L'arme de poing avait beaucoup évolué dans ses affectations et ses missions. Elle ne serait plus réservée au bel étui jambon de l’officier ou du gendarme. Désormais, au moins chaque militaire spécialisé en serait doté: artillerie spéciale (ce que nous appellerons tankiste), aviateur, mitrailleur, sections de corps francs… Tous prêt, pistolet au poing, pour le corps à corps, et sans baïonnette au bout d’une canne à pêche genre Lebel.
Le souvenir de la terrible efficacité de cette arme en combat rapproché resta bien présent dans l’esprit des rédacteurs du programme de 1921, qui définissait le futur armement français. Aussi les caractéristiques du futur PM de l’armée française furent elles fortement inspirées par celles du Bergmann MP18/I.Ce document plein de pragmatisme, en date du 11 mai 1921, a été rédigé par des militaires encore proches des réalités du combat!
Les exigences principales étaient :
Le choix de la munition de 7,65 mm Long, a souvent été critiqué dans les publications contemporaines. « Ce choix était justifié par des performances à peu près identiques à la 9 mm Parabellum sur le plan de la précision et de la perforation jusqu’à 600 mètres pour un poids plus faible de la 7,65 mm Long (9,3 g contre 12,2 g pour la cartouche de 9 mm Parabellum).
En 1927, ce cahier de caractéristiques militaires fut modifié au profit d’un pistolet plus léger et moins encombrant. La réduction de calibre, permettant d’utiliser une cartouche plus légère était cohérente avec cette tendance. Une évolution analogue se dessina pour le PM. Les rédacteurs du programme de 1921 avaient initialement défini une arme d’assaut, comme l’était le MP-18 : un pistolet-mitrailleurPistolet-Mitrailleur More rustique, destiné à prendre d’assaut les positions ennemies en noyant leurs défenseurs sous un déluge de feu ou à défendre nos propres positions, par le même procédé.Entre les deux guerres, les penseurs militaires français voyaient plutôt dans le PM, une arme de défense, destinées à armer les cadres et les spécialistes qui n’avaient pas à combattre avec un fusil.
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En 1933, les critères de choix contenus dans le programme d’armement de 1921 furent complétés par deux nouvelles exigences : les PM devraient désormais être dotés d’une crosse repliable et d’un chargeur rabattable.
En parallèle à ses infructueuses aventures militaires, Manufrance n’hésite pas à sortir tout de même son modèle « Le Français - type armée » au catalogue pour les civils et dans plusieurs finitions. Heureusement dirais-je, car sinon on en aurait pas.La Manu met même à jour son projet « Le Français Type Armée » de ses expériences militaires en 1931 en lui offrant un canon cannelé qui lui fait gagner 120 grammes. C’est le type 2, de loin le plus produit (tout est relatif, on va le voir ) entre 1931 et jusque 1939.Cette arme, fine et de grande prestance, avec une ligne de P08 passé par un Salon Art Déco, d’une grande fiabilité et d’une grande précision, aurait pu connaître une belle carrière, un peu à l’instar du Fagnus Maquaire en son temps.Du fait de nos errements administrativo-militaires, il se contente juste d’être une de nos armes quasi réglementaires, car testé par l’Armée et acheté par nombre d’officiers à titre privé, les plus rares.
A se fier aux numéros de série, ce seraient un peu plus de 5 000 exemplaires (en comptant les pièces de stock) qui auraient été fabriqués, par petits lots, au fur et à mesure des ventes et sur une période de dix ans.
La production des armes du 1er type (avant 1931) de 1928 à 1930 s’est limité à …. 453 exemplaires seulement, version quasiment prototypale donc.Même si l’on comptait l’ensemble de la production du « type Armée » de l’année 1931 (155 exemplaires) comme étant composée uniquement de 1er type, ce qui est probablement exagéré, on aboutirait au plus à un total maximal de 608 pistolets « Le Français type Armée du 1er type produits.C’est l’arme des officiers fortunés (475 francs sans le port pour la version de base au catalogue) et de bon goût.
Sa double action, très fluide est munie d’une bossette qui permet une grande maîtrise du tir.La forme de sa crosse, qui remplie bien la paume de mains moyennes et grandes, permet à l’arme de pointer naturellement.Une prise de type « doggy style » est également très agréable.Une fois son utilisation terminée, il suffit de retirer le chargeur. Le canon bascule alors automatiquement vers le haut, laissant sortir l’étui encore chambré. Nettoyage ultra simple. Afin de remettre l’arme en service, nulle besoin d’armer la culasse, il suffit de réenclencher le chargeur, de glisser une balle dans la chambre, puis de refermer le canon, et c’est parti !
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Le bronzage d’origine dit « noir de guerre » est d’une profondeur admirable. Présent à 100%. Aucune oxydation. Aucune peau d’orange même traitée. Aucune trace de manipulation. Aucune traces d’usure de dégainé de son holster non plus. Car la bête nous est venue en plus avec son holster-sellier de type militaire qui le suit depuis presque 100 ans maintenant. C’est le sien et il appartenait à un militaire. De très belles plaquettes enserrent la crosse avec un insert central en laiton.
Le chargeur est de premier type aussi, sans la boucle-tube de talon, pour placer une cartouche supplémentaire destinée à être placée dans le canon. Il est imperdable! Il se déverrouille en étant poussé vers l’avant.Chargeur d’origine au modèle 1er type donc.Le canon est aussi beau dehors que dedans, bronzage d’origine parfait d’un côté et blancheur exquise à l’intérieur. Au top ! Son basculement dès le chargeur retiré ou la pédale située sur le côté droit pressée, est aussi surprenant que sûr de manipulation : Nul besoin d’armer la culasse ! (ou, pour le dire autrement et faire un rappel de sécurité, canon remis en place avec une cartouche chambrée, l’arme est immédiatement prête au tir). Un tel système est d’ailleurs bien plus commode que sur un JoLoAr qui aurait pu le concurrencer.
Cette histoire clownesque du programme d’armement 1921, débordant sur plus de 15 ans, est un peu longue à raconter ici en détail. Entre instabilité politique et capacité formidable d’oubli des leçons les plus dures de la Grande Guerre, surtout dans sa phase 1918, rien de sérieux n’a été fait en 15 ans à part faire lambiner la Manu, boudée, et pas toujours sur de bons arguments. Et pas que la Manu.
Tout ça finira par l’adoption « à la fumée des cierges » de l’excellent PA 35 A, tellement tardif qu’il ne fut quasiment pas produit avant 1940 et le désastre, et par celle, tout aussi précipitée du PA 35 S, pourtant un des vaincu du concours. Mais on était tellement à la bourre en production qu’on ne fit finalement pas la fine bouche ! Vas donc aussi pour le 35 S. De fait, ces deux dernières armes seront essentiellement produites pendant l’occupation pour servir à la Wehrmacht.
Pour ce qui est des armes de poing, en 1918, la France cumulait près d’un million huit cent mille armes (principalement de calibre 8 mm d’ordonnance et en 7,65 Browning) et d’une dizaine de modèles différents. Ayant testé à peu près tout ce qui se faisait sur le marché entre 1914 et 1918, et ayant goûté dans la douleur à la production Made in Germany, il apparaissait clairement en 1919 qu’un pistolet semi-automatique nouveau et généralisé devait intégrer le futur programme d’armement de 1921.
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Bien que remplacé par son successeur, le modèle 1892, il fut encore très largement utilisé pendant la grande guerre de 14/18. Il fonctionne en double et simple action. Sa capacité est de 6 coups. Calibre : 11m/m.
Au début de la guerre, les revolvers d'ordonnance modèle 1873 et 1874 sont réservés aux hommes de troupe non pourvus d'un fusil, d'une carabine ou d'un mousqueton. Cela regroupe toutes les unités qui ne sont pas directement au combat.
Le revolver d'officier modèle 1874 est un revolver 1873 allégé. Même système et même cartouche mais le barillet comporte des cannelures longitudinales et raccourcies autant que la longueur de la cartouche l'autorise. La cage du barillet est réduite en conséquence, la poignée de la carcasse est évidée et la plupart des pièces du mécanisme sont réduites d'épaisseur..Le revolvers 1873 et 1874 ont à eux deux été produits à environ 380 000 exemplaires.
Le pistolet Ruby est un automatique fabriqué pendant la première guerre mondiale et essentiellement utilisé par l’armée française. Armée qui après quelques mois de guerre se rend compte de son inadaptation à l’évolution du conflit, finie l’époque des batailles rangées et de la guerre de mouvement, il faut s’enterrer là où le fusil Lebel devient vraiment difficile d’emploi.
En face les allemands ont déjà de quoi nettoyer les tranchées efficacement avec leurs P08 (Lüger) en particulier. Il est grand temps de fournir aux troupes une arme compacte, manœuvrable et puissante à la fois. Ainsi en plus des revolvers 1873 et 1892, l’intendance décide enfin de s’équiper. Les états-unis sont trop chers, la Belgique est envahie, ne restent que les micro-manufactures d’armes au Pays Basque, à la réputation « cheap ».
Peu importe, il y a urgence et commande est passée. C’est ainsi qu’une myriade de petits ateliers familiaux vont produire des pistolets automatiques « Type Ruby » tous incompatibles entre eux car fabriqués à l’unité sans respect de cotes, aucune pièce n’est interchangeable, pas même les chargeurs, chaque pistolet a son chargeur et c’est tout.
Modèle | Calibre | Fabricant | Notes |
---|---|---|---|
Le Français Type Armée | 9 mm | Manufrance | Testé par l'armée, acheté par des officiers à titre privé |
PA 35 A | 7,65 mm Long | Société Alsacienne de Construction Mécanique | Adoption tardive, production limitée |
PA 35 S | 7,65 mm Long | Manufacture d'Armes de Saint-Étienne (MAS) | Adoption tardive, produit pendant l'occupation |
Révolver 1873 | 11 mm | Manufacture d'Armes de Saint-Étienne | Utilisé par les troupes non pourvues de fusil |
Révolver 1874 | 11 mm | Manufacture d'Armes de Saint-Étienne | Version allégée du modèle 1873, pour officiers |
Pistolet Ruby | 7,65 mm | Divers fabricants basques | Produit en urgence pendant la Première Guerre Mondiale |
Les volte-face survenues dans les programmes d’étude et le manque de volonté de faire aboutir rapidement un projet de pistolet-mitrailleurPistolet-Mitrailleur More dans une armée encore persuadée que seuls le fusil et le fusil-mitrailleur étaient des armes « sérieuses », ont conduit en 1939, à adopter des solutions d’urgence pour fournir des PM à nos soldats : mise en fabrication accélérée de la version industrielle du PM MAS SE-1935 (le MAS 38), commande de pistolets-mitrailleurs Thompson modèle 1921 aux États-Unis (qui arrivèrent en France top tard pour participer aux combats de 1940), mise en service de PM Erma-Vollmer saisis sur les troupes de la République espagnole lors qu’elles se réfugièrent en France en 1939.
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