C’est l’un des films marquants - et sans doute aussi controversés - du cinéma français des années 70 : Le Vieux fusil. Sorti en 1975, il a marqué les esprits par sa représentation de la violence et son exploration des thèmes de la vengeance et de la justice.
Le Vieux fusil est la deuxième (et dernière) collaboration entre le réalisateur Robert Enrico et le scénariste Pascal Jardin, dans la foulée de leur travail sur Le Secret. C’est à Jardin que l’on doit l’idée du film.
Pascal Jardin décide très vite de développer un récit en s’inspirant également d’un des épisodes les plus terrifiants de ce conflit, le massacre perpétré par les SS à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944. Mais Pascal Jardin, Robert Enrico et leur coscénariste Claude Veillot décident de changer le lieu du récit et choisissent de raconter l’histoire d’un médecin qui part venger la mort de sa femme et de sa fille, sauvagement assassinées par des SS, juste après le débarquement de juin 1944.
Pour incarner ce médecin, plusieurs noms circulent. Celui d’Yves Montand tout d’abord qui vient de terminer Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Après son refus, Lino Ventura sera immédiatement pressenti. Robert Enrico le connaît bien. Mais lui aussi décline. Dans la foulée de leur première collaboration sur Le Secret, Philippe Noiret est donc de retour devant la caméra de Robert Enrico qui pense un temps l’associer à Catherine Deneuve. Mais le cinéaste porte finalement son choix sur Romy Schneider qu’il n’a jamais dirigée.
Mais dans cette scène - comme tout ce qu’elle fera au long de ce tournage qui se déroule entre Paris, Biarritz (la scène de la plage), Montauban -, Romy Schneider impressionne toute l’équipe par son implication totale. Plus tard, au moment où les Allemands poursuivent son personnage, la violent avant de l’achever au lance-flammes, ses cris furent même si déchirants qu’Enrico choisit de les enlever au montage final par peur que ce passage déjà difficilement regardable devienne proprement insoutenable.
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Lorsque l’ennemi approche, Julien ne prend pas de décision. Il laisse François décider pour lui et va le regretter puisqu’il ne reverra plus jamais ni sa femme, ni sa fille. Il se refait le film des événements. S’en veut. Les femmes de sa vie, celles qu’il se devait de protéger, sont mortes par sa faute. Il les a abandonnées. Sa culpabilité est énorme, sa colère sourde.
Cet homme qui a pour habitude de sauver des vies condamne désormais les bourreaux de sa femme et de sa fille à la peine de mort. Il devient le vengeur, machine à broyer l’ennemi. Julien pousse le vice jusqu’à mentir aux Partisans pour mieux en finir avec les Nazis, seul. Julien fait le ménage. Il liquide tous les Nazis de sang froid, sans dire un mot.
Si Le Vieux fusil reste fidèle aux thématiques du cinéma de Robert Enrico, c’est qu’il raconte l’histoire d’un type ordinaire, en apparence parfaitement équilibré, qui bascule malgré lui dans la violence et la folie. Les années 70 sont celles où le pays commence à regarder en face son comportement pendant la Seconde Guerre mondiale et à pointer du doigt le fait que les Français ne furent pas tous des héros ou des résistants mais aussi des collabos.
Forcément, cette violence dérange. Une partie de la critique parle d’indécence, choquée par l’aspect insoutenable de cette chasse à l’homme que le cinéaste assume pleinement et que le public (et les professionnels) salueront de concert.
Le Vieux Fusil s’ouvre et se clôt sur la même image : un homme, une femme et une enfant se promenant en vélo sur un petit chemin de campagne, accompagnés d’un chien. Mais si la scène est identique, le sentiment éprouvé par le spectateur est très différent. Car entre-temps, le spectateur a été témoin de choses dures, éprouvantes.
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Au début, le film de Robert Enrico nous entraîne à Montauban en 1944. Philippe Noiret incarne le docteur Dandieu, un médecin dont la profession est forcément bouleversée par la guerre et l’Occupation. Au milieu de ce contexte difficile, la seule consolation de Dandieu, c’est sa petite famille, sa mère, sa fille, et surtout sa femme Clara. Romy Schneider est exceptionnelle dans ce rôle.
A ce moment-là, le film aurait pu sombrer dans le plus grave des pathos. La scène du viol et du meurtre de Clara est à la limite de l’insoutenable. Pendant qu’il prépare sa vengeance contre les soldats nazis, Dandieu va être assailli par les souvenirs de sa femme, sa rencontre avec elle, sa petite vie de famille de bon père bourgeois de province avant la guerre, etc.
A travers cette histoire de massacre(s), Le Vieux Fusil nous montre comment l’horreur de la guerre se répand et contamine tout le monde. Dandieu pensait sincèrement échapper à tout cela et protéger sa famille en l’envoyant à la campagne, dans le hameau de la Barberie. Mais pourtant, la guerre ne préserve rien, tout est touché, souillé par sa folie destructrice.
En 1975, Le Vieux fusil réunit 3 365 471 spectateurs. C’est le cinquième meilleur résultat de l’année au box-office France. Le film triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique. Le temps confirmera cet engouement. En 1985, Le Vieux fusil sera élu comme César… des César par la même profession.
Selon l’angle avec lequel on l’aborde, Le Vieux fusil est un film qui a parfois figé ses commentateurs dans la posture, que celle-ci soit d’ailleurs pour sa défense ou violemment à charge. Le Vieux fusil, qu’est-ce, finalement ? Un revenge movie ? Un film de guerre ? Un document historique ? Un mélodrame en temps de guerre ? Ou un film signé Robert Enrico ? Un peu tout cela, peut-être.
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Le Vieux fusil, réalisé par Robert Enrico, est un film qui a marqué le cinéma français. Sorti en 1975, il continue de susciter des débats et des émotions fortes.
Ce classique du cinéma hexagonal est porté par l’interprétation de Philippe Noiret et de Romy Schneider.
Lieux mythiques du cinéma : Le village de Bruniquel, dans le Tarn-et-Garonne, a accueilli le tournage du film de Robert Enrico, au printemps 1975. À Bruniquel, un village de 610 habitants du Tarn-et-Garonne à trente kilomètres de Montauban, le tournage du Vieux Fusil, en 1975, reste un temps fort de l’histoire locale. Les figurants qui ont participé à cette aventure ne sont plus nombreux, mais le film continue à drainer toute l’année des touristes jusqu’à la cité médiévale, classée parmi les plus beaux villages de France.
Le film de Robert Enrico raconte l’histoire d’un paisible chirurgien de Montauban, Julien Dandieu (Philippe Noiret), qui, aux dernières heures de l’Occupation en 1944, venge le meurtre de sa femme Clara (Romy Schneider) et de sa fille dans un village décimé par une division allemande.
Florence Brutto, coiffeuse au village depuis un an, a regardé le film à son arrivée comme un rituel d’intégration. «Je cherche une affiche du film avec Romy Schneider. Beaucoup de gens ont des photos du tournage chez eux», témoigne la jeune femme. L’ancienne conciergerie accueillait la scène où Julien Dandieu tue le dernier de ses ennemis. La cour du château a été le cadre de la fête du village, mais aussi de l’assassinat de la mère et de la fille, dans la terrible «scène du lance-flammes».
«Le puits le plus profond qui soit» construit pour le tournage. Des aménagements avaient été nécessaires, à commencer par la construction d’un pont-levis aujourd’hui détruit que les touristes cherchent en vain. Le puits dans lequel le personnage principal abat sa première victime est en revanche toujours là. Les astuces du montage -entretenant l’illusion que Bruniquel, Bonaguil et Penne, deux autres communes du Quercy, n’en forment qu’une- ont fasciné les habitants et créé une durable complicité entre le film et le village.
Yvan Bianchi, directeur de l’office du tourisme, se souvient de la première fois qu’il a vu le film dans un cinéma de Montauban : «Dans la salle, tout le monde pleurait, et moi, j’avais envie de rire ! Denis Montet, agriculteur bruniquelais, avait prêté aux accessoiristes une charrette et des bêtes. La vache errante, qui annonce au début du film le massacre du village, lui appartenait. Recruté comme figurant, il se souvient surtout avoir attendu : «Dès qu’un petit nuage passait, il fallait tout arrêter. Ma scène n’a pas été retenue, alors que j’ai dû venir six fois, parfois pendant une demi-journée !» En dédommagement, il touchait 50 francs par jour.
Yvan Bianchi s’étonne encore de «l’usine» déversée chaque jour par les camions, comme ces dizaines de projecteurs dardant leurs rayons sur la petite fenêtre de la conciergerie pour simuler l’éclat du jour. Les apparitions de Romy Schneider constituent un autre souvenir brûlant : «Je revois ses longues jambes fines sortir de la Mercedes. C’était une star, une grande dame. On ne pouvait pas l’approcher comme ça», se souvient Jacky Poussou.
À l’époque, l’actrice frôlait le surmenage. «Elle jouait des scènes très dures. J’ai assisté à celle du viol. À la fin, elle était véritablement bouleversée», se souvient l’artiste. Plusieurs habitants évoquent aussi avec émotion la présence du fils de Romy Schneider, David Meyen, alors âgé de 9 ans, mort six ans plus tard. Mais de tous, c’est bien Philippe Noiret, cet homme «simple et ouvert», qui a su le mieux se faire aimer des Bruniquelais. Parmi ces acteurs se trouvaient des militaires du 17e RGP de Montauban. Le lance-flammes du film faisait partie de leur matériel.
Dans Les Cahiers du Cinéma, Jean-Pierre Oudart parla à la sortie d’un « film abject », relayé des années plus tard par Louis Skorecki, dans Libération, évoquant « les indécences obscènes » du film.
Année | Nombre de Spectateurs en France | Position au Box-Office France | Récompenses (César) |
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1975 | 3 365 471 | 5ème | Meilleur film, Meilleur acteur, Meilleure musique |
1985 | - | - | César des Césars |
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