Et si, au-delà de leurs couillonnades parfaitement assumées, les Charlots étaient finalement les témoins d’une époque aujourd’hui révolue ? Ceux d’une France insouciante, heureuse, se laissant porter par la vague des Trente Glorieuses.
L’idée plaît bien à Jean Sarrus, l’un des Charlots qui vient de publier une longue autobiographie du groupe. « Insouciants, ça, on l’était ! On était une bande de potes et on passait notre temps à déconner. On ne s’est pas baptisés les Charlots au hasard ! On faisait rigoler les gens et à l’évidence, ça leur plaisait. L’époque était plus légère, plus nonchalante… On ne se prenait pas au sérieux et c’est ça qui a fait notre succès ».
D’où le sourire de l’artiste lorsqu’il lit dans le Nouvel Observateur un article où le journaliste clame : « Il faut réhabiliter les Charlots ! » « Ça m’a fait marrer, ils n’ont pas toujours écrit ça… »
Au départ, les Charlots… n’en étaient pas. Jean Sarrus à la basse, Gérard Rinaldi au saxo, Gérard Filipetti et Luis Rego aux guitares, Donald Rieubon et plus tard Jean-Guy Fechner à la batterie, sont même d’excellents musiciens de studio, considérés alors parmi les meilleurs en France.
En 1964, bercés de soul, de rock’n’roll et de pop anglaise, ils accompagnent sur scène, sous le nom des Problèmes, le chanteur Antoine qui connaît alors un succès considérable. « On n’arrêtait pas de faire les cons pendant les concerts et le public aimait ça », se souvient Jean Sarrus. « On s’est dit que ça pouvait marcher ».
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La bande se met alors à son compte. Rinaldi, décédé d’un cancer au début de l’année 2012, est à l’écriture des textes, avouant un goût prononcé pour la parodie, la gaudriole, l’humour rural et populaire.
Jusqu’aux années 80, les Charlots enchaînent les tubes de « Paulette la reine des paupiettes » et « Merci Patron » jusqu’à « L’Apérobic » ou l’adaptation très personnelle de la chanson de Marc Lavoine « Les yeux revolver », rebaptisée « La bouche camembert ».
Dans les années 70, au cœur de leur succès, les Charlots sont alors les représentants d’une sorte de psychédélisme franchouillard, chantant des paroles d’un non-sens réjouissant, « Je chante en attendant que ça sèche » ou « Si tous les hippies avaient des clochettes au cul, on ne s’entendrait plus »…
C’est en parfaits dilettantes, aussi, qu’en 1970, ils font leur entrée dans le cinéma et le film « La grande java », avec Francis Blanche, où ils interprètent des rugbymen. « Sur ce film, l’un des techniciens s’appelait Claude Zidi », se souvient Jean Sarrus. « Avec lui l’année suivante, on a fait les Bidasses en folie. Et là, ça a cartonné ».
C’est le moins qu’on puisse dire. Ces bidasses, bons à rien aux cheveux longs, font se gondoler 8 millions de spectateurs cette seule année 1971, pointant en tête du box-office. Au total, les films des Charlots (Les fous du stade, les Charlots font l’Espagne, Les Charlots contre Dracula !, etc) seront vus en France par près de 50 millions de spectateurs, tout autant qu’en Inde où la troupe jouit d’une popularité extraordinaire.
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« C’est l’un de mes plus beaux souvenirs », raconte encore Jean Sarrus : « On était dans un désert, en Inde. On rejoignait une petite ville en voiture où un de nos films était projeté. Et là, au milieu de nulle part, on tombe sur des nomades qui tenaient absolument à nous parler : ils nous avaient reconnus ! »
De cette célébrité, les Charlots ne tireront pas fortune. « On était des vrais charlots », s’amuse Sarrus. « Il suffisait de nous taper dans la main pour qu’on tourne, on n’était pas bien doués pour négocier nos contrats ». Mais il n’a aucun regret : « On a bien vécu, vraiment ».
Les Charlots ont marqué une époque par leur humour décalé et leur insouciance. Leur capacité à divertir un large public, tant au cinéma qu'en musique, témoigne de leur impact culturel durable.
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