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Les tirs au but sont souvent perçus comme une loterie, mais une analyse approfondie révèle une combinaison de facteurs statistiques, techniques et psychologiques qui influencent le résultat. L'Euro 2024 a mis en évidence l'importance de cet exercice, notamment avec les performances remarquables de certains gardiens de but et les enjeux mentaux pour les tireurs.

Diogo Costa, héros du Portugal

Héros du Portugal contre la Slovénie en huitièmes de finale de l'Euro 2024, lundi 1er juillet, Diogo Costa est devenu le premier gardien d'un championnat d'Europe à arrêter trois tirs au but tout en gardant sa cage intacte lors d'une séance de tirs au but, selon les statistiques d'Opta. Le gardien portugais s'est d'abord interposé face à Josip Iličić avant de faire déchanter Jure Balkovec et Benjamin Verbič. L'homme du match s'est aussi distingué par un arrêt décisif face à Benjamin Šeško en prolongation.

Ce qui a donc permis à la Seleção - avec les tentatives fructueuses de Cristiano Ronaldo, Bruno Fernandes et Bernardo Silva face à Jan Oblak - de s'imposer 3-0 dans la séance de tirs au but après avoir fait 0-0 en 120 minutes.

Voici ce qu'a commenté Diogo Costa, selon les propos recueillis par l'UEFA: "Au moment de mon arrêt face à Šeško en prolongation, j'ai lu son langage corporel et j'ai pu aider l'équipe. C'est probablement le meilleur match de ma vie. Je me suis concentré sur ce que j'avais à faire. J'ai suivi mon instinct. Bien sûr, nous avions analysé les tireurs de penalty, mais les joueurs changent et modifient leur façon de tirer. Je suis très heureux et très fier d'avoir aidé l'équipe".

"Le secret du Portugal, c'est Diogo Costa", a salué Roberto Martinez, le sélectionneur du Portugal. "C'est le secret le mieux caché du football européen. Aujourd'hui, il est apparu à un autre niveau.

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La perception des tirs au but : loterie ou compétence ?

Après le dernier tir marqué par Jorginho et la qualification italienne (1-1, 4-2 tab), c'est l'ancien international espagnol Gerard Piqué qui a dégaîné sur les réseaux sociaux, en s'en prenant à ces "cruels" tirs au but. Les statistiques disent que le premier a plus chances de gagner et dans un tournoi comme celui-ci, il ne semble pas juste qu'un match nul vous fasse commencer avec un désavantage..." Une critique récurrente, parmi d'autres.

Mais ces idées reçues sur les tirs au but sont-elles fondées?

Juste après la défaite de la France face à la Suisse la semaine passée, Raphaël Varane avait pointé le soi-disant hasard qui régirait une séance : "Les tirs au but, c'est la loterie". D'autres, avant lui, ont parlé de "lancer de dés". Une remarque légitime, dans la mesure où l'équipe la plus forte dans le jeu, celle présentant sur le papier le meilleur effectif, n'est pas toujours celle qui s'impose. Mais mieux vaut s'enlever cette idée de la tête.

Geir Jordet, un universitaire norvégien qui s'est spécialisé dans l'étude des tirs au but, a relayé ces derniers jours les résultats de nombreuses années de recherche. A partir d'entretiens avec des joueurs ayant participé à des tirs au but, il a constaté que ceux estimant que la séance était une loterie avaient plus de chances de se manquer. Au contraire, plus un tireur aura le sentiment d’avoir son destin en main, d’avoir le contrôle, plus il sera en réussite.

L'importance de l'ordre de tir et la pression psychologique

Là où Piqué a raison, c'est sur l'importance de tirer en premier... et donc par extension de remporter le pile ou face. Selon une étude de l'économiste espagnol Ignacio Palacios-Huerta, un autre spécialiste du sujet, l'équipe qui tente sa chance en premier aurait environ 60% de chances de s'imposer.

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Le mental, c'est sans doute le facteur le plus important quand vient l'heure de se présenter face au gardien adverse, avec la pression de tout un stade, voire tout un pays sur les épaules. Geir Jordet a souligné plusieurs chiffres montrant que cet aspect psychologique est déterminant.

Sachez par exemple que plus on avance dans la séance, moins le taux de réussite est élevé, car la pression monte. Pour un premier tir au but transformé dans environ 85% des cas, on descend à 75% pour le quatrième. L'enjeu du tir potentiellement décisif fait aussi pencher la balance: un tireur qui a la victoire au bout du pied marque dans 92% des cas, alors qu'un tireur qui doit absolument marquer pour éviter la défaite (style Mbappé face à la Suisse) n'y parvient que dans 62% des cas. Mieux vaut une pression positive que négative.

En plus de ça, le passé joue son rôle. Dans le cas précis des équipes nationales, un joueur représentant un pays qui a gagné ses deux dernières séances marque en moyenne dans 89% des cas. A l'inverse, un joueur représentant un pays qui reste sur deux défaites aux tirs au but marque dans 57% des cas.

Stress toujours, les joueurs qui se précipitent pour placer leur ballon, puis frapper dès le coup de sifflet de l'arbitre, sans doute pour en finir au plus vite, ont un pourcentage de réussite plus faible.

Sinon, on note aussi que les jeunes joueurs (moins de 23 ans) ont un pourcentage de réussite supérieur: ces derniers sont moins expérimentés, mais sont a priori moins sensibles aux enjeux, et donc à la pression environnante.

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Technique, Entraînement et Préparation

Dans une séance, il y a donc le rôle de la tête, mais aussi celui des jambes. Toujours d'après les statistiques récoltées par Geir Jordet, on observe que les attaquants - joueurs habitués à frapper au but - ont davantage de réussite à 11 mètres que les milieux, et surtout que les défenseurs. Signe qu'au-delà de l'aspect psychologique, un tir au but est également un exercice technique.

Notons que les joueurs ayant disputé l'intégralité des 120 minutes ont un pourcentage de réussite plus faible que ceux entrés en cours de match. La fraîcheur physique a son importance. Tout comme... l'entraînement.

"Pour réussir un penalty, il faut juste s’entraîner, et au moins 150 fois dans l’année", estimait Ignacio Palacios-Huerta dans ses travaux, avec plusieurs exemples concrets. Outre le travail utile des gardiens en amont, sur l'anticipation, le placement des pieds de l'adversaire, ou ses habitudes, l'Espagnol conseillait aux autres joueurs de se familiariser avec l'ensemble du processus - et pas seulement avec le tir - comme la longue marche entre la ligne médiane et le point de penalty.

Tableau des tirs au but de l'équipe de France

Voici un aperçu des performances de l'équipe de France lors des séances de tirs au but dans les compétitions majeures :

CompétitionAnnéeAdversaireRésultat
Coupe du Monde1982Allemagne de l'OuestDéfaite
Coupe du Monde1986BrésilVictoire
Euro1996République TchèqueDéfaite
Coupe du Monde1998ItalieVictoire
Coupe du Monde2006ItalieDéfaite
Euro2021SuisseDéfaite
Coupe du Monde2022ArgentineDéfaite
Euro2024PortugalVictoire

Il est à noter que les échecs se concentrent sur les deuxièmes, quatrièmes et sixièmes tireurs. Les Bleus ont remporté six fois sur douze cette épreuve, mais si on écarte les deux matches du tournoi Hassan II en 1998 (Maroc, perdu) et en 2000 (Japon, gagné), ils ne s'en sont sortis que cinq fois sur dix en phase finale. Et à chaque fois en quart de finale (1986, 1996, 1998 et 2024).

L'approche psychologique et les solutions pour l'avenir

La psychologie mérite aussi d’être étudiée lorsque l’on se penche sur l’histoire moderne des séances de tirs au but. «Si le match ne se déroule pas dans les meilleures conditions, lorsque le sentiment d’injustice est présent, certains joueurs peuvent être fatalistes et penser, même inconsciemment, que le match est déjà plié, que le sort va s’acharner», souligne Ben Lyttleton. Les détails ont leur importance, la préparation mentale aussi.

Il semblerait d'ailleurs que la DTN s'empare enfin du sujet. "Il ne faut pas tomber dans quelque chose qui nous paralyse, dans une forme de psychose, révélait Hubert Fournier il y a quelques jours dans L'Equipe. La gestion des émotions doit être mieux maîtrisée. Il y a sans doute des solutions, et il va falloir qu'on les trouve (…). Il est nécessaire de mettre une cellule spécialisée en place pour accompagner les joueurs sur le plan émotionnel, faire en effet appel à des psychologues. Il est important d'y réfléchir et on va le faire, croyez-moi." Des psys au secours du football français, voilà peut-être une partie de la solution.

En Allemagne, la fédération donne accès à des psychologues sportifs à toutes les sélections de jeunes. De même, les gardiens de but reçoivent un briefing penalty sur leurs adversaires avant chaque match. Luis Enrique, avant le dernier Mondial, avait demandé à ses joueurs espagnols de tirer 1000 penalties avec leurs clubs respectifs avant de prendre l'avion pour le Qatar.

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