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Langres, installée sur un promontoire de calcaire bajocien, occupe une position remarquable, sur le flanc septentrional du seuil de la Bourgogne, à l’extrémité sud-est du Bassin parisien. Le site surplombe la vallée de la Marne à l’est, la vallée de la Bonnelle à l’ouest, et domine la dernière partie navigable de la Marne. Seule la partie sud, ouverte sur le plateau de Langres, ne possède pas de défenses naturelles.

Langres est l’antique capitale des Lingons, dont le territoire est restitué à partir des limites des diocèses médiévaux. La cité lingonne s’étend sur quatre départements actuels : l’extrémité sud-est de l’Aube au nord, le sud de la Haute-Marne à l’est, la Côte d’Or orientale au sud, et l’est de l’Yonne, à l’ouest. D’un point de vue administratif, le territoire lingon appartient à la Gaule Celtique, puis est rattaché à la Gaule Belgique après la conquête romaine.

Les Découvertes Archéologiques et le Passé Gaulois

Le dossier de l’antique capitale des Lingons est alimenté par des découvertes provoquées dès le XVIe siècle par les travaux de fortifications et d’aménagements urbains et par les recherches conduites à la fin du XXe siècle. En effet, dès le XVIe siècle, des trouvailles ont enrichi les collections des ecclésiastiques et des notables locaux (par exemple celle de la famille Roussat, souvent mentionnée aux XVIIIe et XIXe siècles), dont font état les manuscrits conservés à la bibliothèque de la Société historique et archéologique de Langres.

Les objets sont collectés de manière anarchique, au gré des dons et des découvertes fortuites réalisées lors de travaux, en particulier lors de la construction d’une citadelle au sud de la ville, à l’emplacement d’une grande nécropole, sous le règne de Louis-Philippe. Cet important programme de construction s’est accompagné de la remise aux normes militaires des murailles de la ville, qui étaient restées telles qu’elles étaient à la fin du Premier Empire, occasionnant la destruction de l’une des portes monumentales antiques, dite Longe Porte, à l’extrémité nord de la ville, au débouché du cardo maximus.

Ces différents travaux de génie militaire, entre 1842 et 1856, ont profondément modifié la physionomie du plateau. Ces chantiers, couverts par le secret militaire, n’ont pas pu être convenablement suivis par les membres de la Société archéologique. Certes, des découvertes mobilières et lapidaires ont été léguées au musée, mais aucun élément précis relatif à la topographie de la ville et de ses nécropoles ne nous est parvenu.

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Durant la Protohistoire, Langres et son territoire occupent une position de choix, au sein des réseaux d’échanges de la France orientale, et aux confins de plusieurs régions dynamiques : la Bourgogne, la Lorraine, la Franche-Comté et la Champagne. Au moment de la conquête des Gaules, les Lingons apparaissent comme l’un des plus importants peuples de la Gaule du Centre-Est. Ils sont évoqués à plusieurs reprises par Jules César dans son ouvrage La Guerre des Gaules, mais le nom de leur capitale n’est pas indiqué.

Le nom antique de Langres, Andemantunnum, ou Andemantunum, apparaît dans les itinéraires antiques et sur plusieurs bornes milliaires. La mention la plus ancienne (abrégée en AND), datée de 43 apr. J.-C., figure sur les bornes de Choilly et Sacquenay. D’autres occurrences du nom sont connues, pour des dates plus tardives. Le toponyme Andemantunnum se décompose en deux parties, -tunnum (site de hauteur) et Andema, dont le sens pose problème.

Les arguments topographiques, la présence de la capitale de cité gallo-romaine et l’abondant mobilier gaulois recueilli lors des travaux urbains effectués dans l’agglomération langroise ont conduit, dès le XIXe siècle. Il s’agit la plupart du temps de découvertes monétaires. La plus importante a eu lieu en 1880, lors de la construction de la citadelle de Langres, où un « trésor » de plus de trois mille potins lingons a été mis au jour. L’abondance et l’homogénéité de cet ensemble laissent supposer que le centre de production des deux types présents (LT 8319 et 8329) se trouvait à Langres ou à proximité.

D’autres objets caractéristiques de la période laténienne ont été mis au jour sur le plateau : fibules, rouelles, amphores italiques, essentiellement. La fouille, conduite dans les années 1970 par E. Frézouls, d’une zone située en bordure de plateau à l’est de la porte des Moulins, place Bel Air, a livré une abondante documentation. Dans le cadre d’un travail universitaire, F. Menec (2009), a réalisé le récolement de la documentation et procédé au reconditionnement du mobilier.

Les archives des fouilles ne permettent pas de savoir si le substrat géologique a été atteint. Aucun assemblage de mobilier caractéristique de LT D n’a pu être mis en évidence dans ce secteur, mais des fragments d’amphores Dressel 1 ont été recueillis, ainsi que des fragments de sigillée arétine. Le corpus monétaire recueilli lors de cette fouille, conservé au musée de Langres et récemment inventorié dans le cadre d’un mémoire universitaire effectué par S. Izri (2009), fournit un spectre chronologique global.

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Le site a livré 229 monnaies dont une forte proportion de monnaies gauloises (49 monnaies, soit 21,4 %). Cet ensemble est principalement composé de types de potins attribués aux Lingons, mais aussi de quelques quinaires et de bronzes frappés. Ces potins apparaissent dès le début de LT D1 (Gruel, Jeunot 2012), mais la durée de leur usage reste méconnue, les Lingons ayant utilisé les mêmes types durant toute la fin de l’époque laténienne. Il est par conséquent possible que certains potins ou bronzes frappés aient continué à être utilisés jusqu’au début de l’époque augustéenne.

Il a fallu attendre les travaux de terrain et les recherches réalisées durant les vingt dernières années du XXe siècle pour obtenir des informations concluantes sur les origines de Langres. Toutes les fouilles ayant atteint le sol naturel ont ainsi livré des vestiges datables de la fin de La Tène. Les informations les plus spectaculaires proviennent de la fouille préventive réalisée de 1985 à 1988, à l’occasion de la construction du nouveau musée, place du Centenaire (à l’emplacement du Marché Couvert : fig. 1, no 3), et en 1989, lors des ultimes décapages préalables à l’édification du bâtiment.

En effet, pour la première fois, des vestiges attribués à l’époque laténienne ont été identifiés (niveaux d’occupation, structures fossoyées et remblais). Ces couches, antérieures à l’occupation romaine, ont été observées sur le substrat rocheux. Malheureusement, elles ont été fortement perturbées par les travaux de construction réalisés depuis l’Antiquité et sont le plus souvent conservées à l’état de lambeaux. Le mobilier de ces couches est caractéristique de LT D2, mais aussi de la fin de LT D1. Il s’étale donc sur une vaste période, qui commence vers la fin du IIe siècle av. J.-C. et se termine au début de l’époque augustéenne.

La carte de répartition des trouvailles de mobilier gaulois laisse clairement envisager que l’occupation gauloise est très étendue, contrairement à ce qui a été longtemps affirmé. En effet, jusqu’à une date relativement récente, la plupart des auteurs, en partant d’arguments topographiques, limitaient la surface occupée à l’époque gauloise à la partie nord de l’agglomération actuelle, c’est-à-dire à l’avancée de la montagne de Langres.

La question de l’emplacement de l’enceinte gauloise reste sans réponse. On peut simplement supposer, en fonction de la topographie du site, qu’elle était de type barrage d’éperon. Au XIXe siècle, T. Pistollet de Saint-Ferjeux (1877) décrit le rempart, sans l’avoir observé lui-même sur le terrain. En 1995, J. Metzler propose de situer le rempart celtique au sud de la ville, dans le secteur de la tour Saint-Ferjeux (1995, p. 612-613, fig. 301). Il restitue le vallum de ce dernier en bordure des rues Denfert-Rochereau et de Lattre de Tassigny.

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C’est sur le site de Champigny-lès-Langres que se développe le premier noyau d’habitat aggloméré à partir de LT C2 et durant LT D1, au vu des éléments mobiliers disponibles. Son développement maximum semble pouvoir être fixé à la fin du IIe siècle av. J.-C. L’étape suivante de l’évolution du pôle de peuplement correspond à l’émergence de l’oppidum de Langres, à quelques kilomètres de Champigny-lès-Langres. Cette création semble se placer à la charnière des IIe et Ier siècles av. J.-C. La mise en place du site fortifié langrois n’entraîne pas l’abandon immédiat du site de plaine voisin.

Durant le Ier siècle av. J.-C., le cœur de cette agglomération périclite, ce qui n’est pas le cas des sanctuaires. L’étude du mobilier (monnaies et amphores pour l’essentiel) laisse supposer que les activités économiques qui s’épanouissaient dans l’habitat de Champigny sont progressivement accaparées par le nouvel oppidum.

Continuité Gallo-Romaine et Urbanisation

Les découvertes archéologiques les plus récentes ont révélé la continuité de l’occupation entre la période gauloise et la période romaine. Les fouilles de la place du Centenaire (« Nouveau Musée » : fig. 1, no 3) ont fourni les indications les plus probantes. En effet, une couche argileuse (de couleur verte) scellant les niveaux gaulois installés sur le sol naturel comportait du mobilier caractéristique de la période augusto-tibérienne. Il apparaît clairement que le site a été nivelé vers le début du règne de Tibère, en vue d’un réaménagement du quartier d’habitations.

Au même moment, dès la fin du règne d’Auguste, d’autres quartiers ont été installés, par exemple place Bel-Air. La plus spectaculaire de ces réalisations d’urbanisme a été observée, en 1996, au faubourg de Sous Bie, lors de la construction du parking « Panoramics ». Les travaux de terrassement effectués le long du rempart médiéval ont mis au jour, entre la tour Saint-Ferjeux et la tour de la Monelle, la partie inférieure d’un puissant mur de soutènement.

Ce mur, reconnu sur 140 m de long, comportait 24 absides semi-circulaires de 3,60 m de diamètre en général (trois sont un peu plus grandes), dont l’élévation atteignait 6 m. Durant le Haut-Empire, Langres, dont la superficie peut être estimée à 80 ou 90 ha, ne disposait vraisemblablement pas d’un rempart, mais elle a été dotée de plusieurs portes, dont deux sont bien connues. En tout cas, le flanc occidental ne paraît pas avoir été pourvu d’une courtine, puisque l’étude de la porte encore en place (« porte Romaine ») a révélé que ses faces latérales n’étaient pas incluses dans une muraille.

Engagée partiellement dans l’enceinte moderne, qui n’en laisse libre que la façade nord-ouest et le petit côté sud-ouest, la porte Romaine comportait sur chacune de ses façades deux baies séparées par une pile étroite structurée par un unique pilastre, et encadrées par deux piles plus larges, cantonnées chacune par deux pilastres, dont un est placé à l’angle de l’édifice ; les petits côtés sont donc encadrés par deux pilastres. Chaque pile repose sur un socle lisse, dépourvu de base et de couronnement.

Depuis ce socle unitaire de plan rectangulaire s’élèvent les pilastres toscans qui supportent les arcades et ceux, d’ordre corinthien, qui constituent les supports fictifs de l’entablement. Les pilastres qui supportent les arcades sont lisses et couronnés par une modénature également lisse, reproduite sur chacune des piles latérales et sur les petits côtés, sous la forme de pseudo-consoles dont A. Olivier a justement précisé qu’elles contribuaient à l’unité du monument.

Les archivoltes présentent trois fasces de hauteur nettement décroissante et sont couronnées par un petit talon sous filet. La base de tous les pilastres est très endommagée ; il n’est pas impossible qu’elle soit restée à l’état d’épannelage. Les fûts cannelés, rudentés dans leur tiers inférieur, sont coiffés par des chapiteaux corinthiens qui présentent tous les caractères du style dit du Second Triumvirat : les deux couronnes du calathos sont constituées d’acanthes à découpage symétrique et les écoinçons entre les crosses sont meublés d’une tige qui donne naissance à un calice bifide ; on ajoutera que les volutes de toutes les crosses accueillent un petit fleuron, détail dépourvu de signification chronologique précise, mais qui signe des productions attentives aux détails.

L’architrave est tangente à l’extrados des arcades ; elle comporte trois fasces de hauteur décroissante dont les écarts de dimensions sont moins prononcés que sur les archivoltes, et est couronnée par un talon et un filet. La frise continue, conservée seulement sur deux courtes sections, est ornée, au-dessus d’un mince listel en réserve, d’amas d’armes. La corniche modillonnaire est taillée dans la même assise que le couronnement de la frise, constitué d’un talon lisse et d’un filet.

La porte Romaine se caractérise par la rigueur et la simplicité de son tracé et de ses volumes : l’élévation est structurée par quelques lignes horizontales (le socle, les impostes et les consoles qui leur font écho, l’entablement) et verticales (les pilastres) ; elle présente cette caractéristique remarquable que les piédroits des arcs et les pilastres s’élèvent à partir d’un socle commun, alors que dans l’étape ultérieure de l’évolution - mais celle-ci n’est pas linéaire ni contemporaine partout -, les piédroits partent pratiquement du sol tandis que les colonnes qui cantonnent les piles latérales sont seules surélevées par un socle, éventuellement articulé.

Cette simplicité est plus manifeste encore dans la planimétrie : les socles des piles sont unitaires et dépourvus de ressauts, comme l’entablement. L’ensemble de ces caractéristiques inscrit la porte Romaine dans une série de monuments précoces, augustéens pour la plupart, avant que le type monumental n’évolue vers une plus grande complexité, qui se lit d’abord dans le recours à des volumes plus articulés. Les claveaux des deux baies sont en outre extradossés, ce qui oriente vers les mêmes conclusions. En l’état actuel d’une documentation pourtant abondante, un seul autre édifice rassemble l’ensemble de ces caractères : il s’agit de l’arc de Berà, qui se dresse non loin de Tarragone, dans la péninsule Ibérique.

La porte Romaine est un monument autonome, non inclus dans une enceinte, ce en quoi il tient plus de l’arcus que de la porta. Il n’en joue pas moins un rôle dans la scansion et la définition de l’espace urbain. Sa typologie entretient du reste un certain flou : les arcs triomphaux et honorifiques offrent un ou trois passages, les baies latérales n’étant dans ce dernier cas que des passages secondaires ménagés dans les piles ; ce sont...

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