Femme portant un fusil de Sophie Pointurier raconte l'histoire de Claude, une femme de quarante-quatre ans qui traverse depuis quelque temps une période de crise. Rentrée littéraire 2023. Par hasard, elle tombe sur une annonce d'un hameau à vendre dans le Tarn, loin de tout. Ce petit amas de maisons vient faire écho au mouvement béguinal qu'elle avait découvert quelque temps auparavant dans un roman d'Aline Kiner, La nuit des béguines.
Depuis qu'elle a posé ses yeux sur cette annonce, elle s'accroche à cet endroit comme à une bouée et voilà qu'à la boulangerie, elle tombe par hasard sur Élie, cette documentaliste à la retraite. Elles sont témoins d'un drame lié à la vieillesse et à la solitude. Un projet naît alors avec Harriet et Anna rencontrées ensuite, le rêve d'un lieu construit par et pour les femmes.
Mais voilà, un homme est mort et Claude est face à deux gendarmes et doit répondre du meurtre de celui-ci. Ils lui demandent de raconter tout depuis le début... Au début, elles étaient quatre. Il y avait cette annonce d'un hameau à vendre dans le Tarn, loin de tout. Alors un projet est né, le rêve d'un lieu construit par et pour les femmes.
Elles l'ont fait: Claude, Harriet, Élie, Anna. Mais voilà : aujourd'hui, Claude doit répondre du meurtre d'un homme. Des gendarmes lui font face, attendant que cette mère de famille au prénom épicène reprenne tout depuis le début. De l'utopie à la riposte. Ce jour où Claude et ses sœurs ont pris les armes. Que sait-on de la violence des femmes ?
Femme portant un fusil est une formidable ode à l'amitié et à la liberté. Sophie Pointurier, en alternant, chapitres courts dans lesquels Claude est entre les mains des gendarmes, puis à l'hôpital sous contrôle policier avec le récit de la fantastique quête de ces femmes pour se réinventer, croyant jusqu'au bout en leur utopie et n'hésitant pas sur leurs décisions lorsqu'une des leurs est en danger.
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Sophie Pointurier montre dans ce roman contemporain, que le mépris et l'hostilité à l'égard des femmes est toujours d'actualité. Elle fait d'ailleurs dire à son héroïne « c'est un miracle que cette deuxième moitié du monde ne se soit toujours pas réveillée en rage, consciente de sa blessure collective ».
On ne peut que penser comme Claude, qui, lorsque le gendarme lui demande la provenance des armes, aurait aimé lui dire, mais n'a pas trouvé le courage : « Et vous, quelle guerre légitimez-vous ? Quelle violence, trouvez-vous juste ? Très beau roman sur la vie inspirante de ces femmes qui ont tenté l'utopie, sur le questionnement de la condition féminine, sur la violence faite aux femmes, sur la violence dont elles sont elles-mêmes capables, sur la misogynie, mais aussi sur le rôle des réseaux sociaux, sur l'éducation des enfants et l'homophobie sans oublier une bonne dose de suspens.
Femme portant un fusil de Sophie Pointurier est un roman qui explore l’amitié féminine et la quête de liberté dans un cadre rural. L’histoire, inspirée des Women’s Lands, suit quatre femmes qui se lancent dans un projet utopique, mais se heurte à la violence. Mélangeant féminisme, thriller et réflexion sur la place des femmes, ce livre offre une intrigue captivante et un cadre décalé.
Comme dans son premier roman, La Femme périphérique, également publié aux éditions Harper Collins, Sophie Pointurier emprunte au genre du roman policier. Femme portant un fusil questionne la légitimité et la perception de la violence exercée par les femmes. Délicat de définir ce livre. Roman féministe mais est-ce que ça a un sens ? Roman noir assurément puisque l’on sait dès le début qu’il finira mal, l’héroïne tuant un homme avec un fusil. Roman qui fait réfléchir sur la place des femmes.
Comme son titre ne l’indique pas, Femme portant un fusil est d’abord un roman d’amitié, thème boudé par la littérature s’il en est. Pour réaliser son projet, Claude cherche à s’entourer de femmes avec qui se lancer dans l’aventure : une vie communautaire, un brin en retrait du monde, les mains dans la terre. C’est d’abord Élie qui la rejoint, rencontrée fortuitement autour d’une désespérée dans la queue de la boulangerie. Âgée, elle a vécu l’expérience des communautés lesbiennes aux États-Unis et ailleurs.
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Suivront Harriet l’écossaise au parler dégenré, présidente du Kate Bush Project, puis Anna, la plus jeune, militante féministe parfois jargonnante qui s’enlise dans sa thèse. Chaque personnage est l’occasion de beaux portraits en touches délicates, Sophie Pointurier dit les silences, ce qu’on devine, les interstices du langage, la tendresse, les gestes empêchés, les élans d’amour qui unissent ces amies débarrassées des hommes.
On les devine toutes un peu cabossées par la vie et l’hétéropatriarcat n’est pas étranger à leurs blessures. Ce choix de l’amitié n’est pourtant pas exclusif et ne constitue pas un geste de rupture qui mettrait la famille à la poubelle. Même l’ex, qui pourrait donner lieu à la caricature facile, est nuancé. Sophie Pointurier écrit la réconciliation, qui n’a rien à voir avec le compromis, la résignation ou le sacrifice.
Quant au fils de Claude, Lenny, il est partie prenante dans l’aventure, adolescent qui ne se retrouve pas complètement dans les injonctions faites à son genre. Le projet de Claude aboutit et donne lieu à un joyeux mélange de générations, de partage d’expériences et de mises en commun des savoirs et des compétences. Sur le vaste terrain, les personnages se lancent dans le chantier de réfection des maisons plus ou moins vétustes tout en travaillant la terre alentour.
On les voit mettre leurs corps en jeu, s’adonner aux tâches les plus physiques, questionner les charpentes, clouer, visser, scier, douter, se tromper, s’encourager, transmettre, apprendre ensemble et contempler heureuses le fruit du labeur collectif, assemblée hétéroclite de Wonder Women qui ont bâti leur Paradise Land de leurs mains.
Les béguines sont évoquées, ces femmes qui ont expérimenté dès le Moyen Âge la vie communautaire libérées du joug masculin sans totalement se remettre entre les mains de l’Église. Certaines furent condamnées au bûcher, sorcières désignées menaçant l’ordre social par leur refus de s’y soumettre. Élie traverse les siècles en assénant : « quand tes béguines se sont arrêtées, les gouines ont pris le relais. », et nous voilà dans l’Oregon des années 70, où fut créé l’Oregon Women’s Land Trust, première fiducie foncière pour femmes.
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Inspirées de toutes ces expériences passées, Claude et ses comparses sont bientôt rejointes par de nouvelles recrues. Beatriz, ancienne membre de l’ETA ayant séjourné en prison, transporte avec elle toute une lignée de révolutionnaires méconnues ou oubliées, comme la Commandante Ramona, figure majeure du zapatisme au Chiapas, Petra Herrera, Blanca Canales, autres figures qui n’ont pas rechigné à prendre les armes lorsqu’elles l’ont jugé nécessaire pour protéger leurs corps, leurs familles, leurs terres.
Élie insiste : « Il faut écrire les biographies, Claude, il faut écrire les histoires. ». C’est ce que fait Sophie Pointurier, convoquer les femmes qui ont lutté dans le passé et qu’on a bien souvent réduites à des folles ou à des amoureuses manipulées, sans reconnaître leur agentivité politique. Se souvenir qu’on n’hérite pas que d’un statut de victime mais de luttes victorieuses, parfois. L’autrice brasse ainsi divers courants des féminismes actuels et passés.
Point de pureté militante ici, chacune trouve sa place avec ses références et ses angles morts : les anciennes sont gentiment moquées car elles ne maîtrisent pas le langage ni les concepts d’aujourd’hui, les jeunes militantes sont remises à leur place quand elles débarquent avec leur « féminisme de récitation ». Si Claude est sceptique concernant le « féminin sacré » et la touche ésotérique dont est nimbée Élie, elle accueille sans arrogance l’altérité. Réconciliation, toujours.
Tout ça pourrait continuer tranquillement en donnant simplement aux lecteurices une sacrée envie de demander l’adresse, de sauter dans un train et de les rejoindre pour se frotter à l’expérience du chantier participatif, Kate Bush en fond sonore - c’est l’obsession contagieuse de l’inénarrable Harriet - . C’est sans compter la violence qui les rattrape. Le voisin Michel, curieux, circonspect puis menaçant.
Un podcast plus tard, destiné à expliquer leur projet, la machine médiatique s’emballe, les réactions des haters aussi, elles qui cherchaient à vivre peinardes retirées du monde se retrouvent scrutées, commentées, auscultées, nimbées d’une aura de scandale (vivre entre femmes, quelle idée ! Elle sont peut-être même lesbiennes, tiens donc). Peu à peu, le sujet du féminicide s’invite dans le roman.
Discrètement d’abord, quand Claude enthousiaste montre à son fils le film Mauvais Sang et s’aperçoit que l’œuvre tant aimée contribue à la romantisation du meurtre de femmes. Le roman pose alors des questions essentielles : que faire face aux féminicides ? Quelle alternative à la justice d’État qui ne fait malheureusement pas assez, pas bien son travail ? Y a-t-il un usage légitime de la violence ?
Femme portant un fusil est une formidable ode à l'amitié et à la liberté. L’enseignante-chercheuse nous présente ici ce que certains pourraient qualifier d’utopie : une communauté de femmes constituée non pas contre les hommes mais pour le bonheur de celles qui la composent. L’idée n’a rien de nouveau puisqu’elle se rattache au béguinage du Moyen-Âge et plus récemment à la création des Terres lesbiennes de l’Oregon dans les années soixante-dix.
Claude démarre le processus autant par le hasard d’une petite annonce que parce qu’elle s’ennuie en région parisienne. Avec ses compagnes elle fait sécession et se réinvente quelque part dans le Tarn. Cela passe par l’apprentissage de nouveaux gestes, de l’usage de la tronçonneuse à l’aménagement des bâtiments. Parce qu’elles découvrent la campagne mais aussi parce que ces tâches sont habituellement masculines. Et ça marche. D’autres femmes les rejoignent en adhérant au projet des quatre pionnières ou pour échapper à la violence d’un conjoint.
Parce que même au fond du Tarn, même dans un domaine sans homme en dehors du fils de Claude, il y en a de la violence. Certaines femmes rêvent dans les moments de conflit avec un homme d'une vie libérée de son joug. Qui sait, d'une vie avec d'autres femmes à l'instar de celle des béguines. C'est en tout cas ce à quoi pense Claude qui un certain matin, alors qu'elle est lasse de sa vie, découvre une annonce pour la vente d'un hameau dans une campagne reculée et va mettre tout en oeuvre pour réaliser son rêve de communauté de femmes.
Avec cette histoire Sophie Pointurier montre à quel point il est difficile pour les femmes d'échapper à la violence. Celle des hommes à leur égard, mais aussi à la leur dans une tentative désespérée de décider de leur destin. C'est l'histoire de Claude perdant toutes ses illusions sur le monde. Les chapitres alternent soigneusement entre cet interrogatoire et certains souvenirs de Claude afin que chacun puisse comprendre pourquoi en est - elle arrivée là.
Le lecteur se pose des questions : Comment les projets de ces quatre femmes : Claude, Harriet, Élie, Anna ont -ils pu tourner aussi mal ? Cet ouvrage est inspiré de faits réels : femmes battues, tuées par leurs conjoints , maltraitées , les communautés de femmes, les béguines, Oregon Women's LAND Trust. Je dirai simplement que c'est une quête à l'amitié , à la liberté de se réinventer. Jusqu'où peut - on défendre cette violence des femmes ? Comment peut - on se faire justice soi - même ?
Voici aisément un livre que l'on pourrait ranger au rayon des récits concernant des "femmes entre elles"... Et pour cause puisque notre héroïne, une certaine Claude, rompant avec son passé, va décider de venir s'installer dans le Tarn avec une poignée d'autres femmes rencontrées en route, pour vivre, en pleine campagne, loin des hommes, dans une relative autonomie. Ses compagnonnes de route ont connu diverses expériences (dans des communautés féministes aux États-Unis ou tout simplement en couple... avec des maris violents) et toutes participent à l'effort commun pour rénover ces baraquements dans ce hameau abandonné, organiser une fête annuelle en l'honneur de Kate Bush, ou encore élever des moutons... Une volonté de refaire sa vie loin de tout mâle mal intentionné...
Seulement voilà, entre un voisin bounoume un peu trop curieux (et frustré) et quelques actions coups de poings organisé par notre petite bande (pour "délivrer" des femmes qui sont sous l'emprise d'un mari violent), les ennuis qu'elles avaient cherchés à fuir dans un premier temps ne vont par tarder à les rattraper... Car pour lutter contre la violence, il faut parfois également le devenir (pour peu qu'on souhaite parfois arrêter de subir...) mais forcément, la pente est glissante...Dès le départ de l'histoire, on apprend que Claude est en garde à vue, accusée a priori d'une tentative de meurtre : comment expliquer pourquoi elle en est arrivée là et comment se sortir de cette situation dangereuse ?...
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