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Aux États-Unis, le port d’arme est réglementé au niveau fédéral, puis par chaque état. Ce texte a donné lieu à maintes controverses sur son interprétation, et les pontes en robe longue de la Cour Suprême ont eu des difficultés à énoncer une règle d’application claire et uniforme.

La Cour Suprême a décidé qu’« un particulier peut posséder une arme à feu ; mais que ce droit n’est valable que pour se défendre ». Chaque Etat a ses propres lois sur le port d’armes, et décide s’il est nécessaire d’avoir un permis pour en porter et en utiliser une.

Un permis est nécessaire, mais il est délivré par l’autorité locale (shérif ou police), et à leur totale discrétion. Le permis est ensuite délivré par le « Florida Department of Agriculture and Consumer Services » en Floride, est valable 7 ans et coûte environ 120$.

C’est avec satisfaction que les habitués du West Side Rifle and Pistol Range, le seul champ de tir de Manhattan, ont accueilli la décision de la Cour Suprême qui consacre le droit des Américains à porter des armes à feu en dehors de chez eux. « Un arrêt normal », juge Jack, un étudiant de l’Utah qui vient s’entraîner régulièrement dans le sous-sol poussiéreux de ce vieil immeuble de la 20e rue, à Chelsea. « Le 2e amendement n’a aucune restriction, lisez-le. »

« Le patron ne veut pas qu’on parle, disons simplement que c’est une bonne nouvelle… »Bien sûr à New York, ce genre de réaction est minoritaire. Celle du maire Éric Adams, un ancien policier, reflète l’opinion de la vaste majorité de ses administrés : « La décision permet aux Américains des 50 États de porter en public des armes d’une puissance inimaginable lorsque le 2e amendement a été rédigé, quand on écrivait avec une plume d’oie, a-t-il dénoncé (…). C’est un scandale (…) mais nous n’allons pas laisser New York se transformer en Far West », a-t-il promis.

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Même son de cloche à Washington où le président Biden s’est dit « profondément déçu » par une décision « contraire à la Constitution et au bon sens.

L'AR-15 au centre du débat

Ironie de l’histoire, l’homme qui a tenté d’assassiner l’ancien président des États-Unis hier lors d’un meeting en Pennsylvanie a utilisé un fusil semi-automatique AR-15. Une arme au cœur du débat sur l’armement aux États-Unis, utilisée dans un grand nombre de tueries de masse. Un AR-556, un fusil semi-automatique de type AR-15 a été retrouvé près de son corps.

L'AR-15 a été conçue à Los Angeles dans les années 1950 pour la société ArmaLite, à laquelle renvoie le sigle «AR». En 1959, les droits sont vendus à Colt qui vend le fusil à l'armée américaine qui le renomme «M16», un nom plus connu du grand public. Son développement dans le civil n’est intervenu que bien plus tard. L’AR-15 a été utilisé par la police aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni.

En 2020, une étude de la National Shooting Sports Foundation estime que 24,4 millions d'AR-15 circulent actuellement dans le civil aux États-Unis. Un sondage de l'université de Georgetown réalisé en 2021 sur les détenteurs d'armes donne peu ou prou les mêmes chiffres. À noter qu’elle est utilisée par de nombreux chasseurs.

Cette arme est devenue le symbole du débat sur le port d’armes aux États-Unis. Pour les partisans de la régulation, elle est l’arme préférée des auteurs de fusillade. De fait, elle a été utilisée dans un très grand nombre de tueries de masse ces dernières années : Uvalde en 2022, Parkland en 2018, Las Vegas en 2017, Orlando en 2016, ou dans la tuerie de l'école primaire Sandy Hook en 2012. Pour les inconditionnels du deuxième amendement, elle est aussi le symbole de la liberté du port d’arme.

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En 2023, des élus républicains ont par exemple suscité l’indignation de leurs adversaires démocrates en arborant au Congrès un pins en forme d'AR-15. En outre, les tentatives de régulation se heurtent systématiquement à la puissance du lobby de l'armement.

Le président sortant Joe Biden est toutefois parvenu à obliger les vendeurs à vérifier le profil des acheteurs depuis 2022. L’année dernière, la mise sur le marché du JR-15, un fusil spécialement conçu pour les enfants sur le modèle de l'AR-15, a provoqué l’ire des associations favorables à la régulation des armes.

En 2021, les armes à feu ont fait près de 45.000 morts aux États-Unis, dont environ 24.000 suicides, selon l'organisation Gun Violence Archive.

La drill music et son impact

A 17 ans, Keith Cozart (son vrai nom) est l’une des figures les plus en vue d’un mouvement rap né à Chicago, dans le quartier du South Side, et regroupé autour du terme drill music, qui fascine comme il inquiète et attire donc les dollars des major du disque. Au-delà même de la musique, le clip tourné par Duane Gaines, dit DGainz, est une plongée directe dans l’univers de la bourgeonnante scène de Chicago.

Sur son canal YouTube, les vidéos d’artistes comme L.E.P. Bogus Boys (des vétérans) ou Spenzo, par exemple, dévoilent la rudesse des quartiers de la plus grande ville de l'Illinois, dans lesquels vivent et évoluent des artistes âgés de 13 à 25 ans pour la plupart. La drill music a dépassé le phénomène local, suffisamment pour alerter l’une des fiertés du rap de Chicago, qui a pourtant déserté la «ville venteuse» depuis un moment pour des zones plus douces et sécurisées à New York ou Los Angeles: Kanye West s’est offert un remix de I Don’t Like, sur lequel il a placé une partie des artistes de son label G.O.O.D.

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Depuis le printemps dernier, Chief Keef a signé chez Interscope (la maison de disques d’Eminem, 50 Cent, Dr. Dre mais aussi Lady Gaga) pour 3 millions de dollars, dit-on. On peut même ajouter la signature de Rockie Fresh (autre rappeur local, mais pas forcément associé à la scène drill) chez MMG, le label de Rick Ross, le nouveau géant du rap.

Réputée pour son jazz, sa soul ainsi que sa house music, la troisième ville (et marché) des Etats-Unis n’a pourtant jusqu’ici jamais réussi à imposer une véritable scène rap, à l’opposé de New York, Los Angeles mais aussi Houston, Atlanta ou la Nouvelle-Orléans. Repliés sur eux-mêmes dans la ville américaine où la ségrégation est la plus profonde, les jeunes artistes développent leur son et leurs ambitions …

Le mouvement est resté anonyme jusqu’à ce que le défunt Pacman et son cousin Fatzmack ne le baptisent drill, un terme venu l’argot local. C’est en toute logique que drill a défini la musique des L.E.P Bogus Boys ou de King Louie, qui ont ouvert la voie aux Keef, Reese, Durk ou Katie... Une musique du hood (le quartier), par lui et pour lui.

Et comme le gangster rap, la drill music déclenche la polémique. Les anciennes gloires de la ville s’opposent même sur le sujet. «Chief Keef me fait peur. Pas lui particulièrement mais la culture qu’il représente.

Chief Keef, originaire du quartier d’Englewood dans le South Side, ne fait pas mystère de son appartenance au 300 Black Disciple Gang. Il n’hésite pas à ponctuer ses rimes de tonitruants «Bang! Bang!» ou à mimer des fusillades à l’occasion.

Le magazine en ligne Pitchfork a tourné une interview du jeune rappeur dans un stand de tir et déclenché un véritable polémique qui a poussée la parution à retirer la vidéo. Barack Obama, ancien sénateur de l’Illinois, l’est moins. Il aura attendu la mi-août pour réagir. Mollement.

A Englewood, ailleurs dans le South Side ou dans le West Side, on ne s’interroge pas: on profite. La scène rap locale n’aura jamais autant fait parler d’elle, en bien comme en mal. La drill music n’est pas une affaire de poésie de boudoir, c’est avec du son taillé pour les caisses et les boîtes de nuit dans lesquelles ils n’ont même pas tous l’âge d’entrer que Chief Keef et ses potes sont devenus millionnaires.

Le Gun Store à Las Vegas : Un exemple de la culture des armes à feu

À Las Vegas (Nevada), dans le désert de Mojave, Jeff Frichette est manager du Gun Store, un magasin où il vend munitions et armes automatiques. Mais surtout parce que ce solide gaillard, qui a toujours son pistolet à la ceinture de son treillis noir, est persuadé que le deuxième amendement à la Constitution lui en donne le droit.

« Barack Obama est contre nous, car il est pour le contrôle des armes à feu, dit-il. D'ailleurs, il vient de Chicago, où les lois contre le port d'armes sont les plus dures du pays.

Sur le bureau à côté de la caisse, les clients peuvent glisser dans un pot en plastique une contribution à la NRA (National Rifle Association), l'un des plus puissants lobbys américains, entièrement consacré à la défense du port d'armes.

Jeff Frichette ne veut pas être trop explicite, mais il va de soi qu'il votera pour elle. Pourtant, cette campagne a provoqué le rififi chez les « tontons flingueurs » de l'Amérique.

L'association des « Gun Owners of America » (GOA) est plus radicale encore que la NRA, considérée comme « mollassonne » Pour la GOA, rien ne saurait justifier une entrave au port d'arme - pas même, chez un ancien militaire, des troubles psychiatriques liés au combat. Toujours en raison du second amendement de la Constitution.

En attendant l'issue du vote, mardi 2 novembre, le business continue au Gun Store. Et il tourne plutôt bien. Surtout dans la partie la plus bruyante de l'enceinte, où une vingtaine de personnes font la queue devant le stand de tir.

Pour quelques dizaines de dollars, ils peuvent lâcher plusieurs rafales d'armes automatiques. Pour flatter la virilité des hommes, et rassurer les quelques clientes, ce sont des jeunes femmes à la tenue sexy qui sont en charge de l'accueil.

« Vous pouvez choisir des armes individuellement, ou bien prendre un package, explique Eami, une jolie Asiatique originaire de Californie. Le plus populaire est notre offre "Irak", avec des armes utilisées par notre armée là-bas. Pour 130 dollars, vous avez le droit à 40 balles à l'arme automatique - un M249 - 25 balles au fusil d'assaut - M16 - et 25 tirs au pistolet Beretta.

Au Gun Store, tout le monde est bienvenu, et l'endroit attire de nombreux touristes étrangers de passage à Las Vegas. Il y en a pour tous les goûts : des packages pour les femmes et les enfants de plus de 12 ans figurent aussi à la carte, avec des armes adaptées. Pour faire mouche, le vocabulaire aussi est bien choisi : quand Eami fait l'article de l'Uzi, le pistolet-mitrailleur israélien, qu'elle recommande aux clientes, on ne sait plus très bien si elle parle d'une arme d'assaut ou d'un chihuahua. « Regardez comme il est petit et mignon », lâche-t-elle.

Statistiques sur les armes à feu aux États-Unis (2021)
Catégorie Nombre
Morts par armes à feu Près de 45 000
Suicides par armes à feu Environ 24 000
AR-15 en circulation (2020) Environ 24,4 millions

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