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La feuille morte est un des gestes les plus spectaculaires du football. La balle est brossée. Lentement, elle flotte dans les airs comme si elle allait s’envoler. Et puis tout à coup, au dernier moment, alors que l’on s’y attend le moins, elle redescend brusquement. Comme une feuille morte tombant de la branche d’un arbre.

Origines et Développement de la Technique

Il s’appelle Waldir Pereira, mais tout le monde au Brésil le connaît sous le nom de Didi. Milieu de terrain soyeux, il conduit le Brésil à la victoire finale en 1958, dans une sélection dorée qui compte dans ses rangs non seulement Pelé mais aussi Garrincha. Rien que ça. Et pourtant, grâce à son talent incroyable, il va réussir à rentrer dans l’histoire du football brésilien. La faute, ou plutôt grâce, à un geste totalement novateur : la feuille morte.

A l’époque, il n’y a que deux manières. Soit en contournant le mur, par le haut ou par le côté, d’une frappe enroulée. Soit en force, sous le mur, à travers celui-ci, un peu au dessus ou avec de la chance à côté si l’on a suffisamment d’angle. Didi vient inventer une troisième manière de faire terminer le ballon au fond des filets. Il frappe la balle à mi-chemin de différentes techniques. Un petit peu du cou du pied, un petit peu de l’extérieur pour mettre de l’effet. Pas trop haut, mais pas non plus trop bas pour éviter qu’elle ne s’envole dans les nuages.

Après Didi, le geste ne se démocratisera pas tout de suite. D’abord à cause de la difficulté d’apprendre un geste compliqué et tout nouveau, dans une phase de jeu qui résiste particulièrement aux stéréotypes et aux idées reçues. Et puis également parce que la télévision ne retransmet pas encore en boucle les images quotidiennes des exploits des footballeurs.

Didi est né en 1928, et même s’il connaîtra son apogée à presque trente ans, les foyers du Brésil ne sont pas encore tous dotés d’écrans de télévision. Alors il faudra que le maître trouve ses disciples. Son disciple principal s’appellera Teofilo Cubillas. A la Coupe du Monde 1970, le meneur de jeu péruvien marquera les esprits, et apprendra la feuille morte. Comment ?

Popularisation et Héritage

Le geste se diffusera, gagnera en notoriété jusqu’à devenir autre chose que la marque de fabrique d’un seul milieu de terrain brésilien, quand même passé par le Real Madrid. Bientôt, cela sera Michel Platini qui s’essaiera, avec un succès certain, à la feuille morte.

La feuille morte reste malgré tout aujourd’hui un geste de classe et d’élégance. Rares sont les joueurs capables de marquer un coup-franc de cette manière. Car s’il est mal frappé, le ballon risque de s’envoler dans les tribunes ou bien de finir dans les bras du gardien voire dans le mur. L’élégance, le flegme, la nonchalance et la précision du « Prince éthiopien » - c’est le surnom donné à Didi - ne sont pas à la portée de n’importe quel footballeur.

« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ».

La Panenka: Une Variante Audacieuse

Au tireur, donc, d'oser la «variante Neeskens», du nom du Néerlandais qui tira plein centre, en force, un penalty (dans le cours du jeu) en finale de la Coupe du monde 1974. Elle a ensuite été magnifiée, en feuille morte, par le tchèque Panenka en finale de l'Euro 76, notamment imité en Coupe du monde par l'Uruguayen Abreu en 2010, contre le Ghana.

Le déclic d’Antonin Panenka intervient lors d’un match de championnat des Bohemians de Prague contre Plzeň. Penalty raté, penalty à rejouer, penalty encore raté. Désormais, c’est sûr, après ce double échec, Panenka va multiplier les entraînements dans cet exercice avec son coéquipier et gardien, Zdeněk Hruska.

Les deux hommes parient de l’argent, des chocolats ou parfois une bière. « Au début, il fit beaucoup d’arrêts, tout simplement parce que c’était un bon gardien. Après quoi, j’ai réfléchi à d’autres moyens de marquer, retrace Panenka. Une nuit où je ne dormais pas, j’ai pensé à ceci : je savais que les gardiens choisissaient généralement un côté, mais si vous frappiez très fort (au centre, ndlr), ils pouvaient quand même l’arrêter du pied. Verdict ? « J’ai essayé avec Hruska et j’ai commencé à remporter tous nos duels. Je grossissais à vue d’œil à force de gagner du chocolat. »

Dès lors, Panenka se met à tenter ce geste en match officiel, souvent avec succès. C’est simple, il a entièrement confiance dans son geste, même face à des gardiens qui connaissent sa spéciale.

Le 20 juin 1976, la Tchécoslovaquie, surprise de l’Euro, affronte en finale l’Allemagne fédérale, championne du monde et tenante du titre. Quelques heures plus tôt seulement, le président de la Fédération allemande a obtenu qu’en cas de match nul, la décision se joue aux tirs au but et non pas lors d’un match à rejouer avec des joueurs cramés.

La Tchécoslovaquie se rapproche de l’exploit, mais Hölzenbein égalise de la tête pour la RFA à la 89e minute. 2-2 après la prolongation, c’est la première fois qu’un tournoi majeur se joue aux tirs au but. Les joueurs des deux sélections ont eu vent de la règle en rentrant de l’échauffement, personne ne s’y est préparé !

Les sept premiers tireurs froissent les ficelles, puis Uli Hoeness tire au-dessus. Une longue course d’élan rapide pour brouiller les pistes de Sepp Maier et, comme face à Neeskens, le gardien allemand se retrouve impuissant face à cette frappe au milieu. Sauf que cette fois, ce n’est pas un raté, mais un chef-d’œuvre. Une feuille morte qui retombe magnifiquement dans les filets. Panenka laisse son nom à jamais dans les annales du football.

« Je me voyais comme un homme de spectacle et j’ai considéré que ce penalty serait un reflet de ma personnalité. Je voulais donner aux supporters quelque chose de nouveau, créer un événement dont ils pourraient parler, venir avec un truc que personne n’attendait… Je voulais qu’avec moi, le football soit autre chose que quelques coups de pied dans un ballon. » Et s’il l’avait ratée ?

Zidane et sa "Panenka" en Finale de la Coupe du Monde 2006

"L’échec ? Je n’y pense pas, assure-t-il. Je me dis qu’on est à la 7e ou 8e minute et qu’il reste du temps. J’ai quelques secondes pour choisir mon geste et c’est le geste que je choisis." Pourquoi, et comment, faire preuve d’une telle audace, qui plus est face à Buffon ? Parce que c’est lui, justement.

"J’avais un gardien en face qui me connaissait parfaitement et donc il fallait inventer quelque chose", explique Zidane dans un sourire ému.

La suite est un désenchantement à la hauteur de ce gracieux prologue. Marco Materazzi, décidément décisif, a permis aux Italiens de recoller, et les deux équipes vont en prolongation. Le temps tourne, la fin de la rencontre approche à grands pas, et la fin de la carrière de Zidane avec elle.

"Il était dans un état émotionnel extrême, parce que c’était son dernier match, après ça, il allait arrêter le foot", témoigne Bixente Lizarazu, dans ce sujet de Téléfoot.

"Je pense que plein de choses se sont bouleversées dans sa tête, plus le fait d’être agressé verbalement par son adversaire, poursuit son ancien compère de l’équipe de France et des Girondins de Bordeaux. J’aurais aimé être sur le terrain pour que cela n’arrive pas."

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