Le Vieux Fusil, réalisé par Robert Enrico, est un film français sorti en 1975 qui a marqué les esprits par sa représentation crue de la violence et son exploration des thèmes de la vengeance et de la perte pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'idée du Vieux fusil est venue au scénariste Pascal Jardin, quand un ami lui raconta qu'il avait vu étant enfant, pendant la guerre, un jeune Allemand ivre dormir à côté du corps d'une femme qu'il avait violée puis tuée. Ce fait de guerre sordide, ainsi que le massacre d'Oradour-sur-Glane (le 10 juin 1944, 642 civils ont été exécutés par les Waffens SS), ont servi de point de départ à l'écriture de cette fiction remarquablement filmée par Robert Enrico et interprétée par Philippe Noiret et Romy Schneider.
France, 1944. Les Allemands refluent dans le désordre sous la pression des troupes alliées. À l’hôpital de Montauban, le chirurgien Julien Dandieu (Philippe Noiret), opère du matin au soir les blessés des deux camps. Après ces heures de tension, Julien aime retrouver les siens, sa mère, sa fille Florence et Clara (Romy Schneider) qu’il a épousée en secondes noces et qu’il aime passionnément. Devant la proximité des combats et sa crainte des représailles, Julien décide d’éloigner rapidement ses proches de la ville. Son ami François (Jean Bouise) conduit tout le monde dans le vieux château familial, véritable forteresse médiévale qui surplombe toute une vallée.
Cinq jours plus tard, Julien, qui ne peut supporter l’absence des siens, se rend auprès d’eux. Dans le hameau accolé au château règne un inquiétant silence, et toutes les maisons sont vides. Mais dans le hameau accolé au château, Julien découvre les cadavres massacrés de tous les habitants du village à l’intérieur de la chapelle. Il gagne ensuite le château pour découvrir que des soldats allemands l’occupe, et il aperçoit également le cadavre de sa fille sauvagement abattue, de même que le corps de Clara entièrement calciné après avoir été violée. Ivre de douleur, Julien, armé du fusil de chasse de son père et se servant des passages secrets du château, exécute méthodiquement les soldats allemands dans le château un par un, sans montrer aucune pitié.
Dans l’exercice de sa vengeance, Julien se remémore les plus beaux moments qu’il a vécus avec Clara, dont l’amour et la personnalité resteront pour lui un souvenir exceptionnel.
Lire aussi: Découvrez l'histoire des vieux pistolets à poudre
Librement inspiré du terrible drame d’Oradour-sur-Glane qui a vu une division SS éliminer la totalité des habitants du village lors d’une expédition punitive en 1944, Le vieux fusil (1975) est une œuvre puissante qui a fait couler beaucoup d’encre et qui continue aujourd’hui à susciter des réactions extrêmes de la part des spectateurs. Certains dénoncent un chantage à l’émotion pratiqué par un cinéaste revanchard qui vise à mettre en exergue la loi du talion, tandis que d’autres y voient avant tout un film d’amour fou contrarié par la grande Histoire.
La grande originalité du "Vieux fusil" est d’avoir dynamité de l’intérieur un film français classique en proposant au public une expérience d’une rare violence psychologique. Au lieu de suggérer l’horreur de la situation (un village entier massacré par des SS, et le meurtre atroce de la petite famille d’un notable qui cherche alors à se venger), Robert Enrico opte pour une totale exposition de la violence, au risque de déplaire aux tenants du bon goût. Sa vision de la guerre est donc sale, désespérée et terriblement crue. Il n’épargne rien au spectateur, entre scènes de viol collectif, massacre d’un village entier, meurtres d’enfants et de femmes au lance-flamme.
Symptomatique d’un certain cinéma jusqu’au-boutiste des années 70, "Le vieux fusil" met terriblement mal à l’aise et interroge la capacité du spectateur à supporter l’horreur à l’état pur. En cela, la seconde partie du métrage (la croisade vengeresse du notable fou de douleur) fait clairement appel aux sentiments les plus nauséabonds de l’être humain. Toutefois, il est bon de rappeler à ceux qui accusent le film d’être une apologie du fascisme que le personnage principal agit clairement sous le coup de la douleur et même, comme le révèle le bouleversant plan séquence final, de la folie pure et simple.
A la manière du Sam Peckinpah des Chiens de paille, Robert Enrico a signé une oeuvre ambigüe sur la violence, entre fascination et dégoût.
Lorsqu’on connaît les acteurs qui travaillèrent avec Robert Enrico (Ventura, Delon, Deneuve, Bardot, Serrault, Bourvil, Belmondo, Reggiani, Fossey, entre autres) et qu’on sait l’importance qu’il accorda au choix des deux acteurs principaux du Vieux Fusil, on est tenté de croire qu’il aurait souscrit à l’adage du cinéaste italien. Le Vieux Fusil est la seconde collaboration entre Robert Enrico et Philippe Noiret, après Le Secret (1974), avec Marlène Jobert et Jean-Louis Trintignant. Le duo se retrouvera une dernière fois en 1980 à l’occasion de Pile ou face, un polar dans lequel joue également Michel Serrault.
Lire aussi: "Le Vieux Fusil en Sologne": Analyse complète
Personne n'a oublié la scène où les Allemands poursuivent la comédienne, la violent puis l'achèvent au lance-flammes. Une scène d'horreur si bien incarnée par l'actrice que le cinéaste préféra enlever le son tant ses cris étaient déchirants.
Romy Schneider a prouvé maintes fois que les défis cinématographiques ne lui font pas peur. Totalement dans son rôle, elle est impressionnante de détresse, haletante, acculée contre un mur devant ses bourreaux qui vont la brûler vive. Un dernier regard vers le ciel et elle meurt dans un cri de douleur impressionnant.
Philippe Noiret n'est pas en reste. Faut-il posséder une palette de sentiments très large afin de retranscrire tous les états qui envahissent l'acteur. Personnage bon et fort, il incarne la force tranquille, l'homme qui rassure, mais qui n'a rien d'un héros avec son physique banal.
Le tournage a débuté à la fin de l'hiver 1974 et a duré jusqu'au printemps 1975, à Montauban et dans les environs, en région parisienne et à Biarritz. L'essentiel des plans a été réalisé dans les villages de Penne et Bonaguil (Tarn-et-Garonne) et surtout à Bruniquel, lieu où se situe la forteresse que Noiret connaît jusque dans ses moindres détails. Néanmoins, toute l'équipe s'est arrêtée quelques jours à Pontoise pour y reconstituer dans l'une des classes l'intérieur d'une chambre de l'hôpital de Montauban.
À Bruniquel, un village de 610 habitants du Tarn-et-Garonne à trente kilomètres de Montauban, le tournage du Vieux Fusil, en 1975, reste un temps fort de l’histoire locale. Les figurants qui ont participé à cette aventure ne sont plus nombreux, mais le film continue à drainer toute l’année des touristes jusqu’à la cité médiévale, classée parmi les plus beaux villages de France.
Lire aussi: Le Vieux Fusil: Lieux emblématiques
Les astuces du montage -entretenant l’illusion que Bruniquel, Bonaguil et Penne, deux autres communes du Quercy, n’en forment qu’une- ont fasciné les habitants et créé une durable complicité entre le film et le village.
Au château, Claire Denis a découvert les impératifs d'un tournage spectaculaire, les effets spéciaux réalisés en direct sur place. «J'apprenais des choses : je mettais du faux feu à un château, je voyais fonctionner des engins militaires. Je découvrais l'ingéniosité des techniciens dans un cadre précieux et fragile.
Lors de la cérémonie des Césars de 1976, Le Vieux Fusil a été honoré de trois statuettes :
Dix ans plus tard, le film d’Enrico a même reçu le César des Césars lors d’un vote spécial.
Le film de Robert Enrico connut un gros succès en 1975. Le public français de l’époque a répondu présent puisque le long-métrage a attiré 3 347 400 spectateurs dans son château des horreurs. Une popularité jamais démentie pour un film toujours conspué par une grande partie de la critique.
La volonté d'Enrico étant que l'assassinat de Clara et de sa fille marque les esprits de façon indélébile et oppose la violence et le fanatisme des S.S. à la province française - dans une région douce aux paysages harmonieux et où les habitants prennent le temps de vivre - afin de faire naître un contraste très fort. Robert Enrico déploie avec Le Vieux Fusil une histoire brutale, l’un des rares films de justice expéditive français, sorti peu après la référence américaine du genre, Un justicier dans la ville (Death Wish, Michael Winner, 1974). Le Vieux Fusil raconte la métamorphose d’un homme, autant mû par un instinct animal que par un besoin de compréhension et de guérison de sa propre douleur. Enrico le décrivait comme « un film d’amour dénonçant la guerre à travers le parcours d’un humaniste qui va se transformer en vengeur implacable ».
La sauvagerie et l’émotion y naissent d’un rapprochement des extrêmes qui, se mélangeant, finiront par donner naissance au sentiment vague, évanescent et amer qu’on imagine être celui de l’abrutissement qui suit le déchaînement de la violence. Reste l’indicible nostalgie portée par les traits de Romy Schneider, incarnant à merveille la beauté inaltérable des souvenirs dont les heures même les plus sombres d’une vie ne parviennent à ternir l’éclat.
Année | Cérémonie | Récompense | Résultat |
---|---|---|---|
1976 | Césars | Meilleur film | Lauréat |
1976 | Césars | Meilleur acteur (Philippe Noiret) | Lauréat |
1976 | Césars | Meilleure musique (François de Roubaix) | Lauréat |
1985 | Césars | César des Césars | Lauréat |
tags: #actrice #film #le #vieux #fusil