et certaines de leurs coutumes.
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La troisième et dernière partie examine enfin la « Moral Life of Guns » en étudiant les débats qui n’ont cessé d’accompagner et de modeler la fabrication et le commerce des armes après 1815. Elle revient sur le désaveu de Galton et les liens entre croyances religieuses et engagements dans l’activité de fabrication des armes. Elle suit la manière dont la fabrication des armes s’est transformée au fil des guerres industrielles modernes, creusant le fossé entre l’Europe et les autres régions du monde.
L’auteure offre ainsi une passionnante synthèse de l’évolution du secteur de l’armement jusqu’à nos jours et renouvelle l’analyse de l’avènement du complexe militaro-industriel qui s’impose au XXe siècle.
Cette grande fresque de la modernité relue au prisme des armes à feu, depuis leur fabrication jusqu’à leur consommation en passant par leurs diverses modalités de circulation, ouvre de nombreuses perspectives originales sur les origines de l’industrialisation et de l’expansion impériale outre-Manche. Elle contribue aussi à extraire l’histoire des armes du seul champ des spécialistes d’histoire militaire et des passionnés d’armes pour en faire un observatoire qui éclaire, à l’échelle globale, les origines de l’industrialisation du monde, les imaginaires de la violence, comme l’édification de nouveaux rapports de domination. Il s’agit là d’une véritable histoire totale de la modernité pensée au prisme d’une approche au ras du sol.
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