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L'histoire des sociétés de préparation militaire en France, qui comptaient une centaine de membres au début des années 1870 et atteignirent plusieurs milliers en 1914, est bien connue. Pourtant, le rôle de la géographie dans la formation et le fonctionnement de ces sociétés a été négligé. Cette étude examine ce rôle dans sept départements distincts (Ariège, Cantal, Finistère, Loir-et-Cher, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Calais et Vienne).

Contexte et Développement des Sociétés de Préparation Militaire

À partir des années 1870, le projet républicain en France recherchait de plus en plus des recrues militaires qui seraient jeunes, physiquement robustes et mentalement éveillées. Les rôles et les intérêts des instructeurs, des gymnastes et des militaires s’imbriquaient et se renforçaient les uns les autres. Les exercices de préparation militaire, de gymnastique et de tir se trouvaient intégrés dans le programme scolaire. Les années 1880 virent créer des bataillons scolaires, auxquels furent remis leur propre drapeau, pourvus de fusils et entraînés par des instructeurs nommés par les autorités militaires.

À partir de 1907, un ensemble de circulaires émanant du ministère de l’Instruction publique prévoyait la création des associations scolaires de tir dans tous les établissements d’enseignement dépendant de l’État. Mais il restait un vide à remplir entre le moment où les élèves quittaient l’école (la plupart à l’âge de 13 ans) et leur inscription possible dans l’armée (à l’âge de 20 ans). Ce vide dans la provision de préparation militaire post-scolaire et avant inscription se vit rempli par les sociétés de préparation militaire, les sociétés de gymnastique et celles de tir nées de l’initiative privée et encouragées par l’État.

Bien que l’histoire générale de ces sociétés soit bien connue, leur nombre précis et l’adhésion dans chaque catégorie est difficile à déterminer, étant donné la fiabilité insuffisante des sources (qui sont incomplètes et ne déterminent pas toujours avec précision les distinctions entre, par exemple, les sociétés pour les adultes, pour les scolaires et celles post-scolaires, et celles qui existaient entre les sociétés militaires, civiles ou mixtes).

Géographie des Sociétés de Préparation Militaire

Il faut distinguer d’une part la géographie des sociétés de préparation militaire telle que nous la regardons nous-mêmes en tant qu’observateurs de ces sociétés et en qualité d’historiens et géographes et, d’autre part, le rôle de la géographie dans ces sociétés tel que l’ont vécu leurs membres. L’étendue géographique des sociétés de gymnastique, de tir et d’instruction militaire à travers la France était très inégale. Dès 1882, sur les 21 départements situés au nord d’une ligne allant de la Seine Inférieure au Jura, 2 seulement n’avaient pas de sociétés de gymnastique, les 19 autres en regroupant 205 sur les 251 enregistrées en France. Au sud, 65 départements se partagent 46 sociétés et en réalité, 36 d’entre eux n’en possèdent aucune.

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En termes généraux, les premières sociétés de préparation militaire se développèrent dans le nord et à l’est de la France, et dans ces régions, les plus signifiantes d’entre elles s’établissaient près de la frontière et dans les centres urbains et industriels. La distribution de ces sociétés était tout aussi mal répartie au niveau régional. Par exemple, dans le département de Meurthe-et-Moselle, le nombre de sociétés de gymnastique augmenta de 7 en 1879 à 90 en 1914, date à laquelle un tiers était situé dans le centre urbain principal (Nancy) et un deuxième tiers dans le nord industriel, autour de Longwy et Briey. Le nombre de sociétés de tir passa de 9 en 1880 à 142 en 1914, dont beaucoup étaient à la campagne, pas exclusivement dans les centres urbains, industriels et miniers. Ces deux types de société étaient surtout nombreux et populaires dans la zone qui longeait la frontière internationale. Ce même phénomène peut être attesté en Pas-de-Calais.

De plus, au niveau local, il y avait des considérations géographiques. Pour réussir, une société devait obtenir l’adhésion d’une masse critique de membres possibles, ce qui veut dire que ces sociétés ne devaient pas s’établir trop près les unes et les autres. En considérant le contenu géographique des sociétés de préparation militaire, il est important de faire une distinction entre l’importance directe et indirecte qu’avait leur localisation.

Le Cas de Vendôme et d'autres Départements

Dans le Loir-et-Cher, on vit fonder au début des années 1880 les premières sociétés dans les chefs-lieux de ses trois arrondissements (Blois, Romorantin et Vendôme), mais en 1900 leur nombre n’avait atteint qu’une douzaine environ. Dans l’Ariège, la première société de préparation militaire fut fondée en 1888 à Foix, chef-lieu du département. Dans cette région périphérique, il n’y avait, paraît-il, que peu d’enthousiasme pour des sociétés de ce type. Leur nombre était lent à augmenter, et commença surtout à partir de 1900 ; mais en 1913 il n’y en avait que 30, ce qui indique que moins de 10 % des communes en étaient pourvues.

Dans le Finistère, la première société de préparation militaire n’était fondée qu’en 1884, à Brest, chef-lieu du département, et en 1896, il n’en existait que quatre de plus. Dans le Cantal, la première société fut créée en 1882, mais dix ans plus tard il n’en avait toujours que trois ; en 1913 il en existait presque 60, ce qui ne signifie que seule une sur cinq des communes départementales était dotée d’une telle société. Point fascinant, les deux premières sociétés furent créées dans ces chefs-lieux de canton (Marcenat et Murat) et ce n’est qu’en 1886 qu’on vit créer une société à Aurillac, chef-lieu du Cantal. Son premier président exprima clairement l’espoir que cette société à Aurillac éveillerait le même esprit de fraternité et de patriotisme ailleurs, en servant d’exemple aux autres communautés du département.

Dans le département de la Vienne, la première société de tir fut établie à Poitiers en 1884 et vers 1893, sept de plus avaient été fondées (dont deux à Poitiers) ; à la même date, il existait aussi sept sociétés de gymnastique (dont une à Poitiers). Entre janvier 1903 et avril 1909, on vit fonder 62 sociétés de tir et 47 sociétés de tir scolaires et post-scolaires.

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Dans le Pas-de-Calais, plusieurs sociétés de tir furent créées comme réponse immédiate à la défaite de 1871. Un rapport présenté au conseil général quatre ans plus tard affirma que depuis 1871, plus de 50 communes avaient formé des sociétés (dont deux particulièrement à Amiens). En 1877, on constata que le nombre dans le département avait atteint 87. Une augmentation importante du nombre des sociétés de préparation militaire dans le Pas-de-Calais se ressentit dès le début de 1900.

Tracer le développement des sociétés en Meurthe-et-Moselle est extrêmement difficile, étant donné la nature incomplète des documents. Robert Joseph prétend que le nombre de sociétés de gymnastique passa de 7 en 1879 à 90 en 1914, et le nombre des sociétés de tir de 9 en 1880 à 142 en 1914. Bien que l’on sache que les premières sociétés de ce type furent fondées entre 1860 et les années 1870, et qu’en 1880 il y en avait presque 20, on ne peut établir avec certitude leur nombre les années suivantes.

Patriotisme, Géopiété et Connaissance Géographique

Beaucoup de ces sociétés - et peut-être la plupart - avaient un but patriotique. L’un de leurs objectifs était d’encourager les membres à transférer leur fidélité géographique de leur pays à leur patrie ou, tout au moins, à cultiver une double géo piété. Tout en promouvant l’idée du citoyen-soldat, ces sociétés aidaient à matérialiser l’idée abstraite d’une nation française. Mais elles servaient aussi à étendre la connaissance et la compréhension géographique de leurs membres. La majorité des sociétés étaient géographiquement situées sur une commune, un canton ou un arrondissement, et dans quelques cas sur le département. Par exemple, la Fédération des Sociétés de Tir du Finistère établie en 1900 avait pour but « de resserrer les liens d’amitié entre les sociétés [du département] en vue d’une action commune de provoquer la fondation de sociétés nouvelles, de leur prêter en toute occasion leur appui moral, et, en général de propager et d’entretenir le goût et la pratique du tir ».

Exceptionnellement, quelques-unes de ces sociétés étendaient plus largement leur prise. Ainsi « Les Tireurs Bretons », société de tir scolaire et post-scolaire fondée à Brest en 1900 sous la devise « Pour l’École, par l’École, pour la Patrie », opérait dans les cinq départements de la région bretonne à travers un réseau d’environ 60 comités locaux. Beaucoup de sociétés individuelles étaient liées avec d’autres à travers la région, et en fédérations partout en France. Un grand nombre de ces sociétés participaient à des fêtes et concours locaux, régionaux et nationaux, et y transportaient leurs membres sur le réseau croissant de trains et tramways.

Ainsi, la Fédération Républicaine des Sociétés de Gymnastique, de Tir et de Préparation Militaire de l’Ariège et de la Haute-Garonne fut établie en 1909. Ces années de formation s’avéraient difficiles mais en 1912, elle organisa une fête à Castillon qui réunit les membres de trente sociétés venant des deux départements. Fédérations et fêtes contribuèrent de façon fortuite à l’élargissement des horizons géographiques de leurs membres.

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Géographie Militaire et Connaissance du Terrain

L’âge d’or des sociétés de préparation militaire coïncida avec ce que Philippe Boulanger décrit comme étant l’apogée de la géographie militaire, entre les années 1880 et 1914. Cette période vit la floraison de la géographie militaire comme l’étude du milieu ou d’un espace à des fins stratégiques et tactiques, en employant une combinaison de critères d’ordre physique et humain. Mais la géographie entra aussi dans le jeu à un niveau moins élevé dans le développement des sociétés de préparation militaire, et elle le fit de plusieurs façons. Comme nous l’avons déjà noté, le développement et l’étendue des sociétés se basaient partiellement sur le réseau d’habitations, et par conséquent l’idée et la manière de fonder de telles sociétés se propagèrent de manière hiérarchique en fonction de l’habitat.

Ces sociétés étaient attentives aux considérations géographiques, au point d’encourager une reconnaissance de l’importance tactique qu’avaient la topographie et les relations spatiales (et donc l’interprétation des cartes) dans la conduite des opérations militaires. L’un des buts des sociétés de préparation militaire était de développer chez leurs membres les techniques de la lecture des paysages et des cartes, et de leur inculquer quelque peu des connaissances et de la compréhension topographique qui se trouvaient à la base des tactiques militaires de l’époque.

À Foix (Ariège), la société établie en 1887 se trouvait quatre ans plus tard avec plus de 170 membres, mais son expansion était freinée par le fait qu’elle utilisait le champ de tir de garnison local, lequel était considéré comme trop éloigné : selon son président, utiliser un champ plus proche de la ville entraînerait une augmentation rapide du nombre d’adhérents qui permettrait d’organiser des concours régionaux. Pour des raisons de sécurité, il fallait souvent situer les champs de tir dans des endroits pas toujours très accessibles. Le président de la société fondée à Gouesnac’h (Finistère) en 1908, avec 36 membres croyait que « par sa situation éloignée de tout centre, elle ne sera jamais un grand groupement de tireurs ».

Les sociétés de tir avaient des liens étroits avec les écoles de garçons et montaient fréquemment leurs stands de tir dans les cours des écoles. Il est évident que ces cours d’école n’étaient pas des sites idéaux. En 1908, le président de la société du village de Lassay indiqua au préfet du Loir-et-Cher que « nos tirs avaient lieu dans la cour de l’école, par conséquent dehors. Les tirs d’hiver ne pouvaient donc être assurés. Pour obvier à cet inconvénient, la société a fait ouvrir une ouverture dans un mur séparant les deux préaux de l’école. Elle y a fait poser un contrevenant pour la fermer en dehors des exercices. Elle a fait installer une plaque de forte tôle, derrière la cible, pour empêcher les dégradat...

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