La Première Guerre mondiale a été une période de profonds changements et d'innovations militaires, notamment dans le domaine de l'aviation et de l'artillerie. Le stand de tir de Guiscard a joué un rôle crucial dans ce contexte, en particulier grâce à l'implication de l'escadrille BR 210 dans les opérations de réglage d'artillerie et les missions aériennes.
Le 9 août, l'escadrille BR 210 a reçu l'ordre de rejoindre les escadrilles d'armée sur le terrain de Souilly. Le lendemain, le Ltt André Girier, les Sgt André Menant et Jean-Pierre Porte ont ramené 3 nouveaux Breguet 14A2. La 210 en comptait désormais 6. Les Caudron R IV et les derniers Sopwith 2A2, qui n'ont pas été détruits, ont été reversés à d'autres unités. Désormais, le parc aérien de la BR 210 était de 10 Breguet 14A2 et 5 Letord 1, ce qui va faciliter la maintenance pour la mécanique.
Assez vite, des exercices sont effectués conjointement avec les batteries. La zone d'opérations impartie à la BR 210 est la rive gauche de la Meuse. Beaucoup de pièces d'artillerie ont été rassemblées pour une attaque portant à objectif limité, incluant une batterie de 2 mortiers de 370, une batterie de 2 canons de 160 de marine et une batterie d'un canon à berceau de 305. Les Letord 1, qui peuvent voler 4 heures, sont réservés au réglage des canons de 400, des obusiers et mortiers de 370 mm. Leur grande autonomie se prête bien à la lenteur du tir de ces pièces lourdes. Les Breguet 14A2 seront utilisés pour les réglages des tirs à longue distance des pièces de marine.
Avec la perception des Breguet 14A2, dont le rayon d'action surclasse largement celui des Spad biplaces, la 210 va être chargée de missions photographiques à longue distance. La première mission survole Spincourt et Longuyon et la seconde, Avaucourt, Montfaucon, Buzancy, Sedan, Mouzon et Stenay. Le Breguet 14 peut effectuer sa mission à plus de 5000 mètres grâce à son plafond opérationnel étant très élevé pour l'époque. A cette altitude, le froid est intense, les gestes difficiles et la respiration pénible. La graisse de mitrailleuses gèle et le moteur perd la moitié de sa puissance en raison de l'air raréfié à cette altitude. Les missions ramènent respectivement 24, puis 36 photos de secteurs jamais explorés.
Du 11 au 20 août 1917, la BR 210 réalise 80 réglages ou contrôles de tir, dont 20 dans la journée du 17. Plusieurs tirs de destruction ont duré entre 3 et 4 heures. L'étude des photographies aériennes ramenées révélant des déblais prenant un volume considérable, les spécialistes ont déduit que les allemands avaient creusé tout un système de tunnels dans la région. L'interrogatoire de prisonniers avaient confirmé les doutes de l'état-major.
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Les batteries à longue portée se partagent les tirs de contre-batterie et de destruction des dépôts de munitions de Vilosne, de Nantillois, d'Etanches, de la Ferme du Mesnil. Le Ltt Henri Pierret est chargé du réglage des deux canons de 400 mm de la batterie Simonin qui doit tirer sur le tunnel Kronprinz. Des tirs, tombés dans la zone des orifices du tunnel, ont déjà été tentés les jours précédents, mais sans succès. Il faut préciser que des tirs sur un objectif aussi précis, d'une très longue distance, demandent des réglages permanents et très précis. Le moindre paramètre non pris en compte, fausse le tir.
L'équipage composé du Sgt Jean Fabre et du Ltt Henry Pierret décolle au petit matin après avoir prévenu par téléphone la batterie. Après avoir pris suffisamment d'altitude, l'observateur déploie l'antenne métallique, d'une cinquantaine de mètres, qui va trainer derrière l'avion. Il vérifié immédiatement le bon fonctionnement de l'ensemble radio, communique par lettres codes à la batterie Simonin. En passant à proximité du poste de réception de l'escadrille, ils aperçoivent deux long draps blancs, disposés en rectangle, signes que les signaux radio n'ont pas été entendus.
Sitôt posé, l'officier radio et ses sapeurs se mettent au travail pour trouver la panne et surtout réparer l'équipement radio défectueux. Après plusieurs essais, ils détectent une panne du poste qui n'est pas réparable dans l'immédiat. Il faut changer d'appareil. Comme celui du capitaine était prêt, l'équipage infortuné monte à bord et s'envole immédiatement. Cette fois, les essais radio sont bons et le signal est donné de commencer la mission. Les artilleurs, qui ont déjà pris en compte les conditions météorologiques, ont pointés et chargés leurs pièces. Ils commençaient à s'impatienter.
L'avion est relié à l'artilleur "radio" qui attend dans sa "cagna" à flanc de coteau. C'est lui qui transmettra par téléphone les ordres de correction au commandant de la batterie. L'ordre de tir est donné, une pièce ouvre le feu. L'observateur, d'un rapide coup d'oeil en arrière, assure que le coup est parti. C'est le seul critère fiable car le panneau au sol "coup parti" est invisible à longue distance.
L'obus, qui vient d'être tiré, met à peu près une minute à arriver. Pendant ce laps de temps, le pilote place son avion dans les conditions les plus favorables pour que l'observateur puisse voir l'éclatement du projectile. Un énorme nuage de poussière et de fumée a jailli non loin des sorties du tunnel. Le point d'impact est immédiatement repéré sur le plan directeur à grande échelle, ou encore mieux, sur une photo aérienne récente dont l'axe de tir a été tracé. A l'aide du quadrillage à l'échelle du plan, il évalue les écarts en direction et en portée.
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Pendant ce temps, le pilote a fait demi-tour et rapproche l'avion vers la batterie pour réduire la distance d'émission. Dès que la communication des corrections à réaliser est faite, le chef de batterie, au moyen de ses tables de tir, évalue les modifications de hausse et de dérive à apporter. Il communique alors aux chefs de pièces les valeurs à apporter. Une fois, les pièces réglées et chargées, le Breguet fait demi-tour. L'équipage, avant de s'enfoncer en territoire ennemi, vérifie les panneaux "batterie prête". Nouveaux tirs et nouvelles observations.
Après la bataille qui permis la reconquête du Mort-Homme et de la cote 304, les navigants de la BR 210 allèrent contempler sur le terrain le résultat de leurs réglages d'artillerie. Ils retrouvèrent les issues des tunnels complétement bouleversés par les tirs de l'ALGP. Dans l'un d'eux, un bataillon entier avait été fait prisonnier. Le jour de l'attaque, les Breguet 14 A2 de l'unité avaient largué 19 obus et mitraillé les arrières lignes allemandes dans la région de Montfaucon.
A cette époque, les bombardiers allemands Gotha et EAG s'illustrent par leurs bombardements nocturnes quotidiens. Souilly, qui abritait le QG de l'armée et de l'aviation, fut abondamment arrosée. Mais c'est à Vadelaincourt, où se trouvait un autre terrain d'aviation, que fut déploré le plus de victimes. Des bombes tombèrent sur l'hôpital et ses unités aéronautique y faisant de nombreuses victimes. La 210 ne fut pas touchée par ces raids. Le personnel filait à l'abri des tranchées, qui serpentaient à proximité des tentes et autres hangars, dès le début de l'alerte. Sauf certains, croyant à leur bonne étoile, continuaient à dormir comme si de rien n'était. Pour rendre les installations moins visibles d'en haut, les hangars avaient été recouvert d'une légère toile verte dont la teinte s'approchait de la couleur de l'herbe.
Depuis l'arrivée du Breguet 14 en son sein, le BR 210 s'est tirée indemne des missions qui lui était confiée. Le 7 septembre, en raison des missions difficiles confiées à la BR 213 sur la rive droite, la 210 est sollicitée pour seconder sa consoeur. Elle engage plusieurs Breguet 14. Au cours d'un réglage d'ALGP, le Breguet piloté par le Sgt Jean-Pierre Porte est attaqué par 3 avions. L'observateur de la BR 213, le Ltt Alteyrac est grièvement blessé au cours du combat qui s'en suit. Les Ltt Léon Ribière (pilote) et Marcel Laville (obs) livrent combat contre deux avions adverses.
Du 11 au 25 août 1917, l'escadrille BR 210 a effectué 188 heures de vol représentant 129 sorties. Pour fêter la victoire de la dernière offensive, une grande revue des troupes est organisée. Les différentes composantes de la 2ème armée sont présentées et défilent devant le Président de la République, le ministre de la guerre et le général Pétain, commandant en chef. Cette vaste parade a lieu sur le terrain d'aviation de Souilly.
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Né le 8 décembre 1895 à Alençon (Orne), Gaston Eugène Trochery a été un pilote remarquable de l'escadrille R 210 / BR 210. Après avoir été blessé dans l'infanterie, il a rejoint l'aéronautique militaire et a obtenu son brevet de pilote militaire en mars 1917. Il a participé activement aux opérations d'avril-mai et de septembre 1917.
Le 21 septembre, l'escadrille reçoit l'ordre de transfert vers le terrain de Saint-Amand et passe sous le commandement de la 6ème armée. Le lendemain, l'unité au complet atterrit à la Râperie de Saint-Amand, près de Saconin-Breuil, à quelques kilomètres au Sud de Soissons. C'est un magnifique terrain, bien dégagé, équipé de hangars Bessonneau bien dégagés, pour réduire au minimum les effets d'un bombardement. Comme d'habitude, le logement est réduit au strict minimum. Deux baraques Adrian sont vite aménagées à proximité de la râperie de betteraves abandonnée. C'est dans ces batiments que sera installée la popote de l'escadrille. A son arrivée, la 210 trouve la SPA 62 commandée par le Cne François Coli.
Comme d'habitude, les observateurs de l'escadrille prennent contact avec les unités d'ALGP pour lesquelles ils vont travailler. Un terrain, réservé aux vols de nuit, est rapidement aménagé à Vaubéron. Le premier essai a lieu le 1er octobre, dans des conditions météorologiques parfaites, avec une pleine lune et une absence totale de nuages. L'avion engagé pour cette mission, un Letord 1, est monté par l'équipage : Sgt Jean Denéchaud (pilote) - Ltt Jules Brunswick (obs) - Sgt Alfred Adam (mit). Il est équipé d'un poste de réception TSF permettant l'émission et la réception de messages. En outre, un projecteur de 90 a été installé sur la "Montagne de Paris", au Sud-Ouest de Soissons.
Les longueurs d'onde sont respectivement de 350 m pour le poste du Letord et 700 mètres pour celui de la batterie d'ALGP. Ce dernier n'est autre que la voiture TSF de la BR 210 qui a été déplacée pour l'occasion. La batterie a régler est commandée par le Ltt Pfrenglé et elle est constituée de 2 pièces de 194 sur voie ferrée. Elle est positionnée près de Bray et son objectif principal est un carrefour situé au Nord-Ouest d'Anizy-le-Château. La même mission avec le même équipage est répétée le lendemain. Au lieu de partir de Vaubéron, le Letord décolle directement du terrain de Saint-Amand sans autre aide lumineuse que le clair de lune. Il s'agit du premier réglage de nuit en bimoteur avec l'emploi de la réception à bord.
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