Le film policier traverse toute l'histoire du cinéma. C'est le Français Victorin Jasset qui lance le premier héros détective.
En s'inspirant des fascicules américains largement diffusés par la presse populaire, il réalise les Aventures de Nick Carter, un film à épisodes (1906-1911) annonciateur de la relation étroite qui va s'établir entre les productions américaine et française, l'une s'inspirant de l'autre, et inversement, par un jeu de ricochets infini.
Le développement du serial, ou film à épisodes, est ainsi marqué par la concurrence acharnée que se livrent les firmes Pathé et Gaumont pendant la guerre de 1914-1918.
La filiale américaine de Pathé, rapidement indépendante, lance l'actrice Pearl White avec le feuilleton consacré aux Mystères de New York et aux Exploits d'Elaine (83 épisodes au total en 1915).
Gaumont répond au défi grâce au réalisateur Louis Feuillade, qui avait lancé le personnage du détective Jean Dervieux, incarné par René Navarre (le Proscrit, l'Oubliette, la Course aux millions, 1912).
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En 1913, Feuillade adapte la célèbre série de Souvestre et Allain, Fantômas, dans cinq films divisés en épisodes : Fantômas, Juve contre Fantômas, La mort qui tue, Fantômas contre Fantômas, le Faux Magistrat ; puis il enchaîne avec la série des douze épisodes des Vampires, suivis de Judex, de la Nouvelle Mission de Judex et de Tih Minh, également en douze épisodes.
Feuillade régnera sur le film à épisodes policier français jusqu'au début des années 1920.
Les débuts du policier américain, à l'exception notable des Exploits d'Elaine, sont plus modestes.
On peut cependant remarquer, au sein de la production de la Biograph, une série de films de David W. Griffith qui mettent en scène des mauvais garçons dans les bas-fonds new-yorkais.
Le prototype en est Cœur d'Apache (1912), où une tendre jeune fille (Lillian Gish) aime un musicien pendant que des bandes rivales s'affrontent.
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Mais Griffith ne reste pas longtemps isolé. Ses contemporains Thomas Ince et Raoul Walsh contribuent à l'émergence du genre avec respectivement The Gangster and the Girl (1914) et The Regeneration (1915).
La loi sur la prohibition de la consommation d'alcool est appliquée aux États-Unis de 1919 à 1933.
Tout au long de cette période, les grandes agglomérations urbaines américaines seront marquées par les guerres de gangs, que le cinéma parlant va immortaliser.
Josef von Sternberg (les Nuits de Chicago, 1927 ; la Rafle, 1928) est, avec Lewis Milestone (The Racket, 1928), à l'origine du genre.
Celui-ci trouve sa structure définitive, au début des années 1930, à travers trois films : le Petit César (Little Caesar, 1931), de Mervyn LeRoy ; l'Ennemi public (1931), de William Wellman ; et surtout Scarface (1932), de Howard Hawks.
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Trois acteurs issus du théâtre - ils sont de petite taille, râblés - incarnent des figures mythiques dont le modèle est Al Capone : Edward G. Robinson (Little Caesar), Paul Muni (Tony Camonte, dit « Scarface ») et James Cagney.
Ces personnages arrogants, à la fois conquérants et autodestructeurs, ont tous une relation névrotique à leur mère, trait que l'on retrouve par la suite dans de nombreux films du genre, comme L'enfer est à lui (White Heat, 1949, de Raoul Walsh), où James Cagney interprète à nouveau un gangster psychopathe, Cody Jarrett.
Cependant, le contexte moralisateur de la prohibition pousse bientôt le cinéma américain à mettre en avant le personnage du policier - comme, vingt ans auparavant, Feuillade avait substitué au bandit Fantômas le justicier moral Judex.
Mais les représentants de la loi sont souvent contraints, sous peine d'inefficacité, d'utiliser les mêmes méthodes que les criminels...
Les interprètes sont d'ailleurs interchangeables : James Cagney, « ennemi public » dans le rôle-titre du film de William Wellman, devient policier dans les Hors-la-loi de William Keighley (1935) ; dans Guerre au crime (1936), Edward G. Robinson, policier camouflé en membre d'une bande, abat Humphrey Bogart, véritable bandit ; dans Key Largo (de John Huston, 1948), le même Robinson, authentique gangster cette fois, est abattu par Bogart devenu policier.
À la même époque, le cinéma français adapte plus sagement Gaston Leroux et Georges Simenon.
En 1931, Marcel L'Herbier aborde le parlant en mettant en scène Rouletabille, le héros de Gaston Leroux, dans le Mystère de la chambre jaune et le Parfum de la dame en noir, avec Roland Toutain dans le rôle du journaliste-enquêteur intrépide.
C'est Jean Tarride qui, le premier, porte à l'écran le personnage de l'inspecteur Maigret (interprété par son père, Abel) dans le Chien jaune (1932) ; Maigret sera ensuite joué par toute une pléiade d'acteurs : Pierre Renoir, dans la Nuit du carrefour de son frère Jean (1932) ; Harry Baur, dirigé par Julien Duvivier dans la Tête d'un homme (1932) ; Albert Préjean, qui incarne un Maigret assez inattendu, imberbe, svelte et sportif (Picpus, 1942 ; Cécile est morte, 1943 ; les Caves du Majestic, 1944) ; enfin Jean Gabin (notamment dans Maigret tend un piège, 1958, de Jean Delannoy), avant Jean Richard, Jacques Debary et Bruno Cremer, qui incarneront le célèbre inspecteur pour les écrans de télévision.
De toute la production française des années 1930, riche en films policiers et en figures de gangsters, il faut retenir Pépé le Moko (1937), où Gabin incarne un chef de bande dans la casbah d'Alger.
Dans les années 1940 naît le « film noir », dominé par le personnage du « privé » et caractérisé par une certaine intériorisation de la lutte entre la loi et le crime, entre le bien et le mal : au cœur du drame, le détective privé - dont Philip Marlowe, héros des romans de Chandler, incarné par Humphrey Bogart, fait figure de modèle - s'interroge aussi bien sur les mobiles profonds du gangstérisme que sur le sens de son rôle de justicier.
Après le Faucon maltais (1941, tiré du roman de Dashiell Hammett) de John Huston, des films comme Adieu ma belle (Edward Dmytryk, 1944), le Grand Sommeil (Howard Hawks, 1946), Laura (Otto Preminger, 1944), Assurance sur la mort (Billy Wilder, 1944), la Dame du lac (Robert Montgomery, 1947) consacrent un genre marqué par un certain cynisme du récit, l'ambiguïté morale des personnages, la présence de personnages féminins troubles et maléfiques.
Le film noir témoigne aussi volontiers de l'émergence d'une voix subjective, celle du détective ou de l'un des protagonistes.
Ce trait accentue la tonalité nostalgique, commune à tous les films noirs.
L'ambivalence du bien et du mal culmine dans les derniers films policiers américains de Fritz Lang (la Cinquième Victime, 1956 ; Invraisemblable Vérité, 1956) comme chez Alfred Hitchcock (l'Inconnu du Nord-Express, 1951).
Par la suite, aux États-Unis, le genre accentue la violence de l'action et resserre les liens entre crime et société (l'Enfer de la corruption, d'Abraham Polonski, 1948).
Le gangstérisme y reproduit, sous un mode dévoyé, l'activité économique normale et les comportements sociaux autorisés : dans la Femme à abattre (1951), de Bretaigne Windust et Raoul Walsh, une société du crime gère des meurtres commandés comme des services ; Traquenard (1958), de Nicholas Ray, met en scène un avocat corrompu employé par la pègre de Chicago.
Alors que Samuel Fuller signe, au long de quarante années de carrière, une dizaine de films d'une vigueur et d'un lyrisme exceptionnels (le Port de la drogue, 1953 ; les Bas-Fonds new-yorkais, 1961 ; Sans espoir de retour, 1989), des réalisateurs d'origine européenne viennent enrichir la tradition : ainsi Roman Polanski (Chinatown, 1974) et Wim Wenders, dont Hammett (1982) est un hommage au genre et à l'un de ses auteurs fétiches.
Trois réalisateurs d'origine italienne vont marquer de leur empreinte le film policier américain des années 1970 et 1980 : Francis Ford Coppola, qui adapte le roman de Mario Puzo consacré à la saga des Corleone (le Parrain, 1972) ; Sergio Leone, qui rend à son tour hommage au genre avec Il était une fois en Amérique (1984), vaste fresque du gangstérisme des années 1930 ; Martin Scorsese, qui fait preuve d'un brio indéniable, de Taxi Driver (1975) aux Affranchis (1990), en passant par Raging Bull (1980).
Abel Ferrara, lui, poussera au noir l'analyse de la décadence de la société en filmant le trafic d'héroïne et la guerre des gangs sans la moindre complaisance (le Roi de New York, 1990 ; Bad Lieutenant, 1992).
En France, la période de la guerre est dominée par les adaptations de Georges Simenon (les Inconnus dans la maison, de Henri Decoin, 1942) et de Stanislas André Steeman (L'assassin habite au 21, de Henri-Georges Clouzot, 1942).
L'après-guerre voit le succès de Quai des Orfèvres (1947), nouvelle adaptation de Steeman par Clouzot, avec Louis Jouvet dans le rôle de l'inspecteur Antoine, tandis que Julien Duvivier réalise des œuvres fortement teintées de pessimisme (Panique, 1947, d'après les Fiançailles de M. Hire, de Simenon).
Deux films vont avoir une influence profonde sur le cinéma français des années 1950 et 1960 : Touchez pas au grisbi (1953), dans lequel Jacques Becker offre à Jean Gabin un rôle à sa mesure, et Du rififi chez les hommes (1954), réalisé par Jules Dassin.
Parallèlement, un acteur américain adopté par Paris, Eddie Constantine, va incarner Lemmy Caution, l'agent du FBI des romans de P. Cheyney : la Môme vert-de-gris (1952), Cet homme est dangereux (1953), Les femmes s'en balancent (1954).
Si la nouvelle vague française apporte sa contribution au genre policier - avec certains films de Jean-Luc Godard (d'À bout de souffle, 1959, à Alphaville, 1965), de François Truffaut (de Tirez sur le pianiste, 1960, à Vivement dimanche !, 1983) et de Claude Chabrol (de Scandale, 1967, à Poulet au vinaigre, 1985) -, le grand réalisateur français des années 1960 et 1970 est assurément Jean-Pierre Melville, que son admiration pour le cinéma américain inspire dès Bob le flambeur (1956).
Le succès public du Doulos (1962) et du Deuxième Souffle (1966) lui permettra d'épurer son style jusqu'à l'abstraction du Samouraï (1967) et d'Un flic (1972), interprétés par Alain Delon.
Avec trois éléments fondamentaux - le criminel, la victime et le détective -, le roman et le film policiers offrent des possibilités infinies et ne cessent de se renouveler.
Le roman policier est, en principe, le récit d'une enquête visant à démasquer un meurtrier.
On trouverait sans peine, depuis les origines de la littérature, des histoires construites sur cette formule, mais l'usage est de faire naître le genre vers 1840, avec Edgar Poe.
Trois de ses nouvelles (la Lettre volée, Double Assassinat dans la rue Morgue et le Mystère de Marie Roget) donnent le beau rôle au chevalier Dupin, qui résout tous les mystères par la seule force d'une logique implacable.
En France, les auteurs de romans populaires cultivent énigmes et rebondissements, d'Eugène Sue (les Mystères de Paris, 1842) à Ponson du Terrail (les Exploits de Rocambole, 1859-1884) ou Paul Féval (les Habits noirs, 1863).
Alors que, en Russie, pour Dostoïevski (Crime et Châtiment, 1866), l'intrigue criminelle est l'occasion d'une réflexion sur la rédemption (Raskolnikov libère sa conscience par l'aveu de son crime, qu'il avait d'ailleurs cru pouvoir - ou devoir - commettre), Émile Gaboriau (l'Affaire Lerouge), la même année, et plus tard Gaston Leroux (le Mystère de la chambre jaune, 1907) opèrent des croisements entre roman policier, roman-feuilleton et roman d'aventures.
De découvertes en rebondissements, les héros sont promenés jusqu'au bout du monde.
L'enquête se double souvent d'une énigme, telle celle du meurtre commis dans une chambre sans issue et fermée de l'intérieur.
Le nom des détectives reste parfois davantage dans les mémoires que celui des auteurs : ainsi le succès de Rouletabille dépasse-t-il celui de son créateur, Gaston Leroux.
Avec Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc, ou Fantômas, imaginé par Marcel Allain et Pierre Souvestre, le héros n'est plus l'enquêteur, mais bien le malfaiteur, Robin des Bois des Temps modernes, qu'on a plaisir à voir commettre ses forfaits chez les nantis et déjouer les pièges de la police.
Bientôt la découverte du coupable devient l'unique objectif.
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